Communiqué AEDH
La signature d’accords de réadmission entre l’UE et certains États tiers tend à devenir un instrument essentiel de la politique des retours, faisant appel à l’externalisation des contrôles migratoires. C’est une monnaie d’échange dans les politiques d’association et de coopération avec lesdits pays tiers.
Sachant que le Parlement européen est appelé à donner son aval, le 9 octobre, au projet d’un accord avec l’Arménie, l’AEDH tient à réitérer sa ferme opposition au développement de la politique de réadmission de l’UE, quand bien même serait-elle accompagnée de quelques maigres facilitations en matière de visas pour les ressortissants des pays tiers concernés.
Dans une note d’analyse publiée ce jour, l’AEDH estime que tant que des réformes sérieuses de méthode ne seront pas adoptées par l’UE, tant que des garanties absolues de respect des droits des migrants et personnes en recherche de protection internationale ne seront pas obtenues, et tant qu’un processus de suivi des conséquences des opérations de retour sur les migrants ne sera pas mis en place, l’Union européenne ne devrait pas s’engager dans la signature d’accords de réadmission.
A tout le moins, notre association demande la mise en œuvre des propositions formulées par l’Agence Européenne pour les Droits Fondamentaux1, le Conseil de l’Europe2, le Haut Commissariat des Nations unies pour les Réfugiés3, le Rapporteur spécial des Nations unies sur les droits de l’homme des migrants, François Crépeau4, et par le Parlement Européen5, à savoir :
1. La mise à jour des critères que le pays tiers doit remplir afin que l’UE puisse signer un accord de réadmission, incluant, notamment, un accès effectif à la procédure d’asile et la référence explicite aux obligations découlant de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967, ainsi que des garanties en matière de droits économiques et sociaux pour les ressortissants des pays tiers qui ont transité sur son territoire.
2. L’inclusion dans tous les accords d’une clause de suspension au cas où des risques fondés de violations persistantes des droits de l’Homme existeraient.
3. L’inclusion explicite dans tous les accords d’une clause de sauvegarde des droits de l’Homme.
4. L’exclusion de toute procédure accélérée de renvoi.
5. La mise en œuvre de programmes de formation des gardes-frontières afin qu’ils soient en mesure d’assurer l’accès des migrants à la procédure d’asile et la protection des droits des migrants – notamment des catégories les plus vulnérables.
6. L’établissement d’un mécanisme efficace de récolte des données, d’études d’impact ex-ante et de suivi ex-post de la mise en œuvre des accords de réadmission, aussi bien qu’une plus grande implication de la société civile, des organisations internationales de défense des droits de l’Homme et du Parlement européen dans le mécanisme de suivi.
7. Une association réelle du Parlement européen aux différentes phases d’élaboration et de négociation des accords.
S’agissant du cas particulier de l’Arménie, l’AEDH tient à rappeler que, en dépit de réformes engagées, ce pays est encore loin d’offrir toutes les garanties de respect des droits des migrants qui pourraient y être réadmis : son système d’asile peine à assurer la prise en charge des requérants et des réfugiés, selon le HCR ; l’État n’a toujours pas ratifié la Convention des Nations unies sur les droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille. Il faut également souligner que plusieurs milliers de ressortissants Arméniens ont demandé l‘asile à l’un des pays de l’UE en 2012 comme en 2011.
Bruxelles, le 7 Octobre 2013
1 « Fundamental rights at the EU’s southern sea borders : Deficiencies, promising practices and challenges », rapport de l’Agence européenne pour les droits Fondamentaux (FRA), 2013
2 « Les accords de réadmission, un mécanisme de renvoi des migrants en situation irrégulière », rapport de la Commission des migrations, des réfugiés et de la population de l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe (17/03/2010)
3 UNHCR « Position on Readmission Agreements, ’Protection Elsewhere’ and Asylum Policy » (1994)
4 « Étude régionale : la gestion des frontières extérieures de l’Union européenne et ses incidences sur les droits de l’homme des migrants », rapport du Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits de l’homme des migrants, François Crépeau (24/04/2013)
5 Jean Pierre Cassarino, « Readmission Policy in the European Union », étude du Parlement Européen (09/2010)