Communiqué commun
Le Conseil Constitutionnel vient de déclarer le fichage biométrique des mineur-e-s isolé-e-s conforme à la Constitution, entérinant ainsi un système qui fait primer la lutte contre l’immigration irrégulière sur la protection de l’enfance. Nos 22 organisations restent extrêmement inquiètes de l’impact dévastateur qu’a le fichage biométrique sur ces jeunes déjà très vulnérables. Nous en appelons désormais aux départements afin qu’ils s’opposent à sa mise en place.
Le Conseil Constitutionnel était saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée par nos 22 organisations au sujet de l’article 51 de la loi « asile et immigration » portant création du fichier biométrique d’appui à l’évaluation des mineur-e-s non accompagné-e-s
La décision prise aujourd’hui par le Conseil Constitutionnel entérine de façon dramatique le fichage biométrique de jeunes déjà très vulnérables, arrivés en France à l’issue d’un parcours migratoire chaotique et souvent traumatique. D’une part, elle risque d’entrainer l’augmentation du nombre de mineur-e-s vivant dans la rue, sans repères, sans ressources, privé-e-s d’accès à l’hébergement, à la santé et à l’éducation. Livré-e-s à eux-mêmes et sans protection ils et elles seront d’autant plus exposé-e-s aux risques d’exploitation. En dissuadant ces jeunes de solliciter les services de protection de l’enfance, la loi contestée a bâti un système qui vise à rendre leur présence et leur situation invisibles.
Nos associations appellent les départements à assumer leur rôle de garants de la protection de l’enfance en s’opposant à la mise en place du fichage biométrique.
Le système découlant de l’article 51 de la loi « asile immigration » est en effet inacceptable :
- Dans plusieurs départements, les enfants et adolescents ne sont plus accueillis provisoirement lorsqu’ils se présentent auprès des services de protection.
- Le risque d’erreur d’appréciation dans l’évaluation de la minorité des individus est accru par la consultation de données peu fiables contenues dans d’autres fichiers [1].
- Le nouveau système, facultatif pour les départements, contribue à rendre les évaluations très disparates et aléatoires d’un département à un autre.
- Les mineur∙e∙s hésitent à demander une protection lorsque le premier échange se fait dans un commissariat ou une préfecture, notamment lorsqu’ils ou elles ont pu être victimes de violences de la part d’autorités sur leurs parcours migratoires.
- La possibilité est donnée aux préfectures d’expulser plus rapidement des jeunes en se fondant sur une simple décision administrative prise par un département, sans qu’il leur soit possible d’exercer un recours effectif devant le Juge des enfants.
La mobilisation de nos 22 associations a toutefois permis d’amener le Conseil Constitutionnel à rappeler qu’un jeune ne doit pas être considéré comme majeur au seul motif qu’il refuse de se faire recenser dans le fichier biométrique. Cette seule garantie ne répond cependant pas à nos inquiétudes de fond sur le sort et le devenir des mineur.e.s non accompagnés. Pis, cette inquiétude est accrue par le fait que le Conseil Constitutionnel indique que le législateur a poursuivi un objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre l’immigration irrégulière. En ne se prononçant pas sur la présomption de minorité, le Conseil Constitutionnel laisse ainsi le soin au Conseil d’État de prendre une décision à ce sujet dans le cadre du recours en annulation porté par nos associations
En jugeant un tel système conforme à la Constitution, le Conseil Constitutionnel revoit à la baisse, de manière inconcevable, les exigences de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant, qu’il avait pourtant clairement énoncées en mars 2019 [2]. Nos associations rappellent que la France doit respecter ses obligations en matière de protection de l’enfance [3]. Elles restent mobilisées et attendent désormais que le Conseil d’État se prononce sur le recours en annulation qu’elles ont porté contre le décret portant création du fichier.
[1] VISABIO (système d’information sur les visas, base de données biométriques à l’échelle européenne sur les demandeurs de visas) et AGDREF2 (Application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France).
[2] « Les règles relatives à la détermination de l’âge d’un individu doivent être entourées des garanties nécessaires afin que des personnes mineures ne soient pas indûment considérées comme majeures. ». Voir décision n° 2018-768 QPC du 21 mars 2019 précitée
[3] Convention internationale relative aux droits de l’enfant.
Paris, le 26 juillet 2019
Signataires : Avocats pour la défense des droits des étrangers ; Association nationale des assistants de service social ; Armée du salut ; Cnape ; DEI-France ; Fédération des acteurs de solidarité ; fasti ; FEHAP ; Fédération entraide protestante ; Gisti, groupe d’information et de soutien des immigré-e-s ; Hors la rue ; La Cimade ; Ligue des droits de l’Homme ; Médecins du monde ; Médecins sans frontières ; Mrap ; Secours Catholique ; Union syndicale Solidaires ; Syndicat de la magistrature ; Syndicat des avocats de France ; Uniopss ; Unicef – France