Communiqué de la FIDH
Ales Bialiatski, vice-président de la FIDH et président du Centre de défense des droits de l’homme Viasna (Bélarus), a été condamné jeudi 24 novembre à 4 ans et six mois d’emprisonnement en régime sévère, au paiement d’amendes ainsi qu’à la confiscation de ses biens, y compris le bureau de Viasna et les biens enregistrés avec les membres de sa famille. La FIDH appelle à sa libération immédiate et inconditionnelle, et à l’abandon de toutes les charges qui pèsent contre lui.
« Nous condamnons cette décision arbitraire et politiquement motivée prise par le système judiciaire bélarusse. Les audiences ont démontré une fois de plus que ce procès a été directement ordonné par le régime ; la lettre prétendument reçue par le KGB qui a permis de lancer cette opération de harcèlement judiciaire et qui a été présentée au procès en constitue une preuve indiscutable », a déclaré la présidente de la FIDH, Mme Souhayr Belhassen. « Cette lettre datée du 28 octobre 2010 montre également que le déchaînement des autorités contre la société civile bélarusse, qui vise à réduire au silence les défenseurs des droits de l’homme et dont le procès d’Ales Bialiatski constitue l’illustration la plus flagrante et la plus symbolique, a été planifié et préparé bien avant les élections présidentielles du 19 décembre 2010, qui ont tourné à la catastrophe », a-t-elle poursuivi. « Nous craignons que, dans ce contexte de répression violente, d’autres membres de Viasna soient pris pour cible. La FIDH réitère fermement sa solidarité avec Ales, sa famille et tous les membres de Viasna », a-t-elle conclu.
Ales Bialiatski est un défenseur des droits humains arbitrairement détenu. La FIDH appelle tous les états et organisations internationales à prendre des mesures urgentes pour obtenir sa libération et l’abandon de toutes les charges qui pèsent contre lui. La FIDH leur demande également d’agir afin que Viasna et toutes les autres ONGs au Bélarus puissent mener à bien leurs activités de défense des droits de l’Homme.
Note préliminaire sur le procès
Le procès de Bialiatski, présidé par le juge Bondarenko, s’est tenu du 2 au 24 Novembre au Tribunal du district de Pervomaïski, à Minsk. Une mission d’observation dépêchée par l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’homme a assisté à l’intégralité du procès.
La FIDH condamne le refus des autorités Belarusses de délivrer des visas à sa présidente Souhayr Belhassen, à son Président d’Honneur Patrick Baudouin, ainsi qu’à d’autres observateurs internationaux. La FIDH dénonce également l’utilisation pendant le procès de courriers électroniques à caractère personnel et professionnel obtenus de manière illégale, qui avaient été échangés entre des représentants de la FIDH et des membres de Viasna.
« Il faut souligner le fait qu’en dépit d’une longue préparation, l’accusation [visant Bialiatski] a été si mal préparée et documentée qu’elle s’est littéralement effondrée pendant le procès : les documents présentés n’avaient aucun rapport avec le chef d’inculpation, ou bien n’étaient ni signés ni tamponnés ; le ministère lituanien a déclaré dans une lettre officielle d’août 2011 que les documents qu’il avait transmis en mars 2011 aux autorités bélarusses et que celles-ci ont ensuite utilisés contre M. Bialiatski ne correspondent pas à la réalité. Et pourtant, ces documents ont quand même été utilisés lors du procès. Certains des témoins présentés par l’accusation ont déclarés n’être absolument pas au courant de l’affaire Bialiatski », a déclaré Artak Kirakosyan, secrétaire général de la FIDH, qui a assisté au procès à Minsk. « Tout ce procès a maladroitement étalé au grand jour la politique systématique de criminalisation des activités des défenseurs des droits de l’homme qui poursuivent leurs efforts légitimes et courageux dans un contexte d’autoritarisme croissant au Bélarus. »
Tout au long du procès, l’accusation a posé à Bialiatski et à plusieurs témoins des questions à caractère ouvertement politique. Ces questions étaient centrées sur la façon de travailler de Viasna, sur la manière dont l’organisation reçoit des fonds et les emploie. Les témoins étaient systématiquement interrogés sur leur appartenance à Viasna — un élément n’ayant aucun rapport avec le chef d’inculpation d’évasion fiscale retenu contre le prévenu. Le 10 novembre, le procès a pris un tour clairement politique quand le prévenu a été interrogé sur sa connaissance du Décret présidentiel N° 24, qui interdit de facto tout soutien financier à des associations sans l’accord du président. Le procès fut ensuite interrompu suite à l’annonce par le procureur que de nouvelles charges seraient retenues contre Bialiatski. D’après le procureur, celles-ci allaient significativement différer du chef d’inculpation initial. Cependant, quand le procès a repris, le 16 novembre, on a découvert que les nouvelles charges signifiées au prévenu ne différaient que de façon négligeable de l’accusation initiale en ajoutant à l’accusation de non-déclaration des revenus la mention de « prolongement des accords précédents ».
Le 23 novembre, la défense a relevé que certaines pages des documents bancaires présentés lors du procès étaient des photocopies dénuées du moindre certificat attestant qu’elles correspondaient bien aux documents transmis. D’autres éléments du dossiers, présentés comme un contrat passé entre le Centre de défense des droits de l’homme Viasna et un donateur, avaient été fournis par « une source anonyme », ce qui contrevient au Code de procédure pénale. De plus, de nombreux documents n’avaient aucun rapport avec le chef d’inculpation. L’avocat a également souligné que la requête adressée par les autorités bélarusses aux banques lituanienne et polonaise avait été envoyée avant l’ouverture de l’affaire pénale, ce qui contrevient aux dispositions de l’Acte de protection légale. Par conséquent, le versement de ces preuves au dossier était illégal.
Dans son discours, Ales Bialiatski a décrit la montée de l’autoritarisme du gouvernement et expliqué que la société civile, y compris les défenseurs des droits de l’homme, les avocats et les journalistes travaille désormais dans un contexte de danger permanent. En tant que vice-président de la FIDH, il a également parlé de la situation désastreuse dans laquelle se trouvent les défenseurs des droits de l’homme travaillant dans d’autres pays de l’espace post-soviétique. Il a souligné le fait que la criminalisation des défenseurs des droits de l’homme y était devenue chose commune : huit membres d’une organisation ouzbèke membre de la FIDH sont actuellement emprisonnés suite à des accusations montées de toutes pièces. En Russie, les défenseurs des droits de l’homme font l’objet d’un harcèlement juridique constant et, sont parfois assassinés. Il a ensuite raconté l’histoire du Centre de défense des droits de l’homme Viasna et souligné que l’organisation avait toujours travaillé dans la transparence et apporté son aide à des milliers de personnes.
Il a conclu en affirmant que les éléments de son dossier indiquaient que toute l’affaire avait été commandée et directement gérée par le KGB. En novembre 2010, le KGB a organisé des réunions avec des représentants de l’inspection fiscale et du Parquet (y compris le procureur présent lors de ce procès) afin d’examiner les divers articles du Code pénal permettant d’inculper Ales. Il a finalement été décidé d’avoir recours à l’article 243. Cela montre le caractère politique de l’affaire Ales Bialiatski, qui a été planifiée d’un bout à l’autre afin de mettre fin à ses activités de défense des droits de l’homme.
Pour plus d’informations sur le contexte de cette affaire, consulter le site : freeales.fidh.net
Minsk-Paris, 24 novembre 2011.