Communiqué commun
Le tribunal administratif donne raison aux associations
Dès la mise en place de la réforme de 2015 déléguant à l’Ofii l’accueil des demandeurs et demandeuses d’asile et instaurant le passage obligatoire par les structures de premier accueil (Spadas), des associations ont dénoncé – devant le tribunal administratif (TA) de Paris – le fait qu’en Île-de-France des centaines de personnes étaient mises dans l’impossibilité d’enregistrer leur demande dans le délai légal de trois jours (exceptionnellement dix jours), délai impératif pour les préfectures.
Après de nombreuses requêtes individuelles, plus de 135 condamnations du préfet.
Après plusieurs requêtes portées par un réseau d’associations, 3 condamnations dont une condamnant le principe même de l’organisation de ce système (voir l’historique ci-dessous).
Toutes ces décisions, qui condamnent la préfecture de Paris ou les préfectures d’Île-de-France pour atteinte grave et manifestement illégale au droit de demander l’asile, confirment que les dysfonctionnements constatés ne sont en rien la conséquence d’un « afflux massif » et imprévisible de demandes d’asile. En laissant s’installer la pénurie, par le biais d’une sous-traitance insuffisamment équipée et l’instauration de quotas de rendez-vous, les pouvoirs publics assument une politique de maltraitance des demandeurs et demandeuses d’asile.
Cette maltraitance institutionnelle a aujourd’hui franchi un nouveau palier, avec une situation totalement inédite : prenant prétexte de l’épidémie du COVID-19, les services préfectoraux ont progressivement été fermés et l’Ofii a annoncé le 22 mars 2020 qu’il suspendait l’accès à sa plateforme téléphonique, empêchant désormais tout dépôt de demande d’asile en Île-de-France et, par voie de conséquence, toute prise en charge de ceux et celles qu’il lui revient de protéger.
C’est pourquoi le 15 avril, sept organisations et sept demandeurs et demandeuses d’asile ont déposé devant le tribunal administratif de Paris un référé-liberté pour contester cette suspension unilatérale de l’enregistrement des demandes d’asile, sans décision préalable, et exiger sa reprise, la délivrance d’attestations de demande d’asile et, enfin, l’ouverture des droits aux conditions matérielles d’accueil des personnes sollicitant l’asile (notamment l’hébergement et l’allocation).
Hier, le TA de Paris a décidé que le droit d’asile primait et que les autorités mises en cause devaient respecter leurs obligations à l’égard des demandeurs et demandeuses d’asile dans les délais. En effet, il a jugé que le décret du 23 mars 2020 n’avait ni pour objet ni pour effet de permettre aux préfectures de suspendre l’enregistrement des demandes d’asile mais qu’elles devaient au contraire mettre en place les mesures d’hygiène et de distanciation sociale prescrites. La préfecture a cinq jours pour rétablir le système et l’Ofii doit réouvrir la plate-forme téléphonique sans délai.
Mais que se passera t-il demain ? Peut-on espérer voir le ministère de l’Intérieur, les préfectures et l’Ofii se conformer à la décision du juge ? On a toutes les raisons d’en douter…
Si cette décision est ignorée une nouvelle fois, nous continuerons sans relâche à nous battre pour que les personnes en attente de protection puissent faire valoir leurs droits !
Paris, le 22 avril 2020
Signataires : Acat, Ardhis, Droits d’urgence, Gisti, Kâlî, LDH, Utopia 56
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Historique des condamnations
Dès la mise en place de la réforme de 2015 déléguant à l’Ofii l’accueil des demandeurs et demandeuses d’asile et instaurant le passage obligatoire par les structures de premier accueil (Spadas), des associations ont dénoncé – devant le TA de Paris – le fait qu’en Île-de-France des centaines de personnes étaient mises dans l’impossibilité d’enregistrer leur demande dans le délai légal de trois jours (exceptionnellement dix jours), délai impératif pour les préfectures.
Après de nombreuses requêtes individuelles, plus de 135 condamnations.
En février 2016, au vu de l’allongement des délais – plusieurs semaines, voire plusieurs mois – imposés à Paris pour faire enregistrer une demande d’asile, ces associations ont saisi le TA. Celui-ci a annulé la décision du préfet de police limitant à cinquante le nombre de rendez-vous quotidiens, ce qui ne permet pas de respecter les délais prévus par les textes.
Le préfet avait trois mois pour revoir son organisation et respecter les délais.
Après la mise en place, en mai 2018, de la plateforme téléphonique gérée par l’Ofii, nouvelle étape supplémentaire pour l’enregistrement des demandes d’asile en IDF, une requête en référé-liberté a été déposée en février 2019 pour qu’il soit enjoint à l’administration de prendre les mesures propres à permettre un accès normal à cette plateforme. Le TA a reconnu que de très nombreuses personnes n’obtenaient pas de réponse de l’Ofii malgré leurs essais répétés et a ordonné à l’administration de renforcer ce dispositif d’accueil en adaptant le nombre d’agents au volume des appels entrants.
Le juge a constaté son fonctionnement défectueux.
Ces mesures n’ayant toujours produit aucun effet, un nouveau référé-liberté a été déposé en novembre 2019. Sur la base de l’ordonnance du juge, le préfet a dû augmenter le nombre de rendez-vous fixés au GUDA (passé de 81 à 100) et l’Ofii a été sommé de reprendre la négociation avec l’ARCEP afin de mettre en place la gratuité effective des appels vers sa plateforme.
Le TA a reconnu une atteinte grave et manifestement illégale au droit de demander l’asile