Difficultés d’accès au séjour des ex-enseignants marocains de la langue et culture d’origine (Elco) et de leurs familles restées en France

Paris, le 14 avril 2016

 

Madame la Ministre, Monsieur le Ministre,

 

Nous souhaitons attirer votre attention sur une situation humaine particulière, celle des enseignants marocains anciennement chargés de l’enseignement de la langue et culture d’origine et qui ont fait le choix de rester dans notre pays dans l’intérêt de leurs enfants.

Des enseignants marocains investis de longues années dans l’Education nationale

Comme vous le savez, ces enseignants marocains, délégués par le gouvernement marocain pour enseigner la langue et culture d’origine (ELCO) dans l’Education nationale française, ont exercé leur métier dans différents établissements scolaires (écoles et collèges) sur la base d’arrêtés d’affectation des recteurs d’académie sur tout le territoire.

Mais ces personnels ont fait l’objet d’une décision collective de fin de mission de la part du gouvernement marocain et ont perdu, par voie de conséquence, le droit au séjour dont ils bénéficiaient au titre de leur fonction. Ils disposaient d’un titre de séjour du ministère des Affaires étrangères (MAE), qu’ils ont dû restituer en fin de mission.

Un choix logique pour certains d’entre eux : rester en France

Pour autant, certains de ces enseignants ont fait le choix, toujours difficile, de rester sur le territoire français, le plus souvent dans l’intérêt de leurs enfants. En effet, ceux-ci ont accompli en France tout ou partie de leur parcours scolaire et ils auraient été gravement déstabilisés par un retour dans l’éducation marocaine, faute de maîtriser suffisamment la langue écrite. Mais surtout, c’est en France que se situe la poursuite naturelle de leur scolarité, c’est ici qu’ils ont maintenant leurs attaches, c’est là qu’ils ont leurs amis et leur vie sociale. Leur vie est ici.

Ces familles, dont certains enfants sont nés en France, d’autres arrivés avant l’âge de 13 ans, pouvaient penser bénéficier, comme tout étranger, des dispositions du Code de l’entrée et du séjour (articles L. 313-11, 7° ou L. 313-14) et, à défaut, de celles de la circulaire du 28 novembre 2012 établissant les modalités d’une admission exceptionnelle au séjour. Cela a d’ailleurs été le cas d’un certain nombre de ces familles, régularisées notamment en 2014 et 2015.

Des décisions  incompréhensibles : la non-prise en compte des années de présence

Malheureusement, nous avons pris connaissance de décisions préfectorales, en particulier celles de la préfecture de l’Hérault ou de l’Oise, et d’informations récentes communiquées par des services préfectoraux, notamment en Seine-Saint-Denis, qui indiquent que l’administration ne veut pas prendre en compte les années pendant lesquelles ces enseignants ont travaillé dans l’Education nationale, au motif qu’ils auraient été en mission, sous couvert d’un titre de séjour spécial du MAE.

Par voie de conséquence, ces enseignants ou leurs enfants, quand ces derniers sont majeurs, engagés dans un parcours universitaire réussi et présents depuis très longtemps en France, sont victimes d’un refus de séjour ou menacés de l’être.

Cette logique plonge d’ores et déjà dans l’angoisse les personnes concernées, qu’elles soient victimes de refus de séjour ou que leurs dossiers soient encore en instance d’examen. Elle défie surtout la logique, la justice et les considérations humaines :

– d’une part, elle pose un problème d’équité puisque nombre de leurs collègues, placés dans des conditions totalement similaires, ont d’ores et déjà été régularisés ;

– d’autre part, il serait incompréhensible que la France récompense de cette manière des enseignants qui se sont dévoués pendant de longues années au service des élèves français dans nos écoles et collèges, dans des conditions d’ailleurs souvent difficiles.

Notre demande : droit au séjour pour les ELCO et leurs familles

Les enseignants ELCO, leurs conjoint-e-s et leurs enfants remplissent les critères énoncés, tant par le Code de l’entrée et du séjour que par la circulaire précitée, et ces familles bien intégrées dans la société française font indéniablement partie de ces étrangers dont la reconduite à la frontière « représenterait une atteinte disproportionnée à leur droit à une vie privée et familiale ».

Leurs enfants vivraient l’obligation de quitter la France comme une violation de leur intérêt supérieur, au regard des conventions internationales.

Nous vous demandons instamment de bien vouloir intervenir auprès de votre collègue, Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, pour lui demander de donner les instructions nécessaires pour que dans ces cas, au demeurant peu nombreux, les années de travail en France soient prises en compte, pour que les refus de séjour déjà notifiés soient abrogés et que les dossiers en instance soient examinés de façon bienveillante.

Vous comprendrez que nous rendrons cette lettre publique.

C’est dans cet espoir et dans l’attente d’une réponse rapide de votre part sur ces différents points que nous vous prions d’accepter, madame la Ministre, l’assurance de notre respectueuse considération.

 

Hervé BASIRE (FERC CGT)
Souad CHAOUIH (AMF)
Jean-Michel DELARBRE (RESF)
Françoise DUMONT (LDH)
Bernadette GROISON (FSU)
Sébastien PEIGNEY (US Solidaires)

 

Téléchargez la lettre adressée à Mme Najat Vallaud-Belkacem

Téléchargez la lettre adressée à M. Jean-Marc Ayrault

Téléchargez la lettre adressée à M. Bernard Cazeneuve

 

Communiqués de la LDH

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