Deux présumés tortionnaires algériens des années de plomb seront jugés en France

Communiqué commun
Ligue des droits de l’Homme (LDH)
Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH)
Collectif des familles de disparus en Algérie (CFDA)

La juge d’instruction du Tribunal de grande instance de Nîmes a rendu le 26 décembre dernier une ordonnance de mise en accusation à l’encontre de deux présumés tortionnaires algériens résidant en France, Hocine Mohamed et Abdelkader Mohamed. Tous deux sont accusés de crimes de torture et de disparitions forcées commis au nom de la lutte antiterroriste dans la région de Relizane en Algérie dans les années 1990. Le procès se tiendra devant la Cour d’Assises du Gard. Nos organisations, qui avaient déposé plainte en 2003 contre les frères Mohamed et qui accompagnent les 7 victimes algériennes qui se sont constituées parties civiles, ont accueilli cette ordonnance avec une très grande satisfaction.

« C’est la première fois dans l’histoire que des Algériens vont être jugés pour des crimes commis durant les années noires en Algérie » a déclaré Patrick Baudouin, président d’honneur de la FIDH et Responsable du Groupe d’action judiciaire.

« Nous espérons que ce procès marquera un tournant majeur dans la lutte contre l’impunité qui entoure la commission de ces crimes » a ajouté Michel Tubiana, président d’honneur de la LDH.

Cette ordonnance ponctue plus de 10 années de procédure judiciaire. Une information judiciaire avait été ouverte au sein du TGI de Nîmes, à la suite de la plainte déposée en octobre 2003 par la FIDH et la LDH. Hocine et Abdelkader Mohamed avaient ensuite été mis en examen et placés sous contrôle judiciaire. L’information judiciaire avait permis de recueillir des témoignages probants à l’encontre des miliciens. En juillet 2013, le Parquet de Nîmes avait requis la mise en accusation des frères Mohamed devant la Cour d’Assises.

La tenue de ce procès en France sera d’autant plus importante que l’Algérie a adopté en 2005 une Charte pour la paix et la réconciliation nationale qui interdit d’évoquer publiquement la guerre civile qui a déchiré le pays. Dans ce contexte, toute démarche judiciaire visant à établir les responsabilités des crimes commis durant cette période est impossible en Algérie, ce qui explique le fait que les victimes se soient tournées vers la justice française.

Le procès se tiendra en France sur le fondement de la compétence extraterritoriale des juridictions françaises pour crime de torture.

Contexte : Dans les années 1990, l’Algérie a été en proie à une guerre civile très violente, opposant les services de sécurité, les milices armées par l’Etat et les groupes islamistes armés. Dans ce contexte, les exécutions sommaires, les meurtres, les actes de torture, les viols, les enlèvements et les disparitions étaient devenus pratique courante des différentes parties au conflit et ont été perpétrés dans l’impunité la plus totale. Les groupes de « légitime défense » de la wilaya (département composé de 38 communes) de Relizane comptaient environ 450 membres au début de l’année 1994.

Les chefs miliciens ont été recrutés parmi les présidents des délégations exécutives communales (DEC) du département de Relizane. Ces délégations ont été mises en place en 1992 par le ministère de l’Intérieur suite aux dissolutions des assemblées populaires communales (mairies) contrôlées par le Front islamique du salut (FIS). L’implication dans les milices était aussi une source d’enrichissement considérable (au travers des vols et pillages) pour les miliciens, auxquels l’État versait par ailleurs une solde.

Les milices de Relizane se sont illustrées, entre 1994 et 1997, par de très nombreuses exactions pratiquées contre la population civile dans leur circonscription, celle-ci étant à leur merci.

Au sein de ces milices, Hocine Mohamed, premier adjoint du président de la Délégation exécutive communale de Relizane, et son frère, Abdelkader Mohamed, président de la Délégation exécutive communale de H’madna et à la tête de la milice de cette commune, sont suspectés d’avoir commis ces exactions et terrorisé la population.

 

Paris, le 6 janvier 2015

Communiqués de la LDH

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