Communiqué commun
Le 10 juillet 2020, un exilé soudanais a été retrouvé noyé dans le canal Saint-Denis près de Paris, non loin du campement où il vivait avec des centaines d’autres.
Ce n’est pas la première fois et, si l’Etat et les collectivités locales ne déploient pas les moyens nécessaires au respect des droits fondamentaux des personnes exilé-e-s, ce ne sera certainement pas la dernière fois qu’un tel drame se produit.
Pourtant, les exilé-e-s, les collectifs et les associations dénoncent depuis des années ces conditions de vie désastreuses, inhumaines et dégradantes auxquelles sont soumises les personnes en procédure d’asile. Régulièrement, ils rappellent à l’Etat son obligation de leur octroyer un hébergement et celle de mettre à l’abri toute personne en situation de précarité.
Le 2 juillet 2020, la Cour européenne des droits de l’Homme a d’ailleurs condamné la France pour son manque d’assistance aux demandeurs d’asile, contraints de vivre « dans la rue » et « privés de moyens de subsistance », constitutif d’un traitement inhumain et dégradant contraire à l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.
Plus la situation se dégrade, plus la réponse de l’Etat est grotesque, inaudible et dangereuse.
Quand les personnes exilé-e-s demandent un hébergement, l’Etat répond en expulsant les campements qui constituent leurs seuls lieux de vie possibles, les dispersent et détruit leurs biens. Que ce soit à Paris, à Aubervilliers, à Calais ou ailleurs, ces opérations s’accompagnent, de surcroît, d’une violence systématique et extrême de la part de la police.
Pourtant, ces opérations sont inutiles et fragilisent chaque fois davantage la situation des exilé-e-s, déjà contraintes de vivre dans une situation de très grande précarité, « dans la rue, sans ressources, sans accès à des sanitaires, ne disposant d’aucun moyen de subvenir à leurs besoins essentiels et dans l’angoisse permanente d’être attaqués et volés. », ce qui induit des « sentiments de peur, d’angoisse ou d’infériorité propres à conduire au désespoir » (Arrêt CEDH, 2 juillet 2020, N.H. et a. c/ France, §184).
Par ailleurs, même lorsque l’Etat français héberge des personnes en procédure d’asile, ce n’est que temporairement. La liste des personnes en attente est longue, de sorte que certaines sont expulsées pour que d’autres puissent, pour quelques jours, être mises à l’abri. En somme, on chasse les uns pour faire de la place aux autres.
En ne réglant rien, cette situation ubuesque s’inscrit dans la logique de dissuasion qui caractérise depuis de longues années la politique française à l’égard des personnes en demande d’asile. Cette politique ira-t-elle jusqu’à l’annihilation des exilé-e-s, jusqu’à les faire sombrer dans la folie ?
À ce jour, l’Etat français est responsable du désespoir, des blessures et des morts des personnes exilé-e-s.
Cette politique meurtrière doit s’arrêter !
Paris, le 27 juillet 2020
Signataires : Gisti, Droits d’urgence, Ligue des droits de l’Homme, Solidarité Migrants Wilson, Watizat