La plateforme En finir avec les contrôles au faciès appelle le gouvernement à agir pour mettre fin à ces pratiques
La plateforme En finir avec les contrôles au faciès apporte son soutien aux six jeunes hommes qui ont saisi la Cour Européenne des droits de l’Homme en raison des contrôles discriminatoires subis et des atteintes à leurs droits et libertés fondamentaux. Nous encourageons le nouveau gouvernement à agir rapidement pour mettre fin à ces pratiques, sans attendre une possible condamnation de la CEDH.
Les six jeunes hommes faisaient partie d’un groupe de treize dont les dossiers ont été jugés par la Cour de Cassation en novembre 2016. Dans une décision historique, cette dernière a jugé que les contrôles au faciès constituent une faute lourde commise par l’Etat et que le droit de la non-discrimination, avec une charge de la preuve allégée pour les victimes, s’applique aux activités policières. La Cour de Cassation avait confirmé qu’il y avait eu discrimination raciale dans trois des cas qui lui avaient été soumis.
Dans ces affaires, les contrôles d’identité, suivis de palpations et de fouilles s’étaient déroulés alors que les requérants se prêtaient à des activités routinières, telles que marcher dans la rue, sortir d’une station de métro ou discuter avec un ami.
Les six hommes, dont les juges ont rejeté la demande de reconnaissance de discrimination, viennent de saisir la CEDH, estimant que les tribunaux français ont appliqué des règles de preuve de manière trop restrictive dans leurs cas. Ils demandent à la CEDH de condamner les autorités françaises pour discrimination, violation de leur vie privée et de leur liberté de circulation. Ils demandent également à la Cour de contraindre les autorités françaises à mettre en place toutes les mesures nécessaires aux fins de prévenir et remédier aux pratiques en question et de garantir aux personnes qui les subissent un recours effectif.
Les autorités sont, en effet, tenues par des obligations positives de mettre en place des procédures et pratiques empêchant toute discrimination. Le fait que les personnes contrôlées ne reçoivent aucun procès-verbal, récépissé ou formulaire de contrôle, ni aucune autre preuve matérielle dudit contrôle crée un climat d’impunité dans lequel les agents de police sont libres de discriminer, consciemment ou non.
Le Défenseur des Droits a rappelé ces obligations positives dans une décision produite devant la Cour de Cassation, estimant à cette occasion que : « Le manquement à de telles obligations équivaudrait à fermer les yeux sur la gravité de tels actes et à les considérer comme des actes ordinaires ».
Malgré un engagement électoral, le Président Hollande a manqué à ces obligations ; de sorte que les contrôles d’identité réalisés quotidiennement continuent de cibler des personnes sur la base de leur couleur, de leur supposée origine ethnique ou nationale.
Une enquête publiée par le Défenseur des droits en janvier 2017 révèle que les jeunes hommes de 18 et 25 ans perçus comme noirs ou arabes courent en moyenne vingt fois plus de risques d’être contrôlés que le reste de la population.
Le problème du contrôle au faciès est aujourd’hui communément reconnu ainsi que ses conséquences dommageables, non seulement sur les individus et communautés affectées, mais aussi sur le maintien de l’ordre et la sécurité publique.
Fondée sur la situation française, ainsi que sur les expériences réalisées dans d’autres pays, la plateforme En finir avec les contrôles au faciès préconise des actions clés, indispensables pour prévenir et réduire les contrôles au faciès tout en améliorant la sécurité publique :
– Réformer l’article 78-2 du Code de procédure pénale : la lutte contre ces dérives passe nécessairement par la limitation du champ des contrôles d’identité aux stricts impératifs de sécurité publique, à savoir la prévention et la lutte contre la délinquance. Un contrôle d’identité, quelle que soit l’autorité requérante, ne pourra être effectué qu’en présence d’un soupçon raisonnable, et fondé sur des critères objectifs en respectant les arrêts de la Cour Européenne des Droits de l’Homme.
– Encadrer juridiquement la pratique des palpations de sécurité : il est nécessaire de limiter de manière explicite par voie législative les pouvoirs conférés aux forces de l’ordre pour procéder à des contrôles physiques tels que des palpations, sources d’atteintes à la vie privée et d’humiliations.
– Imposer la remise d’un récépissé : une garantie pour la personne contrôlée et pour le policier. La loi doit prévoir que, lors de chaque contrôle d’identité, les agents remplissent un formulaire, dont l’un des volets est remis à la personne contrôlée, l’autre conservé par le service de police. Ce document, conçu pour éviter tout fichage, rendra plus transparente la façon dont les contrôles sont effectués et permettra un suivi et une évaluation de la mise en œuvre de ce pouvoir. Il s’agit d’une étape nécessaire pour créer des réponses adaptées. Cette mesure devra faire l’objet d’une mise en place progressive dans le cadre d’une expérimentation dans quelques sites pilotes conformément à l’art. 37-1 de la Constitution et être accompagnée d’une évaluation incluant des experts indépendants, avant sa généralisation progressive à tout le territoire. Cette approche permettrait de perfectionner le dispositif et d’obtenir une meilleure compréhension de son intérêt par les policiers.
– Organiser un dialogue entre police et population sur la pratique des contrôles d’identité : pour assurer la réussite d’une réforme des contrôles d’identité il est indispensable d’organiser des rencontres régulières entre citoyens / habitants, policiers / gendarmes et élus pour discuter des questions locales de sécurité et notamment des pratiques qui mettent en contact les forces de l’ordre et la population. Ces discussions devront être alimentées par des données quantitatives et qualitatives permettant de mieux cerner les pratiques policières telles que les données issues des formulaires de contrôle.
– Renforcer la formation des policiers : pour réussir, un fort engagement politique ainsi qu’un ensemble de mesures sont nécessaires. La formation initiale et continue des fonctionnaires de police doit être largement renforcée et permettre la mise en pratique des règles déontologiques dans l’accomplissement des tâches quotidiennes.
– Modifier les critères d’évaluation et de promotion des policiers : ces critères devront prendre en compte le respect de la déontologie et la capacité à créer du lien social et ne plus être principalement fondés sur des objectifs chiffrés. Il faut également limiter l’actuelle rotation trop rapide des personnels en encourageant des policiers expérimentés à rester dans des quartiers populaires grâce à des conditions humaines et matérielles incitatives.
La plateforme « En finir avec les contrôles au faciès » appelle solennellement le nouveau gouvernement à mettre en place ces réformes, de manière urgente.
Il démontrera ainsi son engagement à réparer les divisions qui minent la société française et sa réelle volonté à promouvoir l’égalité et le rétablissement de l’Etat de droit.
Paris, le 24 mai 2017
Les signataires : Human Rights Watch ; Ligue des droits de l’Homme ; Maison Communautaire pour un Développement Solidaire Open Society Justice ; Open Society Justice Initiative ; Pazapas ; Syndicat des Avocats de France ; Syndicat de la Magistrature ; WeSignIt
“En finir avec les contrôles au faciès” dispose aujourd’hui de son propre site, donnant accès à de nombreuses ressources et permettant une veille de l’actualité et de l’action gouvernementale sur le sujet : http://enfiniraveclescontrolesaufacies.org/