Que reste t’il de la Loppsi 2 du 14 mars 2011 après la censure du Conseil constitutionnel ?

Le Conseil constitutionnel a censuré, le 10 mars 2011, 13 dispositions de la loi Loppsi 2. Il a infligé un exceptionnel camouflet à cette vingtième loi sécuritaire votée depuis dix ans. Que reste-t-il donc de ce texte après cette sévère correction ? C’est l’objet de cette rapide analyse .

En bref résumé la Loppsi 2 étend encore les pouvoirs de la police (infiltrations, utilisation de pseudonymes par les policiers sur internet, installation de mouchards sur les ordinateurs..), et permet aux préfets d’imposer aux maires récalcitrants la vidéosurveillance.

La Loppsi 2 étend aussi les fichiers de police (59 à ce jour), les fichiers d’antécédents (Stic et Judex). Les fichiers d’analyse sérielles, entrent dans le code de procédure pénale, avec possibilité de rapprochement entre les 59 fichiers policiers et conservation de données de toute personne interpellée pendant 3 ans (même si la garde à vue n’a entraîné aucune suite judiciaire). Les mineurs, sans limitation d’âge, figureront dans ces fichiers.

La Loppsi 2 crée les réserves civiles de la police, sorte de milices para-policières.

Elle créée aussi de nouvelles infractions (distribution d’argent sur la voie publique), mais surtout aggrave les sanctions pour des infractions existantes : le vol avec effraction, ou le vol au préjudice de personnes vulnérables, entraînent désormais une peine de 7 ans d’emprisonnement, au lieu de 5 ans auparavant, comme le vol avec violence entraînant une ITT de plus de 8 jours. Ces vols ne relèveront donc plus d’un juge unique, comme actuellement, mais d’une composition correctionnelle colllégiale. On ignore les moyens que le législateur envisage de donner à la justice pour que 3 juges statuent désormais, au lieu d’un seul aujourd’hui.La vente à la sauvette devient un délit. La peine est aggravée pour les dégradations de biens publics…

La Loppsi 2 renforce aussi l’automaticité des peines en cas de violences aggravées contre les personnes, en créant de nouvelles peines de prison automatiques, les peines plancher, même lorque le prévenu n’a jamais été condamné, qu’il n’est pas récidiviste. Ainsi pour les violences, avec ITT de moins de 8 jours , en réunion et sur dépositaires de l’autorité publique, infraction couramment relevée par les policiers en cas d’interpellation ou de contrôle d’identité « musclé », la peine d’emprisonnement ne pourra plus être inférieure à 18 mois, sauf décision spécialement motivée par les juges.
Elle légalise la téléjustice, c’est à dire l’utilisation généralisée de la visio conférence, pour décider de la détention provisoire ou de l’emprisonnement d’une personne, ou de la rétention d’un étranger.

Les étrangers pourront être placés sous surveillance électronique mobile, en cas de soupçon de terrorisme,hors de toute autorisation judiciaire.

Enfin les mineurs, s’ils échappent pour cette fois à la comparution immédiate et autres procédures expéditives de jugement, gràce au Conseil Constitutionnel, ils pourront faire l’objet d’arrêtés municipaux de couvre-feus (le Conseil d’Etat les annulait systématiquement, donc la loi les légalise…). En cas d’urgence, ils seront placés à l’ASE, non pas par le Procureur de la république ou un juge des enfants, mais par le préfet, si celui considère qu’ils sont en danger. C’est encore un exemple de la confusion des pouvoirs (une compétence judiciaire étant attribuée à l’autorité administrative). D’ailleurs le juge des enfants devra désormais informer le préfet et le Président du Conseil Général des jugements concernant les mineurs, même en cas d’alternative aux poursuites décidée par le parquet.

Cette Loppsi 2 est donc, malgré la salutaire décision du Conseil Constitutionnel, un nouvel engrenage ajouté à la machine sécuritaire.

Rappelons que la Loppsi 1 était la loi 29 août 2002 sur la programmation de la justice, prévoyant notamment la création de 13 000 places de prison et la modification du code marchés publics pour leur construction.

Téléchargez l’analyse d’Evelyne Sire-Marin, magistrat, membre du Comité central de la LDH.

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