Reprise des expulsions vers Haïti depuis la Guyane : les associations s’inquiètent et demandent le respect du moratoire

Communiqué commun, dont la LDH

Depuis le 23 mars 2013, plusieurs Haïtiens ont été placés au centre de rétention de Guyane en vue de leur expulsion. Cette décision des autorités françaises est le début de la concrétisation des déclarations de M. Manuel Valls, Ministre de l’Intérieur, de passage en Guyane au début du mois de mars 2013, qui annonçait la fin du moratoire contre les expulsions. Une telle décision sonne le glas d’une forme de solidarité avec les Haïtiens depuis le tremblement de terre du 12 janvier 2010 et est contraire à la prise de position pourtant réaffirmée par les pouvoirs publics en novembre 2012.

Nous, associations signataires de cette note, sommes alarmées de cette nouvelle prise de position alors même que la situation en Haïti ne s’est pas améliorée. Nous continuons de réclamer l’arrêt total des éloignements vers Haïti et son respect par l’ensemble des préfets.



En effet, plus de trois ans après le séisme, Haïti continue de gérer douloureusement les effets catastrophiques de cette tragédie et les récents rapports sur l’état des droits de la personne en Haïti confirment que ce pays reste dans une situation catastrophique1.

La très laborieuse remontée du pays est par ailleurs largement entamée par les ouragans qui balaient régulièrement les efforts portés notamment sur le développement agricole, la lutte contre la crise sanitaire et la reconstruction des infrastructures2.

En plus d’un contexte général très dégradé, Haïti fait aujourd’hui face à la menace d’une crise alimentaire. Dans ces conditions, il ne nous apparaît pas concevable que des expulsions puissent reprendre.

Par ailleurs, la garantie d’une étude préalable et individuelle de la situation des personnes expulsées, mise en avant par le ministre de l’intérieur, ne nous semblent pas rassurante.
Cette même garantie avait été posée préalablement à la reprise des expulsions vers Haïti depuis les Antilles françaises. Pourtant, depuis la Guadeloupe de nombreux pères de famille, personnes âgées et malades ont été expulsés vers Haïti. Ce précédent laisse craindre qu’en Guyane également les autorités françaises expulsent des personnes vulnérables et protégées de ces mesures d’éloignement par le droit français. De fait, plusieurs des personnes actuellement en attente d’être expulsées font état d’une situation qui devraient légalement leur permettre de demeurer sur le territoire français.

De plus, la faible possibilité pour les personnes de solliciter un contrôle de légalité de leur mesure d’expulsion auprès d’un juge3 accroît fortement nos craintes de pratiques discrétionnaires contre lesquelles aucun recours ne serait possible.

Pour toutes ces raisons, nous réitérons aux autorités françaises, l’arrêt de toute expulsion vers Haïti et le maintien du moratoire.

Le 8 avril 2013.

  • Signataire en Haïti  : Groupe d’appui aux rapatriés et réfugiés (GARR)
  • Signataires en France  : Collectif Haïti de France, GISTI, La Ligne des droits de l’Homme, La Cimade, Association de Soutien aux Familles des Malades et de Formation – Guyane (ASFMF), Association AKATIJ CSAPA/CAARUD – Kourou (Guyane), Chrétiens et Sida (Guyane), Réseau éducation sans frontière – Guyane, Soutien sans frontière (Guyane)

1 Amnesty International (AI). 2011. « Haïti ». Amnesty International – rapport 2011 : la situation des droits humains dans le monde – ; Rapport de la Cour nationale du droit d’asile, 20 décembre 2011 ; Fin 2012, 300 000 personnes vivaient encore sous des abris de fortune selon le Collectif d’Organisations haïtiennes pour la Défense du Droit au logement ;.

2 Voir les effets de l’Ouragan Sandy au 30/10/2012 – Le Monde, 31/10/2012, http://www.lemonde.fr/planete/article/2012/10/30/l-ouragan-sandy-precipite-haiti-dans-la-detresse-sanitaire-et-alimentaire_1783347_3244.html.]

3 Les recours déposés contre une mesure d’éloignement ne suspendent pas l’exécution de cette mesure jusqu’au rendu de la décision du juge (article L. 514-14 du ceseda). Ainsi, de nombreuses expulsions sont exécutées bien qu’elles soient postérieurement reconnues comme illégales. A ce titre, la Cour européenne des droits de l’Homme a reconnu le 13 décembre 2012 que le dispositif judiciaire ne garantissait pas un recours effectif aux personnes étrangères retenues dans le centre de rétention de Guyane notamment (CEDH, France c/ De Souza Ribeiro, 13 décembre 2012, n° 22689/07)

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