« Les Droites et la rue », de Danielle Tartakowsky. Note de lecture

Avec Les Droites et la rueHistoire d’une ambivalence de 1880 à nos jours, nous sommes assez éloignés de la chronique, au jour le jour, de la Manif pour tous telle que nous la conte avec force et bienveillance les auteurs – journalistes au Figaro (Histoire et Magazine) – de Et la France se réveilla – Enquête sur la révolution des valeurs (éditions du Toucan).



Exception notable : les deux ouvrages s’intéressent à la place spécifique que prennent les catholiques – en particulier la hiérarchie vaticane et les courants, parfois en conflits les uns avec les autres, les plus conservateurs du catholicisme français – dans les mobilisations de rue. La question d’un retour en force du religieux dans le champ politique est posée.

Mais le propos est bien plus vaste concernant l’ouvrage de Danielle Tartakowsky. Il s’agit pour l’historienne, spécialisée dans l’histoire des manifestations de rue, de nous montrer que les droites françaises, de 1880 à l’opposition au Mariage pour tous, sont plus souvent descendues sur le pavé qu’on ne le croit.

L’ouvrage nous éclaire sur la façon dont les droites – la plupart des organisations ne disposant pas de l’arme de la grève à la différence des organisations ouvrières ou ne se reconnaissant pas toujours historiquement dans le suffrage universel – ont imaginé, très tôt, de nouvelles modalités d’actions afin de peser durablement dans l’espace public, et parfois même de peser sur la nature du régime républicain : des manifestations-processions (se réclamant de la sacralité de l’église ou, à partir de 1919, de la légitimité nationale-patriotique jusqu’à la mobilisation de Juin 1984 pour l’école privée), aux manifestations-insurrections (crise boulangiste, affaire Dreyfus, février 1934, mai 1958 à Alger) en passant par la « levée en masse » du 30 mai 1968.

L’ouvrage nous permet de réfléchir sur l’ambivalence – voire l’amnésie volontaire – qu’entretiennent les droites dans leur rapport aux mobilisations de rue. Pour certaines organisations, surtout celles instituées, ces démonstrations visent à « restaurer l’ordre » tandis que pour d’autres (le plus souvent extraparlementaires ou catégorielles), plus autonomes vis-à-vis des institutions, elles sont un levier du désordre à créer face à l’Etat ou au gouvernement.

Sur cent trente ans ans, Danielle Tartakowsky nous aide à cerner la place et le poids des manifestations de droite dans les systèmes politiques, leurs spécificités, leurs logiques d’action et leur autonomie relative. Une démarche originale. Un ouvrage précieux.

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