La LDH soutient le film « Le Procès, l’Etat de Russie contre Oleg Sentsov » de Askold Kurov

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En mai 2014, le cinéaste Oleg Sentsov est arrêté en Crimée et transféré en Russie par le FSB (les services secrets russes), avec trois autres citoyens ukrainiens (Hennady Afanasyev, Alexeï Tchirniy et Alexandre Koltchenko). Tous les quatre sont accusés de préparer des actes terroristes contre une statue de Lénine et contre des bâtiments administratifs passés aux mains des Russes.

Le film d’Askold Kurov retrace étape par étape le procès d’Oleg Sentsov depuis son arrestation et ses premières comparutions devant les juges, jusqu’à sa condamnation, le 25 août 2015, à 20 ans de détention.

Il repose essentiellement sur les déclarations d’Oleg Sentsov filmées lors de son procès – Alexandre Koltchenko, anarchiste, écologiste et défenseur des droits de l’Homme, apparaît dans le box des accusés avec lui – et sur les témoignages de son avocat, Dimitri Dinze et de sa cousine Natalia Kaplan. Les témoignages sont appuyés par des images d’archives de la télévision publique et de différentes manifestations de soutien au cinéaste.

Le pré-générique rappelle qui est Oleg Sentsov : réalisateur ukrainien âgé de 37 ans lors de son arrestation, père de deux enfants, organisateur de tournois internationaux de jeux en ligne et réalisateur en 2011 d’un premier long-métrage, Gamer, sur cet univers du cybersport. Oleg Sentsov a pris une part active à la révolte pro-européenne d’Euromaïdan à Kiev fin 2013 puis est retourné ensuite chez lui en Crimée après l’invasion russe où il a apporté de l’aide aux soldats ukrainiens pris au piège, aidant des familles ukrainiennes menacées à rentrer chez elles.

Dans le premier temps du procès, Oleg Sentsov dénonce la torture qu’il a subie après son arrestation. Il s’oppose fermement à toutes les tentatives qui seraient faites pour lui retirer la nationalité ukrainienne afin de pouvoir le juger en Russie, et affirme ne pas reconnaître l’annexion par la force de la Crimée : « Je ne suis pas un serf pour être rattaché avec sa terre à un autre pays », déclare-t-il.

On assiste à plusieurs audiences au cours desquelles sa détention provisoire est prolongée. Mais pendant les seize mois passés dans une prison de haute sécurité à Moscou, aucune preuve de son implication dans une organisation terroriste ne pourra être produite par le FSB, en dehors des témoignages de Tchirniy et Afanasyev. Ceux-ci ont été convaincus de témoigner contre lui en le chargeant comme seul organisateur des attentats et donneur d’ordre. Sentsov est accusé d’appartenir au mouvement nationaliste ukrainien d’extrême-droite.

Kirill Rogov, professeur de sciences politiques, analyse très clairement l’objectif de ce procès : mis en scène et relayé par les médias, il est destiné à envoyer un signal aux élites et aux activistes et à servir d’avertissement à la population toute entière. Preuves et charges sont évidemment sans fondement et ne sont là que pour démontrer que chaque individu est totalement sans défense devant une telle machine. Il s’agit pour les autorités de maintenir une certaine peur en s’en prenant à une personnalité en vue, démontrant par là que même la notoriété ne protège pas. C’est « le principe Khodorkovsky » : « si vous pouvez détruire le plus puissant oligarque, vous pouvez détruire n’importe qui ».

Ce film démontre de façon implacable que l’Etat de droit n’existe pas en Russie dès lors qu’il n’y a pas de séparation des pouvoirs et que les magistrats sont entièrement aux ordres du pouvoir politique.

Deux moments forts portent le film : lorsque Hennady Afanasyev, l’homme sur qui repose tout le procès et dont le témoignage a été obtenu sous la torture, refuse de confirmer ce témoignage devant le tribunal. Alors que toute l’accusation s’effondre, ce coup de théâtre n’ébranlera pas les juges.

Enfin, l’ultime déclaration de Sentsov au tribunal après le verdict – 20 ans de détention pour lui, et 10 ans pour Koltchenko. S’exprimant avec calme, il cite Boulgakov dans Le Maître et Marguerite : « la lâcheté est le principal et le plus grand péché sur terre ». Il remercie Afanasyev pour son acte de courage. Il félicite les médias de leur efficacité car la majorité de la population russe est convaincue par les mensonges de la propagande officielle qu’ils relayent.  Enfin, s’adressant à tous ceux qui, en Russie, ne sont pas dupes de cette propagande, il interroge : « Pourquoi avons-nous élevé une nouvelle génération d’esclaves ? ».

Le 14 mai 2018, Oleg Sentsov a entamé une grève de la faim dans la colonie pénitentiaire de Labytnangui (Sibérie occidentale) où il a été transféré après son procès. Depuis, de nombreuses personnalités politiques et du monde de la culture, ainsi que plusieurs organisations, dont la Ligue des droits de l’Homme, appellent à la libération d’Oleg Sentsov et des autres prisonniers politiques ukrainiens.

 

Le Procès, l’Etat de Russie contre Oleg Sentsov

Estonie/Pologne/République tchèque

Réalisation : Askold Kurov

Production : Marx Film, Message Film, en co-production avec la Télévision tchèque, avec le soutien du Polish Film Institute et de B2B Doc, 2017

Distribution : MARY-X Distribution

70 min

Communiqués de la LDH

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