La LDH soutient le film « Parce que j’étais peintre », de Christophe Cognet

Sortie le 5 mars 2014

Voici un film longuement médité, fruit de recherches dans toute l’Europe et en Israël, de tournages dans les grands camps de concentration et d’extermination, et de rencontres avec de nombreux artistes et conservateurs de musées. Il faut dire que le sujet requiert immensément de justesse et d’intelligence : les dessins faits par des déportés des camps, retrouvés par miracle ou réalisés de mémoire dès la fin de la guerre, ainsi que des œuvres graphiques ou picturales plus récentes d’artistes rescapés traitant du même sujet.



Comment dessiner dans le camp ? En volant un bordereau, un bout de journal, du papier d’emballage. Surtout en se cachant. Et en cachant ses dessins, par exemple le carnet retrouvé dans les fondations d’une baraque à Birkenau.

Pourquoi dessiner ? Pour penser à autre chose, pour comprendre ce qu’on vit, pour montrer exactement ce qu’on voit et ce qui se passe, pour montrer les lieux et les gens, la souffrance, pour montrer le processus de la mort, pour transmettre à l’histoire. Pour gagner un morceau de pain en faisant des portraits. Pour garder la vie sauve, en faisant pour les folles recherches de Mengele les portraits des Roms qu’il s’apprête à tuer. Parce qu’on est un enfant et que les enfants dessinent.

Pourquoi dessiner en définitive ? « Parce que j’étais peintre », répond Zoran Music. Il y avait une nécessité absolue. Mais aussi, et il mesure le scandale : « Parce que c’était beau. » Beauté atroce des cadavres entassés dans les charrettes, ou des dessins de Music qui les représentent ? Boris Taslitzky, auteur lui aussi d’œuvres magnifiques, parle de la beauté de Buchenwald.

Ce qui pose la question de l’obscénité. Quand un peintre, en 1962, représente une belle femme nue dans une chambre à gaz, son tableau est obscène. Le réalisateur n’a pas besoin de le dire. Il n’est pas là pour juger, pour porter des certitudes, mais pour poser des questions. Qu’est-ce que la représentation ? La finalité de l’art ?

Les dessinateurs étaient très divers : dessin professionnel pour les portraitistes, reportages quasi photographiques pour la presse, croquis d’amateurs voire d’enfants, véritables œuvres d’art pour certains. Parmi la vingtaine de rescapés interviewés, beaucoup parlent de leur souci primordial d’exactitude : on ne dessine que ce qu’on voit ou ce qu’on a vu. Un seul a dessiné l’extermination dans la chambre à Sachsenhausen, que seul les SS pouvaient surveiller d’une petite lucarne ; il n’a pas pu la voir, mais a dû se renseigner auprès du Sonderkommando ; tout est exact, de la forme des patères à la montée des corps encore vivants vers le haut, là où il reste de l’air.

La pire obscénité est tout de même sortie du cerveau malade des bourreaux. La caméra quitte les beaux paysages verdoyants d’un des camps pour entrer dans le crématoire. On voit les fours, la chambre aux murs griffés et, sur un mur, un soleil et des fleurs dessinés au pochoir : décoration ordonnée par les SS.

Le sinistre retour, ces temps-ci, de la parole antisémite devrait suffire à justifier la nécessité de ce film. Il apporte une contribution nouvelle à la connaissance historique. Il se trouve en plus que c’est un travail admirable.

Parce que j’étais peintre. L’art rescapé des camps nazis

Film, France, Allemagne, 2013

Durée : 1h44

Réalisation : Christophe Cognet

Production : La Huit (France) / Augenschein Filmpr (Allemagne)

Distribution : Jour2fête

Site du film : www.jour2fete.com

Voir la bande-annonce du film

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