Spéculer sur cette nécessité pour en faire une marchandise rentable est particulièrement scandaleux.
Cette année encore, au 31 mars, interviendra la fin de la trêve hivernale et donc à nouveau, dès le 1er avril, la reprise des expulsions locatives qui frappent les locataires du parc social comme du parc privé en impayés de loyers. Ces procédures d’expulsion sont en constante augmentation d’une année sur l’autre, proches des 130 000 décisions de justice, dont au moins 12 000 d’entre elles seront exécutées avec le concours des forces de l’ordre.
Ces expulsions locatives, sans propositions de relogement, auxquelles s’ajoutent les évacuations de terrains, squats ou bidonvilles, sans solutions dignes quand il ne reste que la rue comme refuge, vont venir gonfler la demande d’hébergement d’urgence gérée par le 115 qui se traduit par 40 000 nuitées en hôtel par jour, en hausse de 23 % en 2015 après des hausses de 27 % en 2013 et 2014. Chaque mois, ce sont aussi des centaines de femmes, parfois avec enfants, qui appellent en vain le 115.
Alors que les salaires stagnent, que le chômage perdure, les loyers privés, eux, ont augmenté de 57 % en quinze ans, entraînés par la pénurie de logements dont l’offre est dramatiquement insuffisante dans les zones tendues comme la région Ile-de-France. Cette tension sur les loyers et les charges locatives conduit à un taux d’effort excessif. Ainsi pour 3 millions de ménages, les charges atteignent 35% de leurs ressources et leur laissent un « reste à vivre » inférieur à 650 €.
Cette situation est due à une politique du logement orientée par les besoins du marché immobilier, à qui on confie le soin de loger les Français, et non par la demande sociale que ce même marché est incapable de satisfaire. On constate en effet :
– le désengagement de l’Etat dans l’aide à la construction de logements sociaux (à peine plus de 700 logements « très sociaux » ont été programmés en 2015, alors que 3 000 étaient attendus) ;
– l’acharnement soutenu du gouvernement à vouloir faire des économies sur les aides au logement dont ont besoin les ménages pauvres et modestes ;
– le soutien sans faille à l’activité du marché immobilier par des dépenses nouvelles, comme le dispositif de défiscalisation Pinel (50 000 logements construits en 2015), qui profite principalement aux classes moyennes supérieures, voire aux ménages les plus aisés, ou encore les avantages fiscaux significatifs accordés aux banques et aux compagnies d’assurances dans l’espoir de les inciter à investir dans la pierre. Ces dépenses ont comme justificatifs de proposer à la classe moyenne qui n’a pas les moyens d’accéder à la propriété, des loyers supérieurs aux loyers PLS des HLM mais inférieurs à ceux du marché.
Cet espoir de relance de la construction par le capital privé qui coûte cher au contribuable (18 milliards d’euros) est – hélas ! – toujours déçu, quand on voit que la construction stagne pour atteindre péniblement 351 000 logements mis en chantier en 2015, sans réel ciblage géographique ou social de la production.
La Ligue des droits de l’Homme dénonce cette politique qui accroît les inégalités, exclut de l’accès au logement des millions de personnes à cause du manque de constructions et des prix trop élevés à l’achat comme à la location.
La LDH dénonce l’absence de volonté politique pour rendre effectif, pour tous, le droit au logement.
Un habitat digne pour chacun, garanti par la solidarité du corps social, est un préalable à l’accès à une citoyenneté effective, combat permanent de la Ligue des droits de l’Homme.
Paris, le 29 mars 2016
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