La LDH soutient le film « A thousand girls like me », de Sahra Mani

Sortie le 6 mars 2019

Ce film documentaire, réalisé sur une période de trois ans, raconte l’histoire de Khatera, 23 ans, violée et battue par son père depuis son plus jeune âge. Il est le père de sa fille et de son enfant à naître. Khatera a signalé ces viols incestueux répétés auprès des chefs religieux. Douze lui ont recommandé de s’en remettre à Dieu et de prier. Le treizième mollah lui a conseillé de raconter son histoire à la télévision. Cette confession devant des millions de téléspectateurs provoque un séisme auprès des autorités politiques. Face à Khatera, c’est tout un pays qui se lève. Après avoir reçu des menaces de mort, elle est obligée de se cacher, de déménager régulièrement avec sa mère et sa fille. Déterminée à faire valoir ses droits, elle brandit la parole contre le système judiciaire corrompu de l’Afghanistan pour faire traduire son père en justice. Comment porter plainte et être entendue lorsque ledit père – une personne connue publiquement – soudoie la police pour étouffer la vérité ? Comment prouver aux juges qu’elle n’a jamais consenti, qu’il y a eu viol ?

Il y a une histoire double racontée dans ce puissant documentaire : d’une part, l’horreur absolue vécue par Khatera, violée durant toute son enfance devant sa mère impuissante à arrêter cet homme brutal, et de l’autre les réactions des frères, des oncles devant la médiatisation d’une situation qui aurait dû demeurer secrète. C’est bien pour cela qu’on en veut tant à la jeune femme. Comme le dit un de ses frères : elle a sali l’honneur familial parce que le scandale s’est répercuté sur les médias sociaux et les hommes portent la honte que seule devait supporter la victime. C’est ici que réside le véritable crime dans la société afghane : un outrage au droit patriarcal.

Ce film coup de poing livre au jour le jour le combat d’une femme d’exception. Khatera sort de son statut de victime pour faire entendre sa parole, obliger à ce qu’on l’écoute.

Et le choix de la réalisatrice de suivre Khatera dans le quotidien de sa vie dans la banlieue pauvre de Kaboul, nous fait percevoir le courage, la volonté, la résilience de cette jeune femme confrontée à l’opprobre et au danger de mort du fait même qu’elle a osé sortir du silence. Khatera est en lutte perpétuelle. Et la cinéaste, afghane revenue à Kaboul après avoir suivi des études de cinéma à Londres, va se révéler un soutien indéfectible dans cette lutte. C’est elle qui prend contact avec Khatera après avoir entendu sa confession à la télévision et c’est Khatera qui revient vers elle, lui demandant de filmer son histoire. C’est alors le début d’une relation qui, petit à petit, donnera
naissance à ce film hors du commun. La réalisatrice explique que le fait de partager l’intimité et la lutte de Khatera les a beaucoup rapprochées : « J’ai découvert à travers son témoignage combien il était important de transmettre son histoire personnelle pour permettre à des milliers de femmes qui traversent les mêmes épreuves de prendre conscience qu’elles ne sont pas seules et les encourager ainsi à prendre la parole ».

Cela se passe en Afghanistan, dans un système patriarcal millénaire où la femme est soumise à l’homme, père, frère, mari, oncle, mollah… Et bien que la constitution moderne garantisse, sur papier uniquement, les droits des femmes, en réalité c’est le droit tribal, pré-coranique, qui prime,
renforcé par les deux véritables axes de pouvoir dans ce pays, à savoir les Talibans
et un Islam rigoriste, religion d’Etat. Un pays où les femmes demeurent parmi les plus illettrées de la planète, souffrent en masse de violences extrêmes quotidiennes.

Pourtant, un film comme celui-ci montre que des évolutions sont possibles : sous la pression des ONG, des institutions et des opinions publiques internationales, un nombre important de jeunes filles des villes ont pu profiter de la nouvelle offre éducative et médiatique pour commencer à se révolter, ce que fait Khatera.

Certes, cela se passe en Afghanistan, mais ce que nous fait percevoir ce film c’est que la prison mentale qui enserre les victimes est la même partout, cette prison qui empêche la parole de se dire, et ce d’autant plus que, quand elle se dit, elle n’est pas entendue. Ce film fait aussi comprendre que des femmes qui ont subi de tels calvaires puissent un jour tuer leur bourreau. Khatera n’éprouve que haine pour ce père abusif, brutal, pervers et la sentence de mort ne provoque chez elle aucune pitié. 

Il y a enfin dans ce film un autre personnage magnifique, une mater dolorosa dont la présence quasi muette recèle une force insoupçonnée. Et on aimerait connaître les circonstances de l’emprisonnement du père et mari qui a déclenché, semble-t-il, la prise de parole.

Thématiques : violences faites aux femmes, droits des femmes

A Thousand Girls like me

Film documentaire, France-Afghanistan

Réalisation : Sahra Mani

Durée :  1h20

Communiqués de la LDH

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