Communiqué de la Coordination française pour le droit d’asile (CFDA), dont la LDH est membre
A l’heure où les talibans n’ont jamais été aussi proches de reprendre le pouvoir, le Conseil d’Etat confirme la décision de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) laissant la porte ouverte à des refus de protection pour les personnes de nationalité afghane alors que la situation là-bas se dégrade très vite et qu’il n’y aura plus de régions « sûres ». Dans le même temps la France refuse toujours de délivrer des visas aux membres des familles de celles et ceux qui ont malgré tout obtenu une protection en France, qui s’inquiètent plus que jamais pour la sécurité de leurs proches.
Le Conseil d’Etat vient de rejeter le 9 juillet 2021, un pourvoi en cassation formé à l’encontre d’une décision de grande formation de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) du 19 novembre 2020 qui avait mis fin à sa jurisprudence dite « Kaboul ». Jusqu’alors, la CNDA estimait qu’il prévalait dans la capitale afghane une situation de violence aveugle de haute intensité résultant d’un conflit armé interne qui permettait à une majorité des personnes afghanes d’obtenir une protection subsidiaire en France à rebours d’autres Etats européens en la matière (Allemagne, Suède). Cette décision fut très contestée y compris en interne puisqu’en décembre 2020, un collectif de rapporteurs à la CNDA demandait à ce qu’elle ne soit pas suivie.
Le Conseil d’État rejette le pourvoi dans une décision du 9 juillet 2021 en jugeant que :
“En ce qui concerne la situation à Kaboul, la Cour a notamment constaté la forte croissance démographique et urbaine de cette ville, l’absence de combats ouverts et la circonstance que les civils ne constituent pas les principales cibles des groupes insurgés à Kaboul, ainsi que la diminution relative du nombre de victimes et le flux de personnes venant s’y réfugier. Quant à la situation à Hérat, si la Cour a admis le caractère hautement stratégique de cette province, elle a pris en compte le nombre de victimes, d’incidents et de personnes déplacées ou de retour dans la province ainsi que les méthodes employées, l’intensité des combats et les cibles privilégiées. En jugeant, au vu des appréciations souveraines ainsi portées et exemptes de dénaturation, qu’à la date de sa décision, si la situation sécuritaire prévalant dans ces différentes zones se traduisait par un niveau significatif de violence, elle ne se caractérisait pas par un niveau de violence susceptible de s’étendre à des personnes sans considération de leur situation personnelle de nature à permettre de bénéficier de l’application des dispositions du c) de l’article L. 712-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, la Cour n’a pas inexactement qualifié les faits de l’espèce.”
Le Conseil d’Etat confirme l’appréciation de la CNDA tout en sachant que la situation en Afghanistan est plus que volatile.
Blocage des visas de réunifications familiales
Le nombre de personnes afghanes protégées en France a augmenté ces dernières années pour atteindre plus de 34 000 fin 2020. Beaucoup d’entre elles ont demandé la réunification pour vivre une vie de famille normale, un droit protégé par le droit international et par le droit interne. Après la fermeture de l’ambassade de France en Afghanistan en 2018 puis celle de l’ambassade de France au Pakistan en mars 2021, une année de gel lié au confinement, les demandes de réunification des familles afghanes, au nombre de 3 500 dont 1 500 vieilles de deux années, sont dans l’impasse. Si les ambassades de France à Téhéran et à New Delhi sont désormais compétentes, leurs moyens sont insuffisants pour faire face à ce nombre et des demandes de réunification datant de 2018 restent encore sans réponse !
A l’heure où les talibans n’ont jamais été aussi proches de reprendre le pouvoir en Afghanistan, les réfugiés afghans s’inquiètent plus que jamais pour la sécurité de leurs familles.
C’est pourquoi nous demandons au gouvernement de ne plus bloquer les visas et de mettre en place une procédure visant à réunir toutes ces familles dans un délai le plus bref possible.
La coordination française pour le droit d’asile CFDA est composée des organisations suivantes : ACAT (Action des Chrétiens pour l’abolition de la torture) ; ADDE (Avocats pour la défense du droits des étrangers) ; ARDHIS (Association pour la reconnaissance des droits des personnes homosexuelles et transsexuelles à l’immigration et au séjour) ; Amnesty International – Section Française ; Centre Primo Levi (Centre de soins et soutien aux victimes de la torture et des violences politiques) ; La Cimade (Service oecuménique d’entraide) ; Comede (Comité pour la santé des exilés) ; Dom Asile; ELENA-FRANCE (Association d’avocats liés au Conseil européen pour les réfugiés et exilés) ; FASTI (Fédération des associations de solidarité avec tou-te-s les immigré-e-s) ; GAS (Groupe accueil et solidarité) ; GISTI (Groupe d’information et de soutien des immigré-e-s) ; JRS-France (Jesuite Refugee Service) ; LDH (Ligue des droits de l’Homme) ; Médecins du Monde ; MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples) ; Secours Catholique (Caritas France).
Paris, le 21 juillet 2021
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