La LDH soutient le film documentaire “140 km à l’Ouest du paradis”, de Cécile Rouzet

Sortie en salle le 21 septembre 2021

Au cœur de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, les Highlands attirent les touristes avides d’exotisme et les firmes pétrolières étrangères. C’est là que se rassemblent chaque année des tribus payées pour danser. C’est aussi là, loin des regards, qu’une famille Huli et son clan ont cédé leurs terres à ExxonMobil en rêvant de modernité. Mais l’argent ne vient pas…

Pendant plus de dix ans, Céline Rouzet a multiplié les séjours en Papouasie-Nouvelle-Guinée parallèlement à la production de documentaires pour Radio France et d’enquêtes journalistiques, avant de passer derrière la caméra pour réaliser ce film, son premier long-métrage.

Elle explique qu’elle s’est intéressée à la Papouasie-Nouvelle-Guinée non pour des raisons ethnographiques mais afin de démontrer l’influence que nous avons sur ce monde-là, et cette colonisation qui perdure. Nous n’avons jamais cessé de détruire ce monde, de l’exploiter, de poser un regard biaisé dessus, d’aller le prendre en photo.

Ce qui donne toute sa force de dénonciation à ce film qui nous parle d’un impérialisme cynique et brutal, est précisément la sincérité et l’intégrité de la démarche de la réalisatrice qui nous fait aimer de l’intérieur les personnages qu’elle a filmés. Elle dit avoir vécu avec eux et cela se sent. Sa connaissance du pidgin qui est la langue véhiculaire de cette région du monde où 800 langues sont parlées, l’a aidée.

D’entrée de jeu, la tromperie nous est dévoilée. Le film commence par un beau plan de danse tribale qui exalte la beauté et la dignité des groupes en présence. Mais tout à coup, on change de point de vue et on se rend compte qu’on ne se trouve pas dans un sanctuaire avec les survivants d’un paradis perdu, mais sur un terrain vague clôturé, avec des gens qui tiennent des pancartes. Dessus, les noms et les numéros de leurs groupes. La présence des touristes qui filment et s’extasient fait ressentir l’invasion par les Occidentaux qui viennent capturer leur image mais détournent le regard sur ce qui se passe réellement à côté et qui s’impose, sur les plans suivants, sous la forme de torchères s’élevant dans un paysage de montagnes où se côtoient pauvres habitations indigènes et site d’une des plus puissantes compagnies américaine, ExxonMobil, qui exploite le gaz naturel de ces Highlands. La compagnie avait promis d’arroser la région de millions. Finalement l’argent n’est jamais arrivé dans la région et le film s’est centré sur l’attente et les promesses non tenues.

On voit ainsi de manière répétitive et désespérante, Homaï, le chef de la famille qui a hébergé la réalisatrice, se tenir aux portes des grilles qui ont été érigées autour du site pour réclamer l’argent promis ainsi que ses vaines tentatives pour atteindre le patron occidental inaccessible.  Les employés blancs d’ExxonMobil ne se déplacent qu’en convois avec des vitres grillagées.

L’argent n’est pas tombé mais l’environnement a été bouleversé ; non seulement l’environnement naturel mais également et surtout, c’est toute une culture, tout un mode de vie, une façon de se tenir en équilibre dans le monde, qui a été saccagé. Ainsi, plane au-dessus du film la présence fantomatique de Tony, fils aîné, disparu, de la famille. Sa trajectoire, apprend-on, est symptomatique de ce qui arrive aux chefs instruits. Ils quittent le village et passent beaucoup de temps à la capitale qui les corrompt. Tony a tenté d’être le médiateur entre sa tribu et le monde occidental. Mais tout dialogue semble impossible avec cette firme. Les habitants n’ont pas accès à ExxonMobil si ce n’est par le biais de porte-paroles qui ne s’adressent à eux que juchés sur des tribunes, séparées par des barbelés. Le film, en nous laissant à l’extérieur des barbelés, nous fait ressentir cette frustration. Les discours tenus des tribunes font miroiter des promesses jamais tenues et peser sur les tribus elles-même la responsabilité de cet échec. D’où une dépréciation d’eux-mêmes qui a pour corollaire une forme de résignation.

Expropriation, démantèlement des tribus, destruction de cultures ancestrales, abus de confiance : la liste est longue des méfaits commis par le groupe ExxonMobil. Et tout cela pour notre confort d’Occidentaux !

140 km à l’Ouest du paradis
Réalisation : Cécile Rouzet
France, 2020, 1h26

Communiqués de la LDH

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *