Communiqué commun Ligue des droits de l’Homme (LDH) et Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH)
Après dix-sept années d’une enquête conçue pour justifier des conclusions définies a priori, le rapport d’expertise balistique demandé par les juges Poux et Trevidic confirme que l’enquête menée de Paris par le juge Bruguière n’était destinée qu’à justifier la politique de la France dans ce pays.
L’orientation de l’enquête défendue par le juge Bruguière attribuait au FPR, la rébellion à dominante Tutsi, dirigé par Paul Kagame, la responsabilité de l’attentat du 6 avril 1994 contre l’avion du président Juvenal Habyarimana. Cet attentat a déclenché un génocide soigneusement préparé qui, en trois mois, a provoqué la mort d’au moins huit cent mille Tutsi et de nombreux Hutu dont le Premier ministre, madame Agathe Uwilingiyimana..
L’accusation du FPR d’avoir enclenché une réaction de vengeance, contribuait, intentionnellement ou non, à débarrasser la France de toute erreur dans son soutien à un allié de longue date, le gouvernement rwandais. Il était ainsi suggéré que le rôle de la France avait été de s’interposer entre les deux factions engagées respectivement dans l’extermination de l’autre composante de la population : d’un côté Paul Kagame et le FPR, qui n’auraient pas hésité à risquer un génocide des leurs dans le but de s’accaparer le pouvoir, et de l’autre, le régime en place, qui s’engageait, au nom de la défense du pays contre une agression étrangère, dans un massacre systématique des Tutsi et des opposants Hutu.
Ainsi, la théorie du « double génocide » faisait de la France un arbitre et justifiait que les forces françaises, dans le cadre de l’opération Turquoise qualifiée d’ « humanitaire », n’aient pas reçu l’ordre de désarmer les troupes du gouvernement intérimaire rwandais qui commettait le génocide.
Les résultats de l’expertise balistique remettent radicalement en cause cette construction orientée de l’histoire.
Cette enquête doit donc se poursuivre jusqu’à son terme. Comme doit se poursuivre l’instruction menée contre certains membres des forces armées françaises, contre lesquelles une plainte a été déposée en raison de leur comportement durant l’opération Turquoise. La FIDH et la LDH seront attentives à ce que ces instructions se poursuivent en toute sérénité et dans des délais normaux, pour que toute la lumière soit faite et toutes les responsabilités établies dans des exactions que la Cour pénale internationale a justement qualifiées d’entreprise génocidaire.