La lettre n° 26 de Mom du 8 avril 2013

La lettre n° 26 de Mom du 8 avril 2013
Nouvelles de l’outre-mer au premier trimestre 2013



I. APRÈS L’ARRÊT DE SOUZA RIBEIRO

Le 13 décembre 2012, la Cour européenne des droits de l’Homme condamnait la France en constatant qu’un Brésilien, M. de Souza Ribeiro, avait été expulsé de Guyane sans avoir « disposé en pratique de recours effectifs lui permettant de faire son » droit au respect de la vie privée et familiale. Elle ajoutait : « si les États jouissent d’une certaine marge d’appréciation quant à la manière de se conformer aux obligations que leur impose l’article 13 de la Convention [droit à un recours effectif], celle-ci ne saurait permettre, comme cela a été le cas dans la présente espèce, de dénier au requérant la possibilité de disposer en pratique des garanties procédurales minimales adéquates visant à le protéger contre une décision d’éloignement arbitraire (Cour EDH, 13 décembre 2012, De Souza Ribeiro c/ France, n° 22689/07]).
Si la France ne met pas fin à ces régimes d’exception, les violations de la convention européenne des droits de l’Homme ne cesseront pas et il y aura sans aucun doute bientôt d’autres arrêts « de Souza Ribeiro » !

Une première victoire fondée sur cet arrêt

M. X. est le père de trois enfants âgés de 8 à 12 ans qui vivent à Mayotte depuis leur naissance ; il les élève seul. Mais il est malgache et sans papiers… le 27 janvier 2012, il est embarqué vers Madagascar malgré une requête en référé. Le lendemain le juge des référés constate que cet éloignement l’a privé de l’exercice d’un recours effectif invoquant une atteinte à son droit au respect de sa vie familiale ; il enjoint au préfet d’organiser le retour de M. X. (TA de Mayotte, 28 janvier 2013, n° 130003).

Le 20 février, le ministère de l’intérieur fait appel. Coup de théâtre : après avoir lu le mémoire en défense présenté par les avocates de M. X et les observations présentées par le Défenseur des droits, le ministère s’est désisté le 22 février.
« Toujours pas de recours effectif en outre-mer après l’arrêt de Souza Ribeiro de la CEDH : le ministre de l’intérieur esquive-t-il pour éviter de changer la loi ? » disait alors un communiqué de Mom, 28 février 2013.

II. ANALYSES

A. « Étrangers en outre-mer : un droit exceptionnel pour un enfermement ordinaire » : les actes

Séminaire organisé le 8 décembre 2012 par Mom et par l’Observatoire de l’enfermement des étrangers au Palais du Luxembourg

Lire en PDF :

B. « Mayotte, terre d’émigration massive »

Article d’Antoine Math, chercheur, Institut de recherches économiques et sociales (Ires) publié dans Plein droit, la revue du Gisti, n° 96, mars 2013

«   Le problème de Mayotte, c’est l’immigration massive.   » Cette antienne répétée à l’envi par les médias et les responsables politiques de l’île pour expliquer sa situation difficile et les mauvaises conditions de vie de ses habitants ne résiste pas à une analyse sérieuse. Et si le problème de Mayotte n’était pas tant l’immigration que l’émigration  ?

C. L’outre-mer : un état d’exception – information du parlement européen

Bibliothèque du Parlement européen, 13 février 2013

D. Les chiffres de la politique d’immigration et d’intégration en 2011

9e rapport du Comité interministériel de contrôle de l’immigration paru en mars 2013.

On peut télécharger le rapport complet ; le chapitre V est consacré à l’outre-mer (p. 207-219) et la demande d’asile dans les Dom et les Com apparaît p. 111-112.

Voir l’évolution des chiffres publiés chaque année par ce comité depuis 2006 concernant l’outre-mer (notamment un tableau des éloignements annuels depuis les divers Dom).

E. Débat au Sénat sur la situation de Mayotte le 20 février 2013

F. Livres récents

  • Michel Samson, Une frontière française, éd. Wildproject, février 2013

    Une ligne d’eau et de jungle de 730 kilomètres de long : la frontière terrestre la plus longue de la République française court sur un fleuve baptisé Oyapock, puis sur des lignes de crêtes inaccessibles en forêt profonde. […] Chevaucher cette frontière, arpenter ces confins, c’est découvrir les échos d’obscures batailles amazoniennes qui ont empoisonné le monde du 17e au 20e siècle. C’est aussi percevoir les affrontements sourds qui, en ce début du 21e siècle, opposent Nord et Sud.

III. CONTRÔLES, RÉTENTION, ÉLOIGNEMENTS

A. La Cimade : Cra de Neuf n° 8

Nouvelles de la rétention outre-mer

B. Contrôles dérogatoires en Guyane

  • Circulaire du 19 février 2013 de politique pénale territoriale pour la Guyane

    Elle vise les « clandestins » dans le cadre de « la lutte contre l’orpaillage illégal et la criminalité associée » et contre la pêche illégale ; elle reprend notamment les dispositifs dérogatoires existants et la théorie des « circonstances insurmontables » censées les justifier.
  • Les barrages policiers qui bloquent le passage des sans-papiers sur la route qui mène de l’Ouest et de l’Est vers Cayenne (pont de Iracoubo et carrefour de Bélizon) dérogatoires ou illégaux ?

    Les arrêtés qui établissent ces barrages précisaient déjà : «  Le caractère exceptionnel et dérogatoire au strict droit commun de ces contrôles permanents à l’intérieur du territoire doit être principalement ciblé sur la répression de l’orpaillage clandestin et l’immigration clandestine  ».

C. Reprise des expulsions de Haïtiens depuis la Guyane ?

Manuel Valls annonce le 9 mars lors de son voyage en Guyane qu’elles doivent reprendre le plus vite possible.

D. Mayotte  : Capacités élastiques de la rétention à Mayotte. Douze LRA préfectoraux créés en deux mois pour compenser une CRA moins chargé voulu par le ministre

Conformément à une décision prise par le ministre de l’intérieur, la capacité maximum du CRA de Mayotte avait été fixée par un arrêté en date du 20 décembre 2012 à 100 au lieu de 140. Qu’à cela ne tienne ! Dans les deux mois qui suivent, douze LRA préfectoraux ont été créés pour compléter cette capacité d’enfermement. Dans chacun de ces LRA, la gendarmerie assure sans contrôle la garde et la retenue pendant vingt-quatre heures – bien assez pour effectuer la reconduite.

Est-ce l’accueil plus digne annoncé par le ministre ?

E. Préfecture de Mayotte : rapport d’activité des services de l’État 2011 (mis en ligne en 2013)

« Pour l’année 2011, 21 762 étrangers en situation irrégulière ont été reconduits dans leur pays d’origine (soit 16 373 APRF exécutés et 5389 mineurs rattachés à ces APRF). Un grand nombre d’ESI n’ont pu être reconduits (3 742) ce qui représente un taux d’échec de plus de 14 % mais qui a atteint un pic de près de 50 % au mois de mars ». « Échecs » dus principalement au refus par l’Union des Comores en mars et avril 2011 d’accepter sans formalité toutes les personnes reconduites, mais aussi à absence de bateau pendant le mois de juillet et au « conflit social de 45 jours obérant le travail des forces de sécurité intérieur ».

IV. SANTÉ

A. Mayotte

Observatoire du droit à la santé des étrangers et Mom : appel pour le droit à la santé des enfants de Mayotte

  • Communiqué de l’Observatoire du droit à la santé des étrangers et de Mom

    Mom et l’ODSE alertent M. Baudis ainsi que la Ministre de la santé sur la nécessité de l’accès effectif au droit à la santé des enfants à Mayotte, conformément aux engagements internationaux de la France, notamment la Convention Internationale des droits de l’enfant : l’aide médicale d’état (AME) et la couverture maladie universelle (CMU) ne s’y appliquent pas ; le dispositif actuel ne garantit pas un accès effectif aux soins des personnes en situation irrégulière et de leurs enfants ou des mineurs isolés non pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance ; près d’un quart de la population est exclue de toute protection maladie.

B. Guyane

  • Trop peu d’accès au droit dans l’ouest guyanais selon l’Agence Régionale de Santé mardi 5 mars 2013

    L’agence régionale de santé a proposé un plan pour 2011 2015 consacré à l’ouest guyanais. Ce document comporte une analyse de la situation qui confirme le non accès aux droits dans ces territoires de l’ouest guyanais où vivent majoritairement des populations Bushinengue et Amérindiennes. Le constat qui est fait est bien connu : non accès à l’AME et à la CMU alors que ces populations y sont éligibles par manque de points d’accueil le long du fleuve Maroni . L’ARS reconnait « 1% d’apatrides à ST Laurent du Maroni et 6% des femmes accouchant selon l’enquête « migrations et soins ».
  • Rupture de la continuité de soins en Guyane

    Aides, le Comede et Médecins du monde s’adressent au Ministère de l’intérieur vendredi 1er mars 2013 au sujet des difficultés pour franchir les barrages d’Iracoubo et de Belizon mentionnés ci-dessus et des graves conséquences médicales de la rupture de soins qui exigeraient un transfert vers Cayenne de malades. Un rapport est joint.

V. ÉDUCATION

A. Guyane : relance de la réclamation relative aux mesures discriminatoires en matière de droit à l’éducation en Guyane, plus particulièrement à l’encontre d’enfants étrangers et ceux issus de groupes minoritaires adressée par Mom le 17 juin 2011 au Défenseur des droits

Les difficultés d’inscription à l’école persistent en Guyane : certaines mairies n’ont pas modifié leurs pratiques et exigent des documents abusifs en matière de justificatif de domicile ; les attestations d’hébergement sont refusées et le domicile doit être au nom des parents directs de l’enfant à scolariser . Des problèmes subsistent pour l’accueil des lycéens des fleuves et les écoles et collèges de proximité manquent et des procédures sont en cours.
La LDH qui assure le suivi de ce dossier engagé par le collectif Mom a adressé, le 12 février 2013, un courrier au Défenseur des droits.

B. Mayotte : des enfants chassés de l’école

Communiqués de la LDH

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