Pétition à l’initiative de l’Association des psychiatres de secteur infanto-juvénile (Api) et soutenue par diverses organisations dont la LDH
Parce que l’enfance est une période de la vie singulière, déterminante et complexe,
Parce qu’il va de soi, qu’elle doit faire l’objet d’une attention première en termes de politique pour la santé mentale et la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent,
Parce que la politique publique de notre pays doit pouvoir répondre, aux besoins propres, psychiques et développementaux des bébés, des enfants et des adolescents, en associant systématiquement les familles,
Parce que le modèle français de pédopsychiatrie de secteur, reconnu par le Président de la république lors des assises nationales de la psychiatrie et de la santé mentale qui se sont tenues en septembre 2021, doit impérativement et sans aucune réserve continuer à s’appuyer sur les préoccupations de proximité, d’accessibilité, de gradation, de continuité et de qualité des soins,
Parce que la demande de soin en santé mentale et en psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent a explosé ces vingt dernières années : en périnatalité, dans les contextes de troubles graves du développement ou encore chez les adolescents en grande souffrance psychique,
Parce que la pandémie est venue révéler crûment l’immense contraste entre l’offre de soin et cette demande, considérablement augmentée par le contexte,
Parce que le désastre annoncé du déficit de moyens et d’actions de la pédopsychiatrie française pour remplir ses missions de prévention et de soin, est désormais un fait, constaté par tous : professionnels, familles et dirigeants. Le “Cri d’alarme de la Défenseure des droits sur la santé mentale des enfants et adolescents” du 16 novembre 2021, en est la plus simple et la plus directe des illustrations,
Parce que toutes les mesures et initiatives gouvernementales prises depuis longtemps n’ont consisté qu’en des renforcements ponctuels et mineurs au regard du coût annuel grandissant de la santé mentale en France, estimé à près de 110 milliards d’euros avant la pandémie,
Parce que le demi-milliard d’euros consacrés aux centres médico-psychologiques pour enfants et adolescents, pivots du modèle français, est en décalage majeur avec leurs missions qui ont été réactualisées par tous les experts et représentants de la profession, dans le nouveau cahier des charges des CMP, établi en février 2021 par le collège de pédopsychiatrie de la Fédération Française de Psychiatrie, pour fluidifier les parcours, et en vue de soins personnalisés, gradués, inscrits dans « l’aller vers » ; des soins coordonnés, fruits de concertations et d’une coopération intelligente et équilibrée de tous les acteurs ; des soins d’abord généralistes et, si besoin, spécialisés, à partir de ce dispositif au cœur du réseau de santé mentale,
Parce que le cloisonnement des champs sanitaire, médico-social et social nuit à la santé mentale des enfants et des adolescents par l’empêchement d’une organisation générale cohérente ; le rattachement des CMPP – centre médico-psycho-pédagogiques – au seul champ du médico-social en est un des exemples flagrants,
Parce qu’aucune circulaire ni aucune loi n’est venue penser, orienter, organiser spécifiquement la santé mentale et la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent depuis trente ans et la circulaire du 11 décembre 1992, dite « Circulaire Kouchner » traitant des « Orientations de la politique de santé mentale en faveur des enfants et adolescents »,
Parce que ce délaissement a entraîné une ruine progressive du service public de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, atteignant d’autant plus les populations précaires, et aussi les enfants protégés et vulnérables,
Parce que cette ruine touche autant les soins psychiques et rééducatifs, que les dynamiques interprofessionnelles et interinstitutionnelles de soins aujourd’hui très dégradés, tant à l’intérieur du champ de la pédopsychiatrie que dans les champs partenaires comme l’école et la protection de l’enfance elles-mêmes en grande difficulté en termes de prise en compte de la santé mentale des jeunes,
Parce qu’au-delà de la baisse catastrophique du nombre des pédopsychiatres, cette ruine entraîne aujourd’hui une désaffection prononcée des professionnels, sous-payés, las, éprouvés, déprimés, ou inquiets de ce qui se joue pour ce domaine auparavant attractif par la richesse de pensées et de théories, au carrefour de l’humain, du devenir de l’enfant et de progrès incontestables des connaissances,
Parce qu’il est inadmissible que la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent soit pointée du doigt pour des supposés résistances ou incompétences alors qu’elle n’a eu de cesse de se renouveler avec énergie, créativité et rigueur dans des contextes budgétaires démesurément contraints,
Parce qu’il est incohérent de cumuler des recommandations de bonnes pratiques professionnelles sans qu’elles soient accompagnées systématiquement de moyens suffisants pour pleinement les appliquer sur tout le territoire,
Parce que la réforme du financement de la psychiatrie est profondément inadaptée à la période de l’enfance, et que cette période de la vie doit relever de l’exception de toute tarification à l’activité,
Parce qu’il n’est plus acceptable que la santé mentale et la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent fassent l’objet de marchandages et de commerces,
Parce qu’au-delà du doublement minimum nécessaire des moyens humains et matériels des structures publiques ou agissant pour le service public en santé mentale et en psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, une organisation générale de la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent doit être repensée avec le plus grand soin,
Pour toutes ces raisons,
De ma place de président de l’Association des psychiatres de secteur infanto-juvénile,
Et au nom de tous les pédopsychiatres de terrain qu’elle représente, j‘appelle aujourd’hui à une loi-cadre pour la santé mentale et la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent :
- Une loi-cadre spécifique et non l’appendice d’une loi pour la psychiatrie générale, elle-même indispensable,
- Une loi-cadre intégrée à une politique forte de l’enfance investissant pour les générations de demain, et excluant toute logique de rendement,
- Une loi-cadre énonçant les principes d’une organisation générale cohérente et revisitée des soins en pédopsychiatrie, en appui premier sur un socle public suffisamment solide ; une organisation générale incluant d’emblée le médico-social, le social et le libéral, et croisant une dynamique de secteur habilement dimensionnée avec celle plus large d’une trans-sectorialité suffisamment réfléchie à différentes échelles de territoires,
- Une loi-cadre fixant des objectifs clairs et précis pour la rénovation de la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent,
- Une loi-cadre énonçant le principe d’un renforcement massif de tous les moyens nécessaires pour répondre à ces objectifs,
- Une loi-cadre redonnant la priorité à une dynamique valorisée de coopérations et de concertations, au sens de liens consistants et respectueux entre les professionnels eux-mêmes et entre les équipes de professionnels ; une dynamique ancrée dans le croisement des regards et les processus d’élaboration collective à l’échelle des lieux de soins et des réseaux ; une dynamique éloignée des seules coordinations mécaniques, logistiques, centralisées et unidirectionnelles ; une dynamique à même d’assurer un réel portage thérapeutique ; une dynamique qui ne réalise pas autre chose qu’une politique de secteur renouvelée et renforcée incluant tous les acteurs du champ de l’enfance,
- Une loi-cadre réaffirmant pleinement, dans une logique de soutien aux soins intégratifs : l’interdépendance de toutes les dimensions développementales chez l’enfant, la complémentarité entre l’abord global des soins de la personne et les interventions spécifiques, ainsi que l’importance du travail avec les familles, les représentants légaux et les partenaires,
- Une loi-cadre redonnant une véritable place à une formation diversifiée de tous les professionnels, et à toutes les recherches en psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent,
- Une loi-cadre fixant un programme et un calendrier crédibles des actions à entreprendre,
- Une loi-cadre engageant notre pays à aller au bout de cette rénovation de la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, en partant de cet existant au bord de la rupture mais toujours vivant.
Docteur Christophe LIBERT, pédopsychiatre, président de l’API – Association des psychiatres de secteur infanto-juvénile www.api.asso.fr
Organismes officiels soutenant la pétition :
AFFEP – Association Française Fédérative des Etudiants en Psychiatrie ; AFPEP-SNPP – Association Française des Psychiatres d’Exercice Privé – Syndicat National des Psychiatres Privés ; AFPEN – Association Française des Psychologues de l’Education Nationale ; AJPJA – Association des Jeunes Psychiatres et Jeunes Addictologues ; ANMDA – Association Nationale des Maisons Des Adolescents ; CNU – Conseil National des Universités de pédopsychiatrie, sous-section 49-04 ; FDCMPP – Fédérer les Centres Médico-Psycho-Pédagogiques ; FFP – Fédération Française de Psychiatrie ; FFPP – Fédération Française des Psychologues et de la Psychologie ; FFP – Fédération Française des Psychomotriciens ; FNAREN – Fédération Nationale des Associations des Rééducateurs de l’Education Nationale ; FNEPE – Fédération Nationale des Ecoles des Parents et des Educateurs ; FSU – Fédération Syndicale Unitaire ; FOF – Fédération des Orthophonistes de France ; LDH – Ligue des droits de l’Homme ; SFPEADA – Société Française de Psychiatrie de l’Enfant et de l’Adolescent et des Disciplines Associées ; SIP – Société de l’Information Psychiatrique ; SM – Syndicat de la Magistrature ; SNPMI – Syndicat National des Médecins de Protection Maternelle et Infantile ; SPEP – Syndicat des Psychiatres d’Exercice Public ; SPH – Syndicat des Psychiatres des Hôpitaux ; UNAFAM – Union Nationale de Familles et Amis de personnes Malades et/ou handicapées psychiques ; USP – Union Syndicale de la Psychiatrie