Le bulletin n°54 de février 2011, du groupe de travail « Chine » de la LDH est paru. Comme l’ensemble de ses prédécesseurs, il est disponible en ligne sur le présent site à la rubrique « groupes de travail ». C’est un outil unique d’information et de réflexion. Bonne lecture ! Vous lirez ici directement l’article éditorial de ce bulletin
Les réactions officielles chinoises aux bouleversements survenus dans les pays arabes et dernièrement en Libye sont gênées et contradictoires. La presse affirme, d’une part, qu’il s’agit d’un échec flagrant des Etats-Unis dans leur tentative de maîtriser la région et d’autre part, qu’au nom d’une prétendue « démocratie » et d’une prétendue « révolution », les États-unis cherchent à créer « un camp libéral pro-américain au Proche-Orient ».
Le ton général est négatif. Il peut en résulter, dit le Global Times (22 février), une « brutale cassure dans le rythme du développement mondial » et un « profond changement dans le modèle de croissance qui prévaut depuis un demi siècle ». La population ne doit pas y trouver un modèle : « le pays sait combien une révolution peut être destructrice ».
La cible, ce sont les États-unis. Il ne s’agit pas plus d’une twitter que d’une facebook révolution, notamment en Egypte : le peuple a été « poussé dans les rues par quelques élites qui ont une idée de la démocratie à l’occidentale et qui l’ont incité à suivre des slogans et des symboles qui lui étaient parfaitement étrangers ».
Pourtant plusieurs facteurs des insurrections méditerranéennes se retrouvent en Chine et donnent à penser aux dirigeants : inflation, chômage des diplômés, corruption, accaparements du pouvoir. Le contrôle des informations n’empêche pas l’envoi d’appels anonymes à des rassemblements au nom de la « révolution de jasmin ». Prenant peur, le pouvoir a lancé à partir du 19 février une vague d’arrestations sans précédent pour « subversion du pouvoir d’État ». Les intellectuels Ran Yunfei, Hua Chunhui, Liang Haiyi, Ding Mao et Chen Wei sont
détenus. On ne sait rien depuis une semaine des avocats Jiang Tianyong, Teng Biao et du militant Gu Chuan ; le silence de la police fait craindre des tortures afin d’obtenir des aveux. Le sort de l’avocat Tang Jitian, détenu plusieurs jours, reste incertain à cette date (28 février).
Pour l’Égypte, les orientations étaient simples : « La priorité pour les militaires désormais, c’est de mettre un terme aux crimes et aux actes terroristes et de restaurer la stabilité sociale ». (China Daily, 14 février) « La révolution semble avoir tout changé mais en réalité, il n’y a pas de force capable de créer un progrès dans la société pour promouvoir ces changements » (Global Times, 14 février). Bref, les Égyptiens soufrent de ne pas être dirigés par un Parti communiste de
type chinois. La place Tahrir 2011 rappelait un peu la place Tiananmen de 1989 mais l’armée égyptienne a manqué de courage pour tirer sur les manifestants.
Révélateur aussi, le silence quasi total sur l’accession à l’indépendance par référendum du Soudan du Sud, masquant une inquiétude : cette indépendance par référendum « constitue un dangereux précédent pour tous les pays confrontés à la menace séparatiste ». (Hebdomadaire de Liaowang, 12 février)
Peu de personnes se sont rassemblées les 20 et 27 février à travers le pays. Le plus gros chiffre avancé pour le 20 février serait de mille personnes dans la capitale. Ces anonymes réunis par l’Internet à peu de frais et quasiment sans danger ne criaient pas de slogans ; ils marchaient en silence à côté des passants. Cependant le nombre des policiers casqués et prêts à intervenir « au cas où », l’annulation des congés de vacances et le maintien au bureau de nombreux agents publics comme l’assignation à résidence ou de la mise à l’écart d’une centaine de dissidents et de pétitionnaires révèlent une inquiétude certaine des autorités.
Au demeurant, le travail des censeurs se complique. Le jasmin ne se trouve pas qu’en Tunisie : c’est aussi le titre d’une chanson populaire chinoise. Le terme est resté bloqué sur le microblog – comme naguère la « chaise vide » de Liu Xiaobo – et la chanson est interdite d’antenne.
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