Communiqué de presse de ECRF, ANKH, CIHRS avec le soutien d’EuroMed Rights, la FIDH et la LDH suite à une conférence de presse qui s’est tenue au siège de la LDH le 1er juillet 2019
Lundi 1er juillet, à l’initiative de l’Egyptian Commission for Rights and Freedoms (ECRF), ANKH (Arab Network for Knowledge about Human rights), Cairo Institute for Human Rights Studies (CIHRS) et avec le soutien d’EuroMed Rights, la Fédération Internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et la Ligue des droits de l’Homme (LDH), s’est tenue une conférence de presse au siège de la LDH pour réclamer la libération immédiate de l’activiste transsexuelle égyptienne Malak El-Kashif.
La conférence s’est tenue en présence de Chloé Rassemont Villain, militante transidenditaire et ancienne détenue, Dalia Alfaghal, militante LGBT égyptienne, Leslie Piquemal, responsable du plaidoyer du Cairo Institute for Human Rights Studies à Bruxelles et sous la modération de Michel Tubiana, président d’honneur de la LDH.
Les différents intervenants sont revenus sur la situation de Malak Al-Kashif, activiste égyptienne transsexuelle de 19 ans arrêtée pour avoir critiqué le régime sur Facebook. Depuis le 6 mars, elle a été emprisonnée, torturée et discriminée à la fois pour son identité de genre et ses opinions politiques.
Chloé Rassemont Villain est revenue sur son parcours en tant que première personne à se déclarer trans-identitaire en prison et à demander l’opération, à obtenir derrière les murs un traitement hormonal, à changer de prénom, à obtenir d’entrer dans le protocole pluridisciplinaire, et à être unie devant le maire a un homme. Elle a détaillé les différents abus et humiliations qu’elle a subis pendant ses 16 ans de détention de la part de l’administration pénitentiaire, notamment en devant s’opérer elle-même. Suite à ces expériences traumatiques, sa situation a entraîné la mobilisation du Contrôleur général des lieux de privation de liberté et du Comité contre la torture des Nations unies. Ce dernier a d’ailleurs adressé un message à la France indiquant que le traitement subi par Cholé Rassemont Villain en détention s’apparente à de la torture. Depuis sa sortie en 2014, et malgré plusieurs interventions auprès de différents parlementaires, la France ne s’est jamais excusé pour la manière dont Chloé Rassemont Villain a été traitée.
Après ce témoignage, Dalia Elgarghal a apporté des précisions sur le cas de Malak El-Kashif. Cette militante transexuelle et défenseure des droits humains est détenue en cellule d’isolement dans une prison pour hommes depuis plus de 120 jours. Elle est accusée de « soutenir une organisation terroriste » et de « mauvais usage des réseaux sociaux afin de commettre un crime », pour avoir créé un événement sur Facebook réclamant que le gouvernement égyptien soit tenu responsable du mauvais état des infrastructures et de la mauvaise gestion d’un accident de train ayant entraîné la mort de 25 personnes. Dalia Elfarghal est revenue sur les conditions de détention de Malak El-Kashif, qui a subi des examens anaux forcés, est privée d’accès à ses traitements médicaux dans le cadre de sa transition et même pour son diabète. Elle a commis une tentative de suicide en raison de ses conditions de détention. Dalia Elfarghal a insisté sur le fait que Malak El-Kashif subit une double peine, l’une pour avoir exprimé pacifiquement son opinion, l’autre pour être ouvertement une femme transsexuelle.
Leslie Piquemal, quant à elle, a replacé le cas de Malak El-Kashif dans une perspective plus globale de répression généralisée du régime égyptien contre les défenseurs des droits humains. Elle a relaté que les violations contre les défenseurs des droits humains – ainsi que les journalistes et dissidents politiques pacifiques – se sont fortement aggravées ces trois dernières années, et ciblent particulièrement les défenseurs et organisant travaillant sur les cas de torture et de disparitions forcées. Dans ce type de cas, les personnes sont fréquemment d’abord victimes de disparition forcée avant de réapparaitre plus tard en détention préventive, accusées de crimes graves. La disparition forcée dans ces cas, est presque toujours associée à l’usage de la torture ou au minimum de la violence physique et psychologique.
Selon Leslie Piquemal, le cas de Malak El-Kashif est révélateur de l’usage systématique de la torture par le régime égyptien tel que dénoncé par le rapport annuel 2017 du Comité contre la torture de l’ONU. Selon Human Rights Watch, ces pratiques pourraient même constituer des crimes contre l’humanité.
Pour terminer, Leslie Piquemal a souligné que le cas de Malak El-Kashif reflète les conditions dramatiques de détention dans les prisons égyptiennes. La mise en isolement prolongé s’apparente à une torture psychologique selon Amnesty International, et de nombreuses personnes sont récemment décédées dans les prisons égyptiennes suite au manque d’accès aux soins. L’exemple le plus emblématique est le cas de l’ancien président Mohamed Morsi.
En clôture de la conférence, Michel Tubiana a insisté sur le fait que l’Egypte est aujourd’hui l’un des pays les plus sinistrés de la région en matière de défense des droits de l’Homme, sous couvert de lutte contre le terrorisme notamment. Cette situation doit nous interpeller en France à double titre : nous sommes l’un des principaux fournisseurs d’armes de l’Egypte depuis longtemps, notamment d’armes qui servent à réprimer des manifestations. Nous avons également un devoir de soutien envers les militants égyptiens qui viennent demander l’asile en France, dans des conditions difficiles, et l’ensemble du mouvement de défense des droits humains français se met à disposition des militants égyptiens pour soutenir leur action.
Tous les intervenants se joignent ainsi à la campagne internationale pour obtenir la libération de Malak El-Kashif, et exigent des autorités françaises qu’elles fassent pression sur le régime égyptien à cet effet. De plus, tous les intervenants s’accordent à dire que la défense des droits humains devait être placée en priorité dans le cadre des relations bilatérales entre la France et l’Egypte.
En outre, la lettre ouverte signée par une trentaine d’organisations internationales et adressée à de nombreux parlementaires européens, parlementaires de plusieurs pays européens et rapporteurs spéciaux de l’ONU, afin de faire pression sur les autorités égyptiennes pour obtenir la libération de Malak El-Kashif, a été distribuée aux personnes présentes à la conférence de presse.
Paris le 01/07/2019