Communiqué commun dont la LDH est signataire
Alors que le projet de loi Asile et Immigration est examiné en nouvelle lecture par l’Assemblée nationale à partir de demain, le 11 juillet, nos 14 associations réitèrent leur demande de mettre fin à l’enfermement d’enfants en famille en rétention administrative ou en zone d’attente. Depuis le début de l’année, au moins 124 enfants ont déjà été placés en rétention en métropole, et à la date du 8 juillet, 8 enfants, dont un bébé de 5 mois, étaient enfermés.
La rétention des enfants a fait l’objet de vifs échanges entre les sénateurs et avec le gouvernement à l’occasion des discussions au Sénat. La solution proposée par la commission des lois et adoptée contre l’avis du gouvernement en séance publique de limiter à 5 jours le délai de rétention des familles est dangereuse et ne permettra pas que la France se mette en conformité avec ses engagements internationaux.
L’Etat doit cesser d’infliger des « traitements inhumains ou dégradants » à des enfants sur le seul fondement du statut migratoire de leurs parents. Le sénateur LR et président de la commission des lois Philippe Bas reconnaissait lui-même lors des débats qu’« aucun CRA n’offre des conditions acceptables pour la rétention des familles ». L’enveloppe promise par le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb pour adapter les centres n’y changera rien : la place d’un enfant n’est jamais dans un lieu de privation de liberté.
L’enfermement est en lui-même une violation de l’intérêt supérieur de l’enfant, et ce quelle que soit sa durée. En effet, le droit français dispose que l’assignation à résidence est la règle et que la rétention est une exception. Pourtant, le placement de famille en rétention s’apparente dans certaines préfectures à un mode de fonctionnement, notamment pour faciliter l’organisation des expulsions. Cette pratique inadmissible serait légitimée par l’inscription de son encadrement à 5 jours dans la loi. Une telle disposition laisse penser qu’enfermer des enfants est acceptable, dès lors que l’enfermement dure moins de 5 jours.
En plus d’être contre-productive, cette mesure s’avérerait quasi-inutile : rappelons que pour les 56 familles enfermées en métropole en 2018, 54 sont restées moins de 48h en centre de rétention, et deux familles sont restées 9 jours, avant d’être libérées sur injonction de la Cour européenne des droits de l’Homme.
Alors que l’opinion publique s’est indignée du traitement d’enfants en situation de migration aux Etats-Unis, la France risque de passer à côté de l’opportunité de mettre fin à l’injustice et à la violence que constitue l’enfermement d’enfants, seuls ou accompagnés, sur son territoire. Cet examen du projet de loi est une opportunité historique de mettre rapidement fin à cette pratique et de prouver la volonté du gouvernement de traiter plus dignement les enfants et leur famille.
Fortes d’une mobilisation citoyenne sans précédent, avec plus de 135 000 signataires à la pétition lancée par La Cimade, nos 14 organisations rappellent solennellement au gouvernement et aux député-e-s leur demande de voir supprimer les dispositions qui dans la loi française permettent encore de placer en centre de rétention administrative des enfants lorsqu’ils sont accompagnés de leurs parents ou en zone d’attente qu’ils soient seuls ou accompagnés.
Parlementaires, membres du gouvernement : les enfants enfermés dans les centres de rétention et les zones d’attente ne peuvent plus attendre une énième loi, il est de votre responsabilité d’agir maintenant.
Signataires : La Cimade, Réseau Education sans frontières (RESF), Ligue des droits de l’Homme (LDH), Anafé, MRAP, Syndicat des avocats de France (SAF), France terre d’asile, Clowns Sans Frontières, Syndicat national des médecins de PMI (SNMPMI), Centre Primo Levi, ACAT, Assfam-Groupe SOS Solidarités, Amnesty International France et UNICEF France.
Le 10 juillet 2018