Communiqué LDH
Samuel Paty avait fait vocation de transmettre les valeurs de la République. L’horreur de sa décapitation nous frappe au cœur de notre attachement à la République.
La Ligue des droits de l’Homme (LDH) veut d’abord rendre hommage au pédagogue qui lui avait demandé de venir dans ses cours illustrer ce que sont les droits de l’Homme.
Mais à quoi sert de se réunir autour de Samuel Paty, à quoi servent notre colère et notre révolte si, en même temps, la haine désigne des boucs émissaires, la liberté d’expression est sommée de se censurer et l’arbitraire est publiquement revendiqué ?
La vengeance n’a pas sa place dans l’impérieuse nécessité de répondre aux défis que nous lancent celles et ceux qui ont fait de la mort et du fanatisme leur drapeau au nom d’une vision politique et dévoyée de l’Islam.
C’est pourtant ce qui guide ceux qui nous gouvernent comme celles et ceux qui déversent leur haine comme on l’a rarement vu dans notre pays.
S’en prendre à l’agencement des rayons des supermarchés n’est pas seulement ridicule et indécent mais n’a rien à voir avec la lutte contre les actes de terrorisme. En revanche, l’auteur de cette trouvaille, sous couvert de dénoncer le marketing capitaliste, fait le choix de présenter les consommateurs de produits hallal ou cascher comme des français différents des autres.
« Faire passer un message » ou « déstabiliser une mouvance », cela nous rappelle les débordements injustifiés et improductifs de l’état d’urgence imposé après les attentats de novembre 2015, mais cela n’a rien à voir avec l’exercice normal de la loi et des pouvoirs de police.
Jeter en pâture le nom d’associations sans qu’aucun lien avec le crime commis ne soit invoqué, c’est faire de celles-ci des cibles destinées à être mises au banc de la société et faire de la liberté d’association un danger dont il faudrait restreindre l‘exercice.
Cette parole gouvernementale qui oscille entre mépris du droit et culpabilité présumée en raison d’une religion ou d’une origine, conduit à empêcher tout débat sur les politiques mises en œuvre depuis des décennies tant pour mettre un terme aux discriminations qui minent le pacte républicain que pour mieux assurer notre sécurité. Pire, elle a libéré la parole de celles et ceux qui, depuis des décennies, proclament à tout va que l’Islam et avec lui toutes les femmes et hommes de cette foi ou de cette culture sont hors les lois de la République.
Ainsi, tel essayiste n’hésitera pas à soutenir que ne pas partager cette opinion conduit à être intellectuellement responsable des actes de terrorisme, telle autre, qui n’hésite pas à gommer le caractère raciste d’une agression dès lors que les victimes sont des femmes arabo-musulmanes, enfourchera la même rhétorique, tous deux étant confortés par une chaine de télévision qui, en toute impunité, a fait du racisme son fonds de commerce.
Dans cette infernale logique qui divise notre pays entre communautés opposées, entre eux et nous, il n’est pas étonnant que les défenseurs de l’Etat de droit soient traités de « droits de l’Hommiste » et que la constitution et les conventions internationales deviennent des textes dangereux qu’il faudrait dépasser.
C’est aussi de cette manière qu’on en vient à réécrire, dans un but d’exclusion, les principes fondateurs de la République et à qualifier certaines de ses institutions de « complices du terrorisme ».
Au bout de cette logique, ce sont ceux que nous combattons qui finiront par triompher d’une République qui aura abandonné tous ses principes.
Si nous avons effectivement à cœur de renforcer l’Etat de droit et de protéger notre démocratie, il faut interrompre ce processus mortifère.
Mener le combat contre les actes de terrorisme dans le respect de l’Etat de droit implique une autre ambition, celle de voir la République reconnaître tous ses enfants à égalité de droits et celle de mettre en adéquation les réalités avec la promesse républicaine de liberté, d’égalité et de fraternité.
La LDH, à qui 120 ans d’existence ont appris à ne rien céder des principes sur lesquels elle a été fondée, poursuivra son action en ce sens.
Paris, le 27 octobre 2020
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