Les contentieux LDH en lien avec l’état d’urgence sanitaire

Gel des visas de regroupement familial et de réunification familiale des réfugiés : le Conseil d’Etat suspend la décision du Premier ministre

Neuf associations dont la LDH et des personnes étrangères ont saisi le 16 décembre 2020, le juge des référés du Conseil d’Etat de requêtes en annulation, assorties de référé suspension, pour qu’il suspende le gel des visas de regroupement et de réunification familiaux.

Depuis le 16 mars, des centaines de familles étrangères sont privées du droit de retrouver leurs proches résidant en France alors qu’elles en ont reçu l’autorisation à l’issue d’une longue instruction de leur dossier dans le cadre du regroupement familial ou, s’agissant de famille de personnes réfugiées en France, de la réunification familiale. Vivant dans des pays classés par la France comme « zones actives de circulation du coronavirus », les membres de ces familles se heurtent en effet au mur des ambassades et consulats qui refusent d’enregistrer et d’instruire leur demande de visas, ou encore de les leur délivrer.

Cette pratique est fondée, depuis sur la réouverture partielle des frontières en juillet, sur une instruction du Premier ministre du 15 août 2020, jamais publiée et aujourd’hui réputée abrogée, qui a proscrit les voyages vers la France métropolitaine, à l’exception de ceux de catégories de personnes énumérées par l’attestation de voyage mise en place par le ministre de l’intérieur, parmi lesquelles ne figurent pas les familles des étrangers résidant régulièrement sur le territoire français.

Cette décision porte une atteinte disproportionnée à plusieurs droits fondamentaux en particulier, le droit d’asile, le droit de vivre en famille et le droit au respect de l’intérêt supérieur de l’enfant.

Par une ordonnance rendue le 21 janvier, le Conseil d’État a suspendu la décision de geler la délivrance des visas. Il a considéré que l’administration ne démontrait pas que le flux – limité – d’arrivées des familles pouvait contribuer de manière significative à une augmentation du risque de propagation du Covid-19, alors que des mesures de dépistages et d’isolement pouvaient au demeurant être imposées aux personnes autorisées à entrer sur le territoire.

Il en a déduit que la mesure attaquée portait une atteinte grave au droit à la vie familiale normale des intéressés et à l’intérêt supérieur des enfants en cause et que l’existence d’un doute sérieux quant à sa légalité justifiait qu’elle soit suspendue.

 

Généralisation de la visio-audience et du juge unique devant la CNDA

L’ordonnance du 13 mai 2020 adaptant les règles de procédure applicables devant les juridictions administratives : généralisation de la visio-audience et du juge unique devant la Cour nationale du droit d’asile (CNDA)

Plusieurs organisations, dont la LDH, ont déposé devant le Conseil d’État une requête en annulation accompagnée d’un référé-suspension contre l’ordonnance du 13 mai 2020 adaptant les règles de procédure applicables devant les juridictions administratives.

En l’espèce, le recours en annulation et le référé suspension visaient les dispositions de l’ordonnance concernant le fonctionnement de la CNDA. Etaient ainsi prévues et généralisées par l’ordonnance contestée, la possibilité de tenir des audiences par moyens de télécommunication audiovisuelle, voire par téléphone, d’autre part de la généralisation des audiences à juge unique.

Etait en outre remis en cause le caractère collégial de la procédure, les délais se trouvent considérablement raccourcis puisque le juge unique doit statuer dans les cinq semaines de sa saisine là où le délai est de cinq mois pour les audiences collégiales.

Par une ordonnance rendue le 8 juin 2020 sur le référé suspension, le Conseil d’État a suspendu les dispositions de l’ordonnance généralisant la procédure à juge unique en estimant qu’ « en dépit des difficultés particulières de fonctionnement de la Cour nationale du droit d’asile dans les circonstances causées par l’épidémie de Covid-19 […] le moyen tiré de ce que ces dispositions ne seraient pas justifiées et proportionnées […] est, en l’état de l’instruction, de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité des dispositions critiquées, eu égard au caractère général et systématique de la dérogation adoptée, qui n’est pas limitée à des hypothèses pouvant être justifiées par les caractéristiques des affaires, et à la particulière importance que revêt, pour les demandeurs d’asile, la garantie d’un examen de leur recours par une formation collégiale telle qu’instituée en principe par le législateur ».

Le Conseil d’Etat a, en revanche, refusé de suspendre les dispositions relatives aux vidéo-audiences, se bornant à affirmer, sans aucune autre motivation, que les moyens soulevés ne paraissaient pas de nature à faire naître un doute sérieux sur leur légalité. Il convient d’attendre l’examen du recours en annulation pour voir si le Conseil d’Etat sanctionnera également les vidéo-audiences.

 

Politique de l’immigration et Covid-19

Une coalition de collectifs et associations, dont la LDH, dépose un référé liberté pour demander un accès à l’eau et à l’hygiène, une mise à l’abri inconditionnelle, et l’arrêt des démantèlements sauvages pour les exilés vivant sur les campements du canal Saint-Denis.

Par une ordonnance en date du 5 juin 2020, le tribunal administratif de Paris a :

– enjoint aux communes d’Aubervilliers et de Saint-Denis, en lien avec l’établissement public territorial Plaine Commune, d’installer, dans un délai de huit jours à compter de la notification de l’ordonnance et jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire, dans les trois campements situés le long du canal Saint-Denis au niveau du pont de Stains, du pont du Landy et du bassin de la Maltournée, des points d’eau, des cabines de douches et des sanitaires en nombre suffisant, et de renforcer le dispositif de collecte des ordures ménagères avec l’installation d’une benne de grande capacité à proximité immédiate de ces sites ;

– enjoint au préfet de la région Ile-de-France, au préfet de Paris, et au préfet de Seine-Saint-Denis d’assurer la distribution, en quantité suffisante, de masques et de gel hydroalcoolique aux personnes vivant dans les campements situés le long du canal Saint-Denis, dans un délai de huit jours à compter de la notification de l’ordonnance et jusqu’à la fin de la période d’état d’urgence sanitaire.

 

Obstacles à l’enregistrement et à la prise en charge des demandeurs d’asile en Ile-de-France

La LDH, accompagnée de six autres associations (Acat – Ardhis – GAS – Gisti – Kali – Utopia 56) et de requérants individuels, a décidé d’introduire un référé-liberté devant le tribunal administratif de Paris visant à l’adoption en urgence de mesures permettant de mettre un terme aux obstacles dressés au droit d’asile et notamment d’enjoindre au directeur général de l’office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii), aux préfets de police de Paris, de la région Ile-de-France, de la Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne, de l’Essonne, du Val d’Oise, des Yvelines et des Hauts-de-Seine d’enregistrer les demandes d’asile des requérants individuels dans un délai de 3 jours, et plus globalement d’ordonner à ces mêmes autorités de mettre un terme à l’atteinte grave et manifestement illégale au droit d’asile, en adoptant toute mesure de nature à faire cesser cette atteinte tout en garantissant la sécurité des personnes, dans un délai de 2 jours.

Par une ordonnance du 21 avril le tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande des associations en enjoignant :

– aux préfets de rétablir dans un délai de cinq jours « et jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire, le dispositif d’enregistrement des demandes d’asile supprimé au mois de mars, de façon adaptée au flux de la demande et à cette fin de procéder à la réouverture, dans les conditions sanitaires imposées par le Covid-19, d’un nombre de GUDA permettant de traiter ce flux. » ;

– à l’Ofii de procéder sans délai à la réouverture de ladite plateforme en corrélant là aussi les moyens déployés au flux de la demande et à la capacité d’accueil des GUDA qui seront rouverts. ».

Le ministère de l’Intérieur et l’Ofii ont décidé de faire appel devant le Conseil d’Etat.

Par une ordonnance du 30 avril, la haute juridiction administrative a en grande partie validé l’ordonnance du TA de Paris ayant fait droit au référé en enjoignant au ministère de l’Intérieur le rétablissement dans un délai de 5 jours à compter de la notification de l’ordonnance de procéder à l’enregistrement des demandes d’asile avec une priorité donnée à celles émanant des personnes présentant une vulnérabilité particulière (à la différence du TA qui ne faisait pas cette distinction) et à l’OFII de rétablir le fonctionnement de sa plateforme téléphonique.

Le Conseil d’Etat rejette également l’argument de la force majeure et admet donc : «  la carence de l’Etat à mettre en œuvre l’enregistrement des demandes d’asile, et en priorité celles émanant des personnes les plus vulnérables, qui peuvent être identifiées avec l’aide des associations, est de nature à justifier, dès lors en outre que la condition d’urgence prévue par l’article L. 521-2 du code de justice administrative doit être regardée comme remplie, qu’il soit enjoint au ministre de l’Intérieur de rétablir en Ile-de-France l’enregistrement des demandes d’asile, en priorité des personnes vulnérables, en coordination, pour la prise de rendez-vous, avec l’Ofii. »

L’Etat est en outre condamné à verser 3000 euros aux associations requérantes au titre des frais et dépens.

 

Placement en zone d’attente

Placement en zone d’attente (ZA) des ressortissants européens et ressortissants tiers autorisés à circuler dans l’Union européenne (UE) : la LDH introduit un référé-liberté devant le Conseil d’Etat. Alors que la crise sanitaire de Covid-19 n’a naturellement pas donné lieu à la suspension des droits et libertés garanties par les Traités constitutionnels de l’UE, et que les citoyens et citoyennes européen-ne-s jouissent pleinement de leurs droits de circuler librement au sein de l’UE ou de l’espace Schengen sous réserve des exceptions expressément prévues par le droit de l’UE relatif à la sécurité sanitaire, des atteintes graves et manifestement illégales sont portées aux libertés fondamentales des voyageurs sollicitant l’entrée sur le sol français et jouissant d’un droit à la libre circulation tirée du droit de l’UE. Des placements en zone d’attente sont ainsi décidés en toute illégalité et, en outre, en dehors du respect des règles sanitaires élémentaires. La LDH, représentée par Maître Lorraine Questiaux, a donc saisi le Conseil d’Etat afin qu’il soit statué en urgence sur cette situation, en soulevant notamment l’interprétation inexacte et l’application manifestement illégale des dispositions du droit de l’UE par la direction nationale de la police aux frontières de Roissy, s’agissant de la libre circulation des voyageurs aux frontières intérieures et extérieures.

Par une ordonnance en date du 2 juin 2020, le Conseil d’Etat tout en consacrant l’existence de la libre circulation des citoyennes et citoyens de l’Union Européenne comme liberté fondamentale a rejeté la requête de la LDH.

Communiqués de la LDH

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