Lettre ouverte de la LDH à Barack Obama, président des Etats-Unis d’Amérique
Monsieur le Président,
Lors de son 86e congrès, la Ligue des droits de l’Homme française, qui est la plus ancienne organisation de défense des droits de l’Homme au monde, a décidé de vous écrire au sujet du cas du plus ancien prisonnier politique du monde, M. Leonard Peltier.
Comme vous le savez certainement, M. Peltier est l’un des membres fondateurs de l’American Indian Movement (AIM), qui lutte pour les droits des Native Americans en s’inspirant du mouvement des droits civiques des années 1960.
M. Peltier a été une première fois accusé d’agression contre des agents du FBI en novembre 1972 et emprisonné pendant cinq mois… puis acquitté car il a été prouvé que l’affaire avait été montée de toutes pièces par le FBI, qui considérait l’AIM comme une organisation « subersive », pour le compromettre.
M. Peltier a été condamné à la prison à vie en 1977 à Fargo (North Dakota) pour le meurtre de deux agents fédéraux en juin 1975 à Pine Ridge, meurtre qu’il a toujours nié. Les conditions de ce procès n’ont pas été équitables : le juge a déclaré irrecevables tous les témoignages de la défense et a admis de faux témoignages d’agents fédéraux, qui prétendaient avoir identifié M. Peltier alors qu’il a été formellement démontré qu’ils ne le pouvaient pas depuis le lieu où ils se trouvaient. Ce jugement a été une première fois confirmé en appel mais, en 1981, sur la base de nouveaux éléments, un nouveau procès en appel a permis d’établir par un rapport balistique que le fusil ayant servi à accuser M. Peltier ne pouvait être l’arme du crime. Le 22 septembre 1986, la cour d’appel en a conclu que le rapport balistique produit au premier procès était « suspect » et que la nouvelle preuve « aurait pu changer le verdict du premier procès »… mais elle a confirmé la sentence !
En 1995, alors que M. Peltier était défendu par l’ancien attorney général Ramsay Clark, le procureur Lynn Crook a admis dans une nouvelle audience qu’« aucune preuve n’existe contre
Leonard Peltier », a déclaré que le gouvernement ne l’avait « jamais réellement accusé de meurtre direct » (ce pour quoi il a été condamné en 1977) et qu’en cas de nouveau procès « la justice ne pourrait pas le recondamner ». Mais le Conseil de liberté conditionnelle a refusé de le libérer pour la seule raison qu’il continuait à se dire innocent… ce qui allait à l’encontre de la décision de justice initiale.
En 1996, le président William Jefferson Clinton affirma : « Je n’oublierai pas Leonard ». Mais il ne répondit pas à la demande de grâce en 2000, le dernier jour de son mandat présidentiel…
Il y a aujourd’hui plus de 35 ans que M. Peltier est en prison. Il a été formellement établi qu’il ne peut être l’auteur du meurtre pour lequel il a été condamné. Il est évident pour tout observateur de bonne foi qu’il a été accusé uniquement en raison de son engagement pour les droits des Native Americans et de son activité militante.
Les USA détiennent ainsi le plus ancien prisonnier politique du monde, victime d’une insupportable erreur judiciaire et du refus systématique de la réparer, soit par mépris de la justice, soit par lâcheté politique.
La Ligue des droits de l’Homme française, qui a été fondée en 1898 à cause de l’affaire Dreyfus dans laquelle déjà un innocent avait été condamné pour des raisons insupportables et discriminatoires, vous demande aujourd’hui, Monsieur le Président, de mettre fin à cette situation qui est en opposition totale avec les valeurs et les principes que vous proclamez depuis le début de votre carrière politique. Elle vous demande de faire immédiatement libérer M. Peltier, dont la vie a été brisée par l’injustice et la discrimination et qui subit, depuis plus d’un tiers de siècle, une forme de mort lente dans les prisons de votre pays.
Vous comprendrez que, par respect pour la lutte des peuples de Native Americans et des militants qui défendent leurs droits, nous rendions publique cette lettre.
Je vous prie de croire, Monsieur le Président, en l’assurance de ma haute considération.
Pierre Tartakowsky
Président de la LDH
Paris, le 26 septembre 2011
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