Déplacement dérogatoire : verbalisation et contestation

Qu’est-ce que l’état d’urgence sanitaire (EUS) ?

La loi n°2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19, insérée dans le code de la santé publique, précise que les pouvoirs spéciaux d’état d’urgence sanitaire peuvent être déclenchés « en cas de catastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa gravité, la santé de la population. » (article L.3131-12 du Code de la santé publique).

En vertu de l’article L.3131-15 du Code de la santé publique, le Premier ministre peut, par décret réglementaire, « aux seules fins de garantir la santé publique », édicter diverses mesures restrictives de liberté, par exemple :

  • restreindre ou interdire la circulation des personnes et des véhicules dans certains lieux et à certaines heures ;
  • interdire aux personnes de sortir de leur domicile, sous réserve des déplacements strictement indispensables aux besoins familiaux ou de santé ;
  • limiter ou interdire les rassemblements sur la voie publique ainsi que les réunions de toute nature.

Ces mesures prescrites doivent être strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Il y est mis fin sans délai lorsqu’elles ne sont plus nécessaires.

 

Quels sont les déplacements possibles ?

L’article 3 du décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de Covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire prévoit que : « tout déplacement de personne hors de son domicile est interdit à l’exception des déplacements pour les motifs suivants en évitant tout regroupement de personnes :

 

Comment justifier mon déplacement ?

Les personnes souhaitant bénéficier de l’une de ces exceptions doivent se munir, lors de leurs déplacements hors de leur domicile, d’un document leur permettant de justifier que le déplacement considéré entre dans le champ de l’une de ces exceptions.

Les attestations de déplacement dérogatoire, qu’il soit professionnel ou à titre personnel, peuvent :

  • être imprimées ;
  • être remplies au format numérique sur smartphone, uniquement pour les déplacements dérogatoires à l’exclusion de l’attestation réservée exclusivement au déplacement professionnel ;
  • être rédigées de façon manuscrite sur papier libre.

L’attestation doit être nominative et à usage unique. Ainsi, selon la foire aux questions du site du ministère de l’Intérieur, la version papier doit être renseignée à l’aide d’un stylo à encre indélébile.

En revanche, il est possible d’indiquer plusieurs motifs sur une même attestation aux fins de limitation des sorties même s’il a pu être constaté en pratique que des verbalisations ont été prises sur ce fondement.

Attention ! Le formalisme de l’attestation n’étant réglementé par aucun texte, son appréciation est laissé à un risque d’arbitraire des forces de l’ordre susceptible d’entraîner une verbalisation injustifiée (voir plus loin : Comment contester ma contravention ?).

 

Quels sont les motifs de verbalisation lors de mon déplacement ?

Seules trois hypothèses de verbalisation sont possibles :

  • le défaut d’attestation  ou, la pratique à démontrer, si vous êtes dans l’impossibilité de prouver que vous êtes bien la personne ayant signé ;
  • le formalisme de l’attestation non respecté (date, heure, éléments de l’état civil et du domicile ainsi que les motifs) ;
  • un déplacement ne figurant pas à la liste exhaustive des exceptions ou considérées comme telles (exemples de cas acceptés bien que non-inscrits sur l’attestation : se rendre à un distributeur pour chercher de l’argent ou aller jeter sa poubelle au bout de la rue relèvent des déplacement “d’achats de première nécessité”, d’après le ministère).

Attention ! La pratique démontre que les forces de l’ordre font preuve d’une grande latitude dans l’appréciation des motifs censés justifier le déplacement ainsi que dans la validité de l’attestation. Aussi la régularité de certaines contraventions pourrait être remise en cause (voir plus loin : Comment contester ma contravention ?).

 

Quels agents peuvent me verbaliser ?

Les agents verbalisateurs sont : la police et la gendarmerie nationales (OPJ, APJ, APJD), la police municipale, les gardes champêtres, les agents de la ville de Paris chargés d’un service de police, les contrôleurs de la préfecture de police exerçant leur fonction dans la spécialité voie publique et les agents de surveillance de Paris.

 

Combien coûte l’amende ?

Aux termes de l’article 3136-1 du Code de la santé publique, la violation des interdictions ou obligations édictées dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire est punie d’une amende prévue pour les contraventions de la 4e classe.

Cette contravention fait l’objet de la procédure de l’amende forfaitaire.

Le montant de l’amende forfaitaire est fixé à 135 € pour les contraventions de la 4e classe.

Le montant de l’amende forfaitaire majorée est fixé à 375 € pour les contraventions de la 4e classe.

 

Que se passe-t-il si je suis à nouveau verbalisé ?

Aux termes de l’article L.3136-1du Code de la santé publique, si la violation des interdictions ou obligations édictées dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire est constatée à nouveau dans un délai de quinze jours, l’amende forfaitaire est celle prévue pour les contraventions de la 5e classe.

Le montant de l’amende forfaitaire est fixé à 200 € pour les contraventions de la 5eclasse.

Le montant de l’amende forfaitaire majorée est fixé à 450 € pour les contraventions de la 5e classe.

Le paiement par timbre amende n’est pas applicable pour les contraventions de la 5e classe.

Attention ! Si vous avez été verbalisé à plus de trois reprises dans un délai de trente jours, les faits deviennent un délit et sont punis de six mois d’emprisonnement et de 3 750 € d’amende ainsi que de la peine complémentaire de travail d’intérêt général et de la peine complémentaire de suspension, pour une durée de trois ans au plus, du permis de conduire lorsque l’infraction a été commise à l’aide d’un véhicule. Nous vous conseillons alors d’être assisté d’un avocat pour préparer au mieux votre défense, les arguments développés ci-après pourront être par ailleurs soulevés.

Depuis l’arrêté du 14 avril 2020 modifiant l’arrêté du 13 octobre 2004 portant création du système de contrôle automatisé, vos données à caractère personnel recueillies par l’agent verbalisateur, au moyen d’appareils électroniques à l’occasion de la constatation des infractions faisant l’objet d’une procédure d’amende forfaitaire, seront enregistrées et conservées dans un fichier automatisé.

Ce fichier permettra ainsi de contrôler si vous avez déjà fait l’objet d’une verbalisation et de comptabiliser le nombre d’amendes forfaitaires prononcées à votre encontre en vous rappelant qu’au delà de trois verbalisations dans le délai d’un mois, vous pouvez être poursuivi devant le tribunal correctionnel.

A noter ! La tardiveté de publication de l’arrêté du 14 avril 2020 pose la question de la légalité des verbalisations antérieures.

Vos données seront conservées dans une limite de cinq ans mais vous aurez la possibilité de demander au procureur de la République territorialement compétent d’ordonner l’effacement des données le concernant lorsque la procédure le concernant a donné lieu à une décision définitive de relaxe.

 

Dans quel délai puis-je payer ou contester l’amende forfaitaire ?

L’exposé ci-après concerne exclusivement la procédure de l’amende forfaitaire[1].

Le contrevenant peut procéder au règlement de l’amende ou formuler une requête en exonération (réclamation) auprès de l’officier du ministère public compétent territorialement par rapport au lieu de l’infraction dans les 90 jours suivant la constatation de celle-ci, mais il vous est conseillé de régler ou de contester dans les 45 jours, faute de quoi l’amende forfaitaire sera majorée de plein droit par le Trésor public.

Le délai est décompté en jour francs (à savoir à partir du lendemain de la constatation de l’infraction). Lorsque l’avis de contravention est envoyé par voie postale, le délai de 45 jours est décompté à partir de la date d’envoi de l’avis. 

Le recouvrement de l’amende peut être fait :

  • directement entre les mains de l’agent verbalisateur sous réserve que celui-ci détienne un carnet de quittance à souche de contravention, le paiement devant alors donner lieu à la délivrance d’une quittance extraite de ce carnet à souche ou lorsqu’il est muni d’un dispositif permettant d’adresser une quittance dématérialisée ;
  • auprès de l’officier du ministère public du ressort du lieu de l’infraction à l’adresse suivante : CS 41101 – 35911 RENNES Cedex 9 ;
  • sur le site de l’Agence nationale de traitement automatisé des infractions (Antai).

A défaut de paiement de l’amende ou de requête formulée dans ce délai, l’amende forfaitaire est majorée de plein droit et l’officier du ministère public émettra un titre exécutoire permettant au Trésor public de recouvrer le montant de l’amende. En cas de paiement volontaire de l’amende forfaitaire majorée dans le délai d’un mois à compter de sa date d’envoi, le montant des sommes dues sera diminué de 20 %.

Attention ! Le paiement de l’amende ne permet plus de contester l’avis de contravention ou d’amende forfaitaire majorée. En effet, tout paiement vaut reconnaissance des faits reprochés.

 

En revanche, il est important de savoir que si vous contestez l’avis de contravention ou l’amende majorée selon les formes exigées par la loi, l’officier du ministère public doit soit classer sans suite la contravention soit renvoyer votre dossier devant le tribunal de police pour que vous soyez à même d’expliquer les raisons de votre contestation. En aucun cas, il ne détient le pouvoir de rejeter purement et simplement votre réclamation (sauf si celle-ci est irrecevable car formulée hors délai par exemple, ou sans envoyer l’original de l’avis, ou sans motivation).

Lorsque l’amende forfaitaire a été majorée, vous disposez d’un délai de 30 jours à compter de la date d’envoi de l’avis pour formuler une réclamation auprès de l’officier du ministère public du tribunal de police du lieu de l’infraction.

Pour info ! Aux termes de l’article 530 du Code de procédure pénale, le délai de réclamation reste ouvert pendant trois ans (durée de prescription de la peine) tant que rien ne permet d’établir que vous avez eu connaissance de l’amende forfaitaire majorée. Force est de constater que la plupart des amendes forfaitaires majorées ne sont pas envoyées en courrier recommandé. Aucune preuve ne peut être ainsi apportée de l’envoi de cette amende. Mais il est extrêmement difficile de contester une contravention, de sorte que si le titre exécutoire est mis à exécution (saisie sur salaire, sur compte bancaire etc…), faute de paiement ou de contestation dans les délais, vous pourrez certes toujours former une contestation mais il sera d’autant plus compliqué d’obtenir gain de cause que l’avis a été délivré à la bonne adresse, mais que vous dites n’avoir reçu ni l’avis ni l’amende forfaitaire.

Attention ! La requête en exonération ou la réclamation doivent être accompagnées de l’original de l’avis de contravention ou de l’amende forfaitaire majorée et être envoyées en courrier recommandé avec demande d’avis de réception sauf si vous décidez de formuler votre réclamation via le site Antai.

 

Quels motifs peuvent être invoqués pour contester ma contravention ?

 

  • Les motifs de la requête ou de la réclamation fondés sur l’irrégularité des avis de contravention

Les règles qui fixent la forme des contraventions sont édictées par les articles 429 et 529-2 du Code de procédure pénale et des articles A 37 et A 37-1 de ce même Code.

En vertu des articles A37 et A 37-1 du Code de procédure pénale, pour relever les contraventions soumises à la procédure de l’amende forfaitaire dans le cas où celles-ci ne sont pas payées immédiatement entre les mains de l’agent verbalisateur, ce dernier utilise des formulaires dont les caractéristiques sont les suivantes :

 

La carte de paiement et l’avis de contravention sont destinés au contrevenant.

Il convient donc avant toute contestation de demander à consulter le procès-verbal de contravention, le 3e volet conservé par l’agent verbalisateur. Ce droit ignoré par beaucoup ne peut vous être refusé.

En effet, en application de l’article 429 du Code de procédure pénale, tout procès-verbal n’a de valeur probante que s’il est régulier en la forme, si son auteur a agi dans l’exercice de ses fonctions et a rapporté sur une matière de sa compétence ce qu’il a vu, entendu ou constaté personnellement.

Il y a des anomalies que les juridictions qualifieront de simple erreur matérielle et qui n’entraîneront pas la nullité du procès-verbal, contrairement à d’autres plus substantielles qui entacheront de nullité le procès-verbal pour vice de forme.

Aussi, une irrégularité du procès-verbal peut constituer un moyen devant être soulevé avant toute défense au fond afin d’obtenir la nullité de ce dernier.

A cet égard, et à titre d’exemple, doit figurer sur le procès-verbal, la date et l’heure de la commission de l’infraction et le numéro de matricule de l’agent mais également sa signature (Cass Crim 6 mars 2013).

Vous pourrez ensuite développer des moyens de fond.

 

  • Les motifs de la requête ou de la réclamation fondés sur la violation du principe de légalité

Le principe de légalité pénale signifie notamment que vous ne pouvez être poursuivi et condamné si la loi sur laquelle repose l’infraction n’est pas suffisamment claire et précise concernant ses éléments constitutifs et sa peine applicable.

Ce principe est consacré dans plusieurs textes, nationaux comme internationaux :

  • Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen (art. 8) ;
  • Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales ( 7) ;
  • Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (art. 49) ;
  • Pacte international relatif aux droits civils et politiques (art. 15) ;
  • Code pénal (111-3)

Ce principe a valeur constitutionnelle. Le Conseil constitutionnel a jugé que « le législateur doit définir les infractions en termes suffisamment clairs et précis pour exclure l’arbitraire » (Déc. n° 80-127 DC 20 janv. 1981, Sécurité et Liberté).

Au regard de ce principe, il est ainsi possible de contester certaines verbalisations pour lesquelles l’appréciation de l’agent verbalisateur reposerait sur une imprécision et manque de clarté de la réglementation entourant l’attestation de déplacement dérogatoire.

En effet et par exemple, que faut-il entendre par :

  • achat de première nécessité ?
  • un déplacement professionnel ne pouvant être différé ?
  • un motif familial impérieux ou la notion d’assistance à une personne vulnérable ?

Si le texte incriminant les violations des interdictions et obligations dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire paraît respecter le principe, il ne semble pas aller de même s’agissant de son renvoi à l’interdiction de déplacement et aux exceptions prévues par le décret du 23 mars 2020.

En effet, eu égard à l’imprécision de l’article 3 du décret du 23 mars 2020, il apparaît en pratique qu’une grande marge d’appréciation est laissée aux agents verbalisateurs quant à la qualification des motifs permettant les déplacements dérogatoires.

Le décret serait ainsi reconnu comme étant inconstitutionnel et inconventionnel, en raison de la violation du principe de légalité. Et, par conséquent, puisqu’il fonde l’infraction, le tribunal prononcera votre relaxe.

A cet égard, s’agissant d’une contravention de police, la Cour de cassation, par un arrêt du 1er février 1990, a cassé la décision attaquée en retenant expressément que le texte prétendument violé, l’article L.362-1 du Code des communes, ne contenait aucune incrimination rédigée en termes clairs et précis, et que, de ce fait, aucune peine n’aurait dû être prononcée contre le prévenu. (Cass.crim.. 1er février 1990, Bull.crim. n° 56 ; et 1 décembre 1990, Bull.crim. n°432, relatif à l’exercice de l’action civile)

Vous présenterez vos moyens sur le volet joint à l’avis devant l’officier puis, si vous êtes convoqué devant le tribunal de police, vous soulèverez aussi dès le début de votre procès (à l’appel de votre nom), l’illégalité du décret du 23 mars 2020 en demandant au juge de statuer sur la violation par le décret du principe de légalité, grâce aux pouvoirs du juge pénal définis par l’article 111-5 du code pénal.

 

  • Les motifs de la requête ou de la réclamation fondés sur la force majeure

En vertu de l’article 121-3 du Code pénal, « il n’y a point de contravention en cas de force majeure ».  

La force majeure se définit comme une contrainte qui s’exerce sur le corps ou l’esprit de l’agent et qui, en abolissant chez lui toute liberté de choix, l’empêche d’exécuter ses obligations ou l’oblige à commettre un acte répréhensible.

La force majeure doit revêtir deux critères :

Il est de principe que la force majeure ne peut ainsi résulter que d’un événement indépendant de la volonté humaine que la personne poursuivie n’a pu ni prévoir ni conjurer, d’un événement imprévisible et insurmontable l’ayant empêché de se conformer à la loi.

La force majeure fait disparaître votre responsabilité pénale.

A titre d’exemple, si vous êtes sans domicile fixe, et donc dépourvu de tout logement, vous ne pouvez répondre objectivement aux obligations de confinement, dès lors vous seriez susceptible de soulever la force majeure pour échapper à la condamnation.

Pour info ! La cellule interministérielle de crise Covid-19 a, par une note du 31 mars 2020, instruit les agents constatant la présence de sans-abris sur la voie publique, de ne procéder à aucune verbalisation, l’obligation de confinement à domicile ne pouvant être appliquée à ces personnes.

 

  • Les motifs de la requête ou de la réclamation fondés sur l’erreur de droit

En vertu de l’article 122-3 du Code pénal « N’est pas pénalement responsable la personne qui justifie avoir cru, par une erreur sur le droit qu’elle n’était pas en mesure d’éviter, pouvoir légitimement accomplir l’acte ».

L’erreur de droit invincible se définit comme étant celle commise par une personne qui est dans l’impossibilité absolue de l’éviter malgré la recherche d’informations.

L’erreur de droit doit être légitime.

L’erreur sur le droit doit être invincible. Autrement dit, la personne poursuivie doit justifier qu’elle n’était pas en mesure d’éviter son erreur.

A titre d’exemple, vous avez tenu compte des réponses du ministère de l’Intérieur dans la foire aux questions, vous avez été induit en erreur par cette réponse car finalement lors d’un contrôle la police vous a malgré tout verbalisé.

Pour info ! En pratique, l’erreur de droit est rarement retenue par le tribunal puisqu’il suffirait de se fonder sur la violation du principe de légalité pour se défendre, rendant par conséquent son invocation accessoire. Aussi, avant que votre affaire soit jugée par un tribunal, il faut tout de même tenter d’invoquer votre bonne foi dans le cadre de votre réclamation et solliciter l’indulgence de l’officier du ministère public.

 

Quelles preuves peuvent être apportées au soutien de la contestation de ma contravention ?

Le principe de la liberté de la preuve en droit pénal fait exception en matière de contravention quand celle-ci fait l’objet d’une contestation devant le tribunal de police.

En effet, si vous pouvez dans le cadre de votre requête en exonération ou en réclamation apporter des preuves de toute nature au soutien de vos allégations visant la contestation de la contravention, il n’en est pas de même si, en cas de rejet de votre requête en réclamation par l’officier du ministère public, vous demandez à ce que votre contestation passe ensuite devant un juge.

Il faut savoir à cet égard que l’officier du ministère public ne peut refuser de transmettre votre dossier au juge, sous réserve que les conditions de recevabilité de la contestation soient réunies (motivation de la requête accompagnée de l’avis de contravention). Il convient pour ce faire de lui en faire la demande par lettre recommandée avec accusé de réception en rappelant votre réclamation. Il faudra ainsi dans le cadre de cette contestation de demander à titre principal le classement sans suite ou l’indulgence de l’officier du ministère public et à titre subsidiaire, votre comparution devant le tribunal de police.

Dans le cadre de l’instruction de votre contestation devant le tribunal de police, l’article 537 du Code de procédure pénale dispose que « les contraventions sont prouvées soit par procès-verbaux ou rapports, soit par témoins à défaut de rapports et procès-verbaux, ou à leur appui. Sauf dans les cas où la loi en dispose autrement, les procès-verbaux ou rapports établis par les officiers et agents de police judiciaire et les agents de police judiciaire adjoints, ou les fonctionnaires ou agents chargés de certaines fonctions de police judiciaire auxquels la loi a attribué le pouvoir de constater les contraventions, font foi jusqu’à preuve contraire. La preuve contraire ne peut être rapportée que par écrit ou par témoins ».

Ainsi, selon l’article 537 du Code de procédure pénale, les procès-verbaux de constat établis en matière contraventionnelle valent jusqu’à preuve contraire. Si la règle prévue à l’article 537, alinéa 2, du Code de procédure pénale dérange, c’est qu’elle passe outre les principes essentiels de procédure pénale que sont la présomption d’innocence, la liberté des modes de preuve, le respect du contradictoire ou encore la nécessité de l’intime conviction.

Les seuls moyens admis par la loi pour apporter la preuve contraire sont l’écrit ou le témoignage.

Attention ! Vous avez le droit de combattre ces procès-verbaux, mais leur force probante ne peut être infirmée sur vos seules dénégations ou allégations. S’il résulte des constats de l’agent verbalisateur que l’infraction est constituée et que la preuve contraire au procès-verbal n’est pas rapportée par l’un des moyens admis par la loi (écrit ou témoignage), le juge ne peut relaxer le prévenu au bénéfice du doute au motif que l’infraction ne serait pas suffisamment établie (Crim., 25 avril 1977, pourvoi n° 77-90.125, Bull. crim. 1977, n° 134, à propos d’une contravention).

Ainsi le juge ne peut pas faire droit à la requête sans constater que la preuve contraire aux énonciations du procès-verbal a été rapportée par écrit ou par témoins.  Il faut toutefois que le procès-verbal ne se contente pas d’évoquer une violation des règles relatives au confinement mais devra expressément indiquer les circonstances ayant conduit à considérer que lesdites règles n’auraient pas été respectées. En d’autres termes, l’agent verbalisateur ne peut se contenter de constater le non-respect de l’interdiction de déplacement mais devra préciser de manière circonstanciée les raisons l’ayant conduit à constater une telle infraction comme la « non présentation de l’attestation de dérogation », etc.

Dès lors que la preuve contraire aux énonciations des procès-verbaux dressés en matière contraventionnelle ne peut être rapportée que par écrit ou par témoins, la demande d’audition d’un témoin du prévenu doit, malgré le lien d’amitié qui les unit, être accueillie (Crim. 4 févr. 2014, n°13-81.135).

A cet égard, l’attestation écrite d’un témoin ne vaut pas témoignage au sens de l’article 537 du Code de procédure pénale. Seule la déposition faite sous serment peut être discutée à l’audience (Crim, 24 mai 1984). En outre, elle n’est pas non plus considérée comme un écrit en ce sens qu’elle n’est pas un élément de preuve objectif (comme peuvent l’être une facture, un certificat médical, etc.).

 

Quelles suites peuvent-être données à ma requête ou ma réclamation ?

En application des articles 530 et 530-1 du Code de procédure pénale, l’officier du ministère public n’a que deux possibilités face à une requête ou d’une réclamation recevable :

En pratique et de manière quasi-systématique, l’officier du ministère public se contente de rejeter la requête ou la réclamation en totale violation des règles légales, en estimant que les éléments qui lui sont présentés ne permettent pas de donner une suite favorable à la requête.

Il arrive également fréquemment que le contrevenant ne reçoive jamais aucune réponse si ce n’est l’avis de majoration de l’amende.

L’officier du ministère public vérifie la recevabilité de la réclamation. Mais s’il dispose du pouvoir d’apprécier le bien-fondé de la réclamation en prononçant le classement sans suite de la contravention, il ne peut rejeter la contestation au simple motif qu’il la juge infondée.

Ainsi, lorsque les conditions de recevabilité sont remplies, la contestation doit être obligatoirement portée devant la juridiction de jugement à moins que l’officier du ministère public ne décide de renoncer aux poursuites.

Vous devrez donc saisir vous-même le tribunal d’un incident contentieux en apportant la preuve de l’envoi de votre contestation et en apportant une copie de celle-ci. Le problème étant que si l’officier du ministère public affirme que l’original de l’avis n’était pas joint, vous ne pourrez pas apporter la preuve contraire. Prenez des copies de tout et préparez votre dossier devant une autre personne chargée de le poster, qui pourra témoigner. Sur Antai, il y a la preuve de l’envoi.

Pour préparer au mieux votre défense, nous vous conseillons l’assistance d’un avocat en vue de l’audience. Celui-ci pourra en effet soulever in limine litis – c’est-à-dire avant même d’évoquer les faits sur le fond – l’irrégularité du procès-verbal constatant l’infraction et, partant, sa nullité.

 

[1]Si la procédure suivie était l’ordonnance pénale ou la citation directe, nous vous renvoyons au Guide pratique du confinement

Communiqués de la LDH

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *