Un colloque s’est tenu le 13 décembre 2012 à l’Assemblée Nationale, sous la présidence de Danielle Auroi (député EELV, présidente de la commission des Affaires Européennes de l’Assemblée nationale) et Dominique Potier (député PS, Membre de la commission des Affaires économiques). Il était organisé par le Forum Citoyen pour la Responsabilité Sociale des Entreprises (FCRSE, ) et le collectif « Ethique sur Etiquette »
La LDH est membre du FCRSE et a participé à la création du collectif en 2004, avant sa transformation en association il y a un an. Elle se félicite du succès de ce colloque, qui a permis aux 300 participants de mieux situer les avancées récentes, leurs limites et les points d’appui possibles pour rendre effectifs, sur le terrain, les droits en question.
Trois points forts ont structuré la journée :
Deux tables rondes le matin centrées l’une sur le rôle des Etats dans la protection des victimes, l’autre sur la mise en œuvre du concept de « diligence raisonnable »par les entreprises (due-diligence, issue des Principes directeurs de l’ONU récemment adoptés)
Une table ronde l’après midi centrée sur l’adaptation du cadre législatif français et européen à l’évolution des normes internationales concernant la RSE
La présence de plusieurs responsables locaux (Afrique, Inde notamment) d’actions en recours contre des atteintes aux droits sociaux et environnementaux par de grandes entreprises transnationales, a montré la difficulté pour les victimes à faire reconnaitre leurs droits, malgré des mobilisations longues et intenses.
Ce colloque a lieu après 2 avancées majeures récentes concernant le respect des droits sociaux et environnementaux par les États et les entreprises transnationales :
la première de ces avancées concerne l’adoption par le Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU, en juin 2011 des Principes Directeurs « Protéger, Respecter, Remédier », connu sous le nom de « cadre Ruggie ».
la seconde concerne l’actualisation par l’OCDE, en 2011 également, et sur la base du « cadre Ruggie », des recommandations adressées aux entreprises transnationales.
Ces 2 avancées ont incité l’Union européenne, en octobre 2011, à inviter les Etats membres à établir ou mettre à jour leurs plans d’actions prioritaires visant à promouvoir la RSE par les grandes entreprises.
Enfin, l’information de la signature par la France du protocole facultatif au PIDESC, « tombée » pendant le colloque, est une bonne nouvelle : ce protocole (adopté par l’AG de l’ONU en 2008, permet aux victimes de violations des droits économiques, sociaux et culturels d’avoir accès à un recours au niveau international, au même titre que pour les droits civils et politiques, lorsqu’elles n’ont pas pu obtenir justice au niveau national.
Sur le fond, les points importants de la matinée sont les suivants :
1 le « cadre Ruggie » de l’ONU sépare et attribue clairement les responsabilités : les Etats ont clairement à « Protéger » les droits sociaux et environnementaux des salariés dans les entreprises sur leur territoire ou sous leur juridiction, celles-ci devant « Respecter et Réparer » les droits de l’homme « internationalement reconnus ». Pour cela, elles doivent mettre en œuvre un processus de « diligence raisonnable » permettant d’identifier les risques d’incidences négatives de leurs activités sur les droits sociaux et environnementaux et à suivre les mesures prises pour y remédier. Si nécessaire, au-delà des actions des entreprises, les Etats, de par leur obligation de « protéger », doivent prendre les mesures appropriées pour assurer l’efficacité des recours permettant de « réparer » les atteintes identifiées.
Sans minimiser l’avancée que représente l’adoption du « cadre Ruggie », il ne constitue cependant à ce jour qu’un ensemble de « principes directeurs », et nécessite, pour être opérationnel au niveau de chaque pays, son intégration dans le droit national !
2 Les « principes directeurs » de l’OCDE constituent une bonne remise à jour du code de conduite requis de chaque entreprise multinationale opérant depuis un pays de l’OCDE. Le système des points de contacts nationaux (PCN), censé promouvoir et mettre en œuvre ces principes directeurs est a priori une architecture lisible et transparente.
Comme l’a bien expliqué William Bourdon (Sherpa), même s’ils restent de la « soft law », les engagements pris sont opposables (voir jugement Erika en cassation, concernant Total). Toutefois, les entreprises continueront à avancer sur la base d’engagements volontaires pour éviter ou anticiper les engagements légaux, et l’opacification entre maison-mère et filiale reste aujourd’hui systématique.
La table ronde de l’après midi, à laquelle participaient 4 parlementaires, a permis de répondre à l’ appel lancé par le FCRSE et le collectif Ethique sur étiquette autour de 4 mesures phare :
1. Responsabiliser les sociétés-mères pour les activités de leurs filiales et de leurs chaînes de sous-traitance, en France et à l’étranger
2. Éliminer les obstacles à l’accès à la justice et intégrer l’action de groupe en droit français
3. Assurer un devoir d’exemplarité de l’État en conditionnant les investissements et les garanties des institutions financières nationales à la satisfaction d’exigences sociales, sociétales et environnementales
4. Garantir la transparence et l’accès à l’information sur les activités des entreprises et leurs impacts en matière de droits humains, d’environnement et de fiscalité.
La constitution d’un groupe de réflexion parlementaire autour de ces sujets, actée lors du colloque, est une initiative marquant la convergence entre la société civile et le législateur pour faire progresser concrètement le sujet de la RSE.
Jean-Louis Galzin
Groupe de travail Environnement Développement Durable
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