Droits des Palestiniens : dans un amalgame dangereux, le gouvernement américain confond boycott et antisémitisme

Communiqué de l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme

Le 19 novembre dernier, le secrétaire d’État américain a annoncé que toute organisation qui recourt à des moyens pacifiques, notamment au boycott, pour dénoncer les violations des droits humains à l’encontre des Palestiniens serait désignée comme «antisémite» et inéligible aux financements gouvernementaux. L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’homme (FIDH-OMCT), le Center for Constitutional Rights (CCR), Al Haq et Al Mezan Center for Prisoners Rights dénoncent cette équivalence erronée et diffamatoire entre le combat pacifique pour le droit à l’autodétermination des Palestiniens et l’antisémitisme. Elles appellent le Département d’État à changer de politique et à s’abstenir de telles allégations à l’encontre des organisations de défense des droits des Palestiniens, et des droits humains en général.

Des ONG internationales tout comme des mouvements de défense des droits des Palestiniens, depuis longtemps cibles du lobby pro-israélien, sont désormais dans la ligne de mire du Département d’État américain au nom de leur participation et de leur soutien à la campagne Boycott, Désinvestissment, Sanctions (BDS), notamment à travers la diffusion de la liste établie par les Nations Unies des entreprises qui font des affaires avec les colonies israéliennes en Cisjordanie. Loin de chercher à combattre les vrais cas d’antisémitisme, le ciblage des associations de soutien aux droits des Palestiniens n’est qu’une tentative supplémentaire de l’administration Trump pour faire taire les défenseurs des droits humains, aux États-Unis comme ailleurs, dont la méthodologie pourrait être répliquée dans d’autres pays.

Les organisations de défense des droits humains qui pourraient être rattrapées par ces accusations calomnieuses utilisent des moyens pacifiques pour dénoncer les violations et les abus dont se rendent coupables des gouvernements – et pas seulement celui d’Israël – grâce à des faits, des témoignages et dans le cadre de mécanismes internationalement reconnus. Cette déclaration du Secrétaire d’État est une attaque caractérisée contre l’universalité des droits humains parce qu’elle vise la liberté d’expression d’organisations et de défenseurs des droits humains renommés qui s’efforcent de tenir Israël pour responsable de ses violations continues des principes fondamentaux du droit international.

Cette dernière mesure fait suite à des actions antérieures telles que le décret malencontreux de Trump inspiré par la définition de travail de l’antisémitisme établie par l’IHRA (Alliance Internationale pour le Souvenir de l’Holocauste) – qui cherche à étouffer tout activisme ou expression publique sur la liberté et les droits des Palestiniens, et toute critique de la politique de l’État d’Israël – et l’adoption de cette même définition par le Département d’État américain en 2016, considérée comme inappropriée par les associations de défense des droits des Palestiniens qui la considère comme une définition politique. Ces différentes mesures constituent non seulement une attaque contre les droits des Palestiniens mais aussi contre toux ceux, organisations et défenseurs, qui militent aux États-Unis et partout dans le monde en solidarité avec les Palestiniens.

« Cette déclaration inquiétante est une attaque directe contre la liberté d’expression et d’association, et une attaque violente contre le droit de défendre les droits humains », estime Alice Mogwe, présidente de la FIDH. « Nous exprimons notre profonde solidarité avec nos collègues et tous les autres défenseurs des droits humains ciblés par ces accusations infondées et réaffirmons par la même occasion, notre soutien à la réalisation des droits du peuple palestinien qui reste protégé par les lois et les conventions internationales. »

Les colonies israéliennes des Territoires Palestiniens Occupés (TPO), dont Jérusalem- Est, sont illégales au regard du droit international et portent atteinte aux droits humains des Palestiniens. C’est pour cette raison que les organisations de défense des droits humains en Palestine mais aussi dans le monde entier, dénoncent la commercialisation des produits des colonies à la suite d’un appel lancé par la société civile palestinienne à soutenir la campagne internationale BDS pour mettre fin à la colonisation, à l’occupation israélienne et à l’apartheid contre les Palestiniens. Les Nations Unies restent saisies de cette question et en février 2020, le Haut Commissariat aux Droits de l’Homme a établi une liste qui identifie 112 entreprises impliquées dans une quelconque activité avec les colonies des Territoires Occupés.

Le mouvement BDS est non-violent et le boycott est un moyen d’expression pacifique. Pourtant, les organisations de défenses des droits humains, les militants anti-occupation et les groupes de la société civile palestinienne sont accusés depuis longtemps d’antisémitisme pour leur soutien au boycott. Cette dernière initiative, apparemment lancée contre des organisations plus importantes, n’arrive donc pas par hasard mais fait partie d’un effort concerté pour faire taire les critiques sur les crimes d’Israël.

Comparer l’antisémitisme à la campagne BDS est sans fondements, incorrect et intentionnellemnt diffamatoire : l’antisémitisme désigne la discrimination visant le peuple juif au nom de son identité ethnique et religieuse et, comme toute haine, doit être combattu sous toutes ses formes. Le mouvement BDS proteste contre les politiques et les actions d’un État, et non contre son peuple. Ce genre de contestation est en droite ligne avec la liberté d’expression et d’association, comme l’Union européenne l’a déjà rappelé. En effet, la Cour européenne des droits de l’homme a récemment reconnu que les appels au boycott relèvent du droit à la liberté d’expression et distingue clairement les actions et déclarations concernant des sujets d’intérêt général – c’est-à-dire le respect du droit international par l’État d’Israël et la situation des droits humains dans les TPO – du discours politique, de l’incitation à la haine, à la violence et à l’intolérance. Cette conclusion reflète la position du Bureau international de la FIDH, qui a formellement reconnu et réaffirmé le droit des individus à participer pacifiquement et a appelé à soutenir BDS pour protester contre les politiques d’occupation et de discrimination du gouvernement israélien en 2016.

« L’administratiom Trump confond à tort la critique légitime de la politique israélienne et l’antisémistime. Malheureusement, cela complique beaucoup le travail sur les droits humains essentiels. Le droit international relatif aux droits humains garantit les droits et la liberté d’expression de tous, Palestiniens comme Israéliens », ajoute Gerald Staberock, secrétaire général de l’OMCT.

Cette décision du Département d’État fait écho à d’autres violations par l’administration américaine du droit international, notamment en Palestine. Depuis le déménagement de l’ambassade américaine à Jérusalem à la fermeture des bureaux diplomatiques palestiniens aux États-Unis, de la reconnaissance du plateau du Golan comme partie intégrante d’Israël à la tentative d’effacer la ligne verte en étendant les accords scientifiques aux colonies illégales, l’administration Trump a mené une campagne de longue haleine pour légitimer l’occupation israélienne et l’annexion de facto des territoires palestiniens.

En outre, l’administration Trump n’a cessé d’attaquer les organisations internationales en se retirant de l’Unesco, en suspendant sa contribution à l’Unrwa (United Nations Relief and Works Agency)et en annonçant des sanctions contre la procureure de la Cour pénale internationale en représailles de son enquête sur les crimes commis par les Israéliens en Palestine.

Si l’administration Trump ne fait pas marche arrière, nous demandons à la nouvelle administration Biden de le faire sans délai.

Paris-Genève, 26 novembre 2020

L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme : (L’Observatoire) a été créé en 1997 par la FIDH et l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT). L’objectif de ce programme est de prévenir ou de combattre toute forme de répression contre les défenseurs des droits humains. La FIDH et l’OMCT sont membres du programme européen, ProtectDefenders.eu, le mécanisme communautaire pour les défenseurs des droits humains mis en place par la société civile internationale.

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