Comme l’ont déclaré les acteurs de la société civile et le Parlement européen, les décisions du Conseil concernant le budget pluriannuel de l’UE ne sont pas acceptables. La mobilisation et les discussions
institutionnelles à venir doivent remédier à ses insuffisances et à ses mauvaises orientations.
Au lendemain de la réunion du Conseil, de nombreux chefs d’État ont fait état de “résultats” qui sont en fait leurs souhaits lorsqu’ils n’ont pas fait d’annonces trompeuses qui ne correspondent pas vraiment aux faits.
Pour nous, “un avenir différent du passé” après l’énorme choc de la Covid‐19 signifie une approche de solidarité généralisée pour s’attaquer à la désagrégation exacerbée pour l’accès effectif aux droits fondamentaux que la crise a produite. Au lieu de cela, nous avons entendu plus que jamais des chefs d’État faire des déclarations cyniques, provocantes ou d’autojustifications.
Par exemple, rappelons que les dirigeants hongrois et polonais ont crié victoire parce que les fonds européens seraient versés même en cas de non‐respect de l’État de droit. Ne devrions‐nous pas plutôt les
entendre se vanter que nulle part dans l’UE l’État de droit est violé ?
De même, le dirigeant néerlandais a crié victoire pour la réduction des subventions aux pays qui souffrent le plus des effets de la pandémie, parce qu’à son avis les subventions ne devraient pas aller à l’Italie, un pays dont il ne croit pas à la capacité de réforme. Une approche européenne aurait été de revendiquer une victoire pour avoir agréé le plus grand financement possible pour faire face à la plus importante crise vécue.
Un message essentiel pour le président français a été que certains des objectifs qu’il avait mis en avant lors d’un discours à la Sorbonne en septembre 2017 trouvaient écho dans les résultats de la réunion. Non seulement cela est discutable, mais il aurait été plus utile d’entendre des opinions sur la manière de faire
face aux conséquences de la réduction décidée des subventions disponibles.
De tels discours sont autant de messages désastreux envoyés aux citoyens de l’Union européenne qui ont participé en si grand nombre aux élections de 2019, montrant ainsi leur attachement à un avenir européen partagé.
La proposition de budget pluriannuel du Conseil européen ne répond pas aux défis du moment
Au‐delà d’un comportement inquiétant des dirigeants qu’on attendrait plutôt à se concentrer sur le bien commun européen lorsqu’ils entrent dans les réunions du Conseil, les décisions pris apportent de mauvaises nouvelles. Mentionnons‐en quelques‐unes, parmi les plus importantes.
De nombreuses stratégies et politiques prioritaires qui sont emblématiques des ambitions de l’UE au‐delà de son strict mandat économique, financier et monétaire voient leur budget baisser : transition écologique et biodiversité, lutte contre le changement climatique, santé, éducation, égalité femmes‐hommes,
innovation numérique, asile et immigration, aide humanitaire, démocratie et valeurs fondamentales.
De nombreux programmes importants seront réduits ou laissés avec un budget insuffisant : “Erasmus” qui est un programme phare pour la construction d’une jeunesse européenne tournée vers l’amitié ; le
programme “droits et valeurs” qui vise à soutenir les défenseurs de la société civile des valeurs humanistes européennes revendiquées ; “NDICI” qui est le bras de la solidarité internationale et du développement pour le soutien de l’UE aux pays en développement ; le programme “Europe créative” qui soutient la culture et les médias ; les programmes de recherche qui visent à soutenir l’innovation et la construction des connaissances ; le programme “EU4Health” qui a été présenté comme l’approche commune d’un bouclier sanitaire européen partagé.
Nous voyons un cimetière complet d’ambitions abandonnées qui couvrent des secteurs clés pour d’une Europe en commun. Il est frappant de constater que cela peut se décider dans le cadre d’une réunion du Conseil européen, derrière des portes fermées, sans donner lieu à un débat public préalable.
Un autre sujet de préoccupation est de constater qu’à ce niveau de moyens, le budget européen pour faire face aux conséquences de la crise apparait comme un simple complément à la politique monétaire menée par la Banque centrale européenne, et non comme l’essentiel pour répondre aux défis des dégâts de la crise.
Même pour l’Italie, principal bénéficiaire de ces fonds, les 81 milliards d’euros de la composante “dons” correspondent à un financement direct de 1,5 % de son PIB pour une période de trois ans, durée bien limitée si l’on considère le temps nécessaire pour sortir de la crise.
Les partisans de l’accord nous demandent de construire notre opinion sur l’avancée qu’est l’émission d’une dette commune européenne. C’est en effet une réalité. Mais l’absence de précision quant aux modalités de son remboursement laisse ouverte l’inquiétante perspective de devoir utiliser les futurs budgets
pluriannuels ordinaires pour le faire.
Et enfin, comment ne pas revenir sur la question de l’État de droit, problème qui ne devrait pas exister dans
la réalité de l’Union européenne. Pourtant, dans la réalité, nous avons des pays où l’État de droit est attaqué et où les acteurs civiques doivent continument mobiliser contre des violations. L’attente était forte pour que le Conseil européen décide le lier le versement des fonds de l’UE au respect de l’État de droit. Un
mandat imprécis a été donné à la Commission pour maintenant concevoir des conditions aux déboursements, ce qui n’incite pas à l’optimisme. Ainsi, le message donné aux citoyens est que le respect
des droits et des valeurs n’est pas une condition préalable à un accord sur les dépenses du budget européen.
Le Forum Civique Européen considère que les décisions adoptées par le Conseil pour le cadre financier pluriannuel et NGUE sont globalement inacceptables. Elles ne reflètent pas les attentes des citoyens que la crise a suscité, elle n’est pas propice à la consolidation d’une citoyenneté européenne reposant sur
d’avantage de commun dans l’UE.
La déclaration votée par le Parlement européen met en avant les enjeux cruciaux.
Il est habituel de voir la société civile demander le soutien des institutions dans le cadre des combats qu’elle mène. Mais lorsque c’est le Parlement européen qui interpelle sur des questions centrales et précises en matière de démocratie, d’inclusion européenne et des valeurs fondamentales, la société civile
démocratique a toutes les raisons de cheminer de conserve.
Le 23 juillet, le Parlement européen a voté une très importante résolution sur les décisions du Conseil européen. Après avoir caractérisé la mise en place du fonds de relance comme une étape historique, le mot qu’il utilise le plus est “déplorer”.
Le Parlement européen déplore la priorité donnée aux intérêts nationaux et à la méthode intergouvernementale ; la réduction des ressources ; l’exclusion du Parlement (la seule institution
directement élue) de la gestion de l’accord ; l’absence du respect des valeurs fondamentales de l’UE comme condition pour l’accède aux financements européens; les rabais sur les contributions accordés à
certains États ; la réduction des financements pour les priorités stratégiques et des programmes fondamentaux.
Le FCE se félicite vivement de la résolution du Parlement européen qui converge avec notre approche des questions en jeu pour le budget européen, et qui dit clairement des vérités sur les débats et les décisions du Conseil européen.
Nous soutenons la volonté exprimée par le Parlement européen d’obtenir la pleine reconnaissance de son rôle dans l’architecture institutionnelle de l’UE, et en l’occurrence pour son droit d’améliorer l’accord agréé au Conseil européen avant qu’il ne vote une approbation.
La voix de la société civile démocratique et des acteurs sociaux doit se faire entendre avec force en ce moment délicat et important. Les étapes institutionnelles qui viennent avant l’adoption du budget donnent encore une marge de manœuvre pour une meilleure direction, pour plus de solidarité et plus d’inclusion. Mais le temps presse, agissons ensemble !
Le 24 juillet 2020
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