Communiqué de l’AEDH
Le Parlement européen a adopté, le 12 septembre 2011 (1), une résolution modifiant le règlement de l’agence Frontex (2). Cette réforme introduit plusieurs dispositions visant à garantir un plus grand respect des droits fondamentaux par l’agence, ce dont on ne peut que se féliciter tant la demande était grande dans ce domaine, notamment du coté des ONG. L’AEDH note cependant que, au-delà de ce progrès de principe, demeurent des interrogations pour ne pas dire un scepticisme quant à l’efficacité des garanties ainsi votées par le Parlement européen. Scepticisme également quant à l’avenir de cette réforme qui, pour entrer en vigueur, doit encore être approuvée par le Conseil.
Outre l’inscription dans le règlement cadrant l’activité de Frontex de l’obligation de respecter les droits fondamentaux, le Parlement s’est prononcé en faveur de la création d’un poste d’officier des droits fondamentaux ainsi que d’un forum consultatif, tous deux chargés de veiller au respect des droits. Une clause serait également introduite dans ce règlement pour suspendre toute opération de Frontex en cas de violations des droits de l’Homme. Les gardes-frontières bénéficieraient de formations en matière de droits fondamentaux, de droit d’asile et de droit maritime.
L’AEDH considère que cette réforme du mandat de l’Agence marque une avancée incontestable mais encore très éloignée des attentes pour que soit garanti un respect total et en toutes circonstances des droits des migrants et demandeurs d’asile. Doter l’agence d’organes de surveillance des droits est certes un pas en avant, mais ceux-ci n’auront pas de statut indépendant et devront se cantonner à un rôle consultatif ou technique. Interrompre les opérations de Frontex en cas de violations des droits est bien sûr indispensable, mais cette décision ne doit pas être laissée à la libre appréciation du directeur exécutif de l’agence ni être soumise à son évaluation du degré de gravité des violations. Toute violation de droits est inacceptable, particulièrement lorsqu’elle relève du fait d’une institution représentant l’Union européenne, et il ne peut y avoir d’échelle en ce domaine.
De plus, l’AEDH ne peut que vivement regretter, une fois de plus, que l’obligation de sauvetage en mer ne soit toujours pas inscrite dans le mandat de Frontex. La confirmation récente du fait que plus de 2000 personnes auraient disparu en mer Méditerranée au cours de la seule année 2011 (3) était pourtant de nature à inspirer les parlementaires.
Enfin l’AEDH déplore que cette réforme de Frontex n’aboutisse pas à un plus grand contrôle démocratique sur les activités de l’Agence. Elle se verra doter de nouveaux pouvoirs, tels que la collecte et le traitement de données personnelles, la coopération avec Europol – qui, rappelons-le, détient des pouvoirs de police -, la négociation et la conclusion d’accords avec des pays tiers ; mais le Parlement européen, seule institution véritablement démocratique de l’Union, ne pourra ni contrôler ces activités ni en influencer l’évolution.
En tout état de cause, l’AEDH conteste le choix fait par l’Union d’augmenter les pouvoirs et les moyens financiers d’une Agence toute vouée à la protection des frontières européennes, plutôt que de s’assurer de la sécurité des migrants et du respect absolu de leurs droits dans le cadre de politiques solidaires et justes en matière d’asile et de coopération avec les pays tiers.
Bruxelles, le 20 septembre 2011
L’Association Européenne pour la Défense des Droits de l’Homme (AEDH) regroupe des ligues et associations de défense des droits de l’Homme des pays de l’Union Européenne. Elle est membre associé de la Fédération internationale pour la défense des droits de l’Homme (FIDH). Pour en savoir plus, consultez le site www.aedh.eu
(1) Résolution législative adoptée à 431 voix pour, 49 voix contre et 48 abstentions.
(2) Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 2007/2004 portant création d’une Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne (FRONTEX)
(3) « Deux mille migrants disparus cette année en traversant la Méditerranée », Le Monde, 7 septembre 2011