Depuis de nombreux mois maintenant, la LDH est engagée, avec d’autres organisations, dans une bataille visant à ce que tout contrôle d’identité effectué par la police se solde par une trace écrite. Ceci afin de lutter contre les contrôles répétitifs et au faciès, autant de pratiques dénoncées par de nombreuses études (cf. celles de l’Open Society notamment). En dépit des efforts des uns et des autres, la question n’avance pas et même l’expérimentation est refusée.
Pour l’instant, l’amélioration des rapports entre la police et les citoyens repose sur la sortie d’un nouveau code de déontologie. Que préconise ce code ?
D’une manière générale, la relation du policier avec la population doit être « empreinte de courtoisie et requiert l’usage du vouvoiement » (article R. 434-14). En ce qui concerne le contrôle d’identité, « le policier ou le gendarme ne se fonde sur aucune caractéristique physique ou aucun signe distinctif pour déterminer les personnes à contrôler », et « la palpation de sécurité est exclusivement une mesure de sûreté. Elle ne revêt pas un caractère systématique » (article R. 434-16).
Ces dispositions communes à la police nationale et à la gendarmerie nationale sont sans aucun doute louables, mais pas forcément nouvelles (l’ancien code préconisait déjà le vouvoiement) et on peut douter de leur efficacité sur le terrain. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous continuons à demander, en plus du formulaire de contrôle, la modification de l’article 78-2 du Code de procédure pénale, de manière à mieux encadrer les contrôles d’identité.
Ce nouveau code de déontologie prévoit également que gendarmes et policiers portent leur matricule sur leur uniforme. Cette mesure a déclenché une véritable levée de boucliers dans l’ensemble des syndicats de policiers qui s’estiment honteusement stigmatisés. Faut-il leur rappeler que, d’une part, cette mesure a déjà existé et que, d’autre part, elle est en vigueur dans de nombreux pays ? Doit-on considérer comme normal qu’un citoyen doive décliner son identité plusieurs fois par jour à un fonctionnaire éternellement protégé par son anonymat ? Nous ne le croyons pas.
Par ailleurs, un récent rapport de l’inspection générale vient de mettre le doigt sur un problème que nous avons souvent dénoncé : celui de l’accroissement des plaintes pour « outrage et rébellion », délits d’ailleurs souvent liés à des contrôles d’identité qui tournent mal.
Il faut savoir que lorsqu’un policier porte plainte, ses frais d’avocat sont pris en charge par l’Etat dans le cadre de la « protection fonctionnelle des fonctionnaires ». Selon le rapport, il y a annuellement plus de vingt mille dossiers de recours de protection fonctionnelle dans la police, soit plus de treize millions d’euros de dépenses en 2012, chiffre en hausse par rapport aux années précédentes.
Le rapport dénonce le coût pour l’Etat de ces recours. D’autant plus que certains policiers se révèlent être des habitués de la procédure afin d’obtenir avec succès des dommages et intérêts. Il évoque ainsi ce fonctionnaire qui, en 2012, s’est déclaré vingt-huit fois victime d’outrage et rébellion et de ces soixante-deux autres, victimes plus de quatre fois dans l’année. Bien sûr, ces plaintes à répétition sont peu nombreuses, mais elles existent et, toujours selon le rapport, la hiérarchie donne rarement son avis, alors que les textes prévoient qu’elle le fasse.
Par ailleurs, le rapport évoque « ces cinq cabinets d’avocats qui, à Paris, se partagent un “marché” d’environ 2,5 millions d’euros annuel, sans aucune mise en concurrence », et « dans certaines circonscriptions de police en province, le nombre de dossiers de protection fonctionnelle est d’autant plus élevé qu’un avocat en est spécialiste, fait sa publicité y compris dans les commissariats » (Rapport de l’IGA, page 61).
Ce rapport n’a pas manqué de susciter la colère des syndicats de policiers. Alliance (second syndicat de gardiens de la paix) a déclaré par la voix de son secrétaire général que « ce rapport est honteux ». Il dénonce « ces thèses qui jettent le discrédit sur la police et sur ses agents » et « attend un ferme démenti du ministre » de l’Intérieur. Pour Unité-SGP police FO « les propositions de ce rapport sont scandaleuses ».
Décidément, il est toujours aussi difficile, dans notre pays, d’évoquer sereinement les combines, dérives ou bavures commises par une minorité de policiers, mais nous restons convaincus que la hiérarchie, elle aussi, aurait tout intérêt à les dénoncer. Sans aucun doute, l’amélioration des rapports entre les citoyens et la police passe par là.