Depuis plusieurs années, la France s’est engagée dans un processus de brutalisation du maintien de l’ordre, s’appuyant sur une conception autoritaire de la gestion de l’ordre public. Cet usage disproportionné de la force entraîne de graves violations des droits et libertés, d’autant plus qu’il s’accompagne d’une hausse des violences commises par les forces de l’ordre dans le cadre de manifestations.
Sous couvert d’une doctrine de maintien de l’ordre toujours plus sécuritaire, dans la plupart des cas – et surtout en contexte de maintien de l’ordre – les enquêtes ne peuvent aboutir faute de pouvoir identifier les agents. Cette impunité reste malheureusement la règle et participe grandement à la perpétuation de ces violences intolérables de la part de celles et ceux qui, bénéficiant de la force publique, sont censés en faire usage pour protéger les citoyennes et les citoyens.
Pourtant, depuis de trop nombreuses années, de multiples instances tant au niveau national, européen, qu’international, et ce de manière récurrente, rappellent l’exigence d’identification visible des forces de l’ordre afin de s’assurer que les agents concernés puissent rendre compte de leurs actes.
Si, en théorie, un référentiel des identités et de l’organisation (RIO) a été mis en place et si son port a été rendu obligatoire par un arrêté de 2013 pour permettre l’identification de chaque agent des forces de l’ordre, on constate qu’en pratique celle-ci est toujours difficile, voire impossible. Parce qu’il est trop petit et souvent couvert – ou totalement masqué – en raison de l’équipement, la bonne visibilité de ce matricule n’est pas assurée. De surcroît, l’obligation de port n’est souvent pas respectée, et des ordres sont parfois donnés par la hiérarchie de ne pas le porter.
L’invisibilisation du RIO, et ainsi l’impunité des violences policières, est organisée au mépris du principe simple et incontestable proclamé à l’article 15 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 selon lequel “La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration”.
Pour mettre fin à cette situation incompatible avec l’Etat de droit, qui nuit à la confiance essentielle entre la population et sa police, l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT-France), la LDH (Ligue des droits de l’Homme), le Syndicat des avocats de France (Saf), le Syndicat de la magistrature (SM) saisissent ont introduit un recours auprès du Conseil d’Etat pour exiger la mise en place d’un matricule visible en toutes circonstances, lisible à plusieurs mètres et plus facilement mémorisable. Ils demandent que des instructions soient données aux forces de l’ordre pour en imposer le port, sous peine de sanction disciplinaire effective.
Cette mesure aura des effets concrets bénéfiques pour toutes et tous : identification systématique et responsabilité en cas de comportements illégaux, amélioration de la confiance par l’identification, baisse de la violation des droits et libertés par les forces de l’ordre rendues comptables, protection des droits et libertés des citoyennes et citoyens, et notamment de la liberté de manifester.