Le 3 février 2022, le préfet de Mayotte a adopté, notamment au visa de l’article 197 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, un arrêté portant évacuation et destruction des constructions bâties illicitement au village de Combani, quartier de la Pompa, commune de Tsingoni.
L’article 197 de la loi susvisée dispose que « À Mayotte et en Guyane, lorsque des locaux ou installations édifiés sans droit ni titre constituent un habitat informel […] forment un ensemble homogène sur un ou plusieurs terrains d’assiette et présentent des risques graves pour la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publique, le représentant de l’Etat dans le département peut, par arrêté, ordonner aux occupants de ces locaux et installations d’évacuer les lieux et aux propriétaires de procéder à leur démolition à l’issue de l’évacuation. […] Un rapport motivé établi par les services chargés de l’hygiène et de la sécurité placés sous l’autorité du représentant de l’Etat dans le département et une proposition de relogement ou d’hébergement d’urgence adaptée à chaque occupant ».
Aux côtés d’un certain nombre d’occupants sans titre, la LDH, avec la Fasti et le Gisti, a introduit un recours en annulation, assorti d’un référé-suspension, à l’encontre dudit arrêté, le 3 mars 2022.
En outre, dans le cadre de cette instance, la LDH et ses partenaires associatifs ont soulevé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) auprès du tribunal administratif de Mayotte, le 13 octobre 2022, en se fondant notamment sur le fait que l’article 197 de la loi :
- est entaché d’incompétence négative en ce que le législateur s’est abstenu de définir la notion d’« ensemble homogène » qui conditionne pourtant la compétence attribuée au préfet par la loi ;
En l’absence de définition ou de limitation de la notion d’« ensemble homogène », le préfet est actuellement en situation d’ordonner l’évacuation et la démolition de quartiers entiers, sans qu’il soit certain qu’un tel pouvoir corresponde à l’intention du législateur. Dans de telles conditions, ce dernier n’a pas suffisamment encadré le pouvoir donné au préfet, alors même que son exercice affecte par définition le droit à la vie privée des personnes affectées, lesquelles se voient imposer de quitter leur logement.
- porte une atteinte disproportionnée au droit à la vie privée, en ce qu’il prévoit une procédure minimaliste en matière d’évacuation et de démolition des habitats informels, ne permettant pas de mettre en balance les exigences de l’ordre public et les droits et libertés constitutionnels des personnes concernées, plus particulièrement le droit au respect de la vie privée ;
- porte atteinte à la sauvegarde de la dignité humaine, à la vie privée et au principe de fraternité, en ce qu’il ne conditionne pas l’exécution d’office de l’obligation d’évacuer les lieux au respect de la nécessité de proposer à chaque occupant une proposition de relogement ou d’hébergement d’urgence adaptée.
A ce jour, la demande de transmission de la QPC au Conseil d’Etat demeure pendante auprès du tribunal administratif de Mayotte.