Communiqué de l’Observatoire des libertés et du numérique (OLN)
Dans un dossier publié le 20 mars 2014, Le Monde a révélé – sur la base d’un document de 2010 du Government Communications Headquarters (GCHQ britannique) – que la DGSE avait accès « libre et total » aux réseaux d’Orange et flux de données qui y transitent. L’article « Espionnage : comment Orange et les services secrets coopèrent »(1) montre par ailleurs que les agents de la DGSE et d’Orange coopèrent à casser le chiffrement des flux de données correspondants. Ces activités ont lieu hors de tout cadre légal et judiciaire. Il est sidérant que ces informations n’aient donné lieu à aucune réponse du gouvernement. L’Observatoire des libertés et du numérique (OLN) exige que des réponses politiques, légales et pénales soient apportées à ces agissements.
L’échelle exacte de recueil des informations n’est pas connue, mais le fait que « la DGSE dispose, à l’insu de tout contrôle, d’un accès libre et total [aux] réseaux [d’Orange] et aux flux de données qui y transitent » dépasse toutes les craintes précédemment exprimées sur le développement de la surveillance généralisée, dans le cadre français. Cet accès porte aussi bien sur les citoyens français qu’étrangers, et la collaboration avec le GCHQ en aggrave les conséquences.
Les révélations du Monde, non démenties, n’ont donné lieu à aucune déclaration du (précédent) gouvernement, mais uniquement à une réponse dilatoire de Stéphane Richard, président d’Orange, selon lequel « des personnes habilitées secret-défense peuvent avoir à gérer, au sein de l’entreprise, la relation avec les services de l’Etat et notamment leur accès aux réseaux, mais elles n’ont pas à m’en référer. Tout ceci se fait sous la responsabilité des pouvoirs publics, dans un cadre légal » (extrait de l’article du Monde référencé plus haut). On aimerait savoir quel cadre légal.
En réalité, il semble bien que ce soit une véritable opération de surveillance généralisée conjointe conduite par des agents de la DGSE et d’Orange, issus des mêmes corps d’Etat, et passant de l’une des organisations à l’autre, qui ait été mise en place. L’existence de ce type de dispositif renforce toutes les inquiétudes dont nous avions déjà fait état à propos des dispositions de l’article 20 de la loi de programmation militaire. Que vaut la soi-disant protection résultant de ce que l’accès au réseau passe par des demandes à l’égard des opérateurs, dans un contexte où certains de leurs agents travaillent main dans la main avec les services de renseignement en vue d’une surveillance de masse, hors de tout cadre légal ?
A la lumière de ces révélations, le recours à des partenariats public-privé pour la mise en place d’une plateforme centralisée pour les interceptions sur mandat judiciaire, la Plateforme nationale des interceptions judiciaires (Pnij), soulève elle aussi de graves inquiétudes.
L’Observatoire des libertés et du numérique (OLN) alerte les citoyens et interpelle avec force le gouvernement et les parlementaires sur ces révélations. C’est l’Etat de droit et la démocratie qui sont menacés lorsque tout citoyen voit ses communications et ses expressions personnelles surveillées hors de tout cadre légal. Le gouvernement a une obligation immédiate de faire toute la lumière sur ces dérives, de dire comment il entend y mettre un terme, et d’indiquer quelles procédures pénales seront engagées.
Sont membres de l’OLN : Cecil, Creis-Terminal, LDH, Quadrature du Net, Saf, SM.
Pour contacter l’OLN : contact-oln@ldh-france.org
Paris, le 22 avril 2014