Vie privée et protection des données personnelles ne doivent pas être sacrifiées sur l’autel des intérêts économiques et sécuritaires

Communiqué AEDH

A l’occasion de la journée de la protection des données personnelles, l’AEDH tient à rappeler que le respect de la vie privée et de la protection des données personnelles sont des droits fondamentaux indéfectibles. La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne le précise en ses articles 7 et 8.



Ainsi, l’utilisation des données personnelles doit répondre à des finalités strictement définies, conservées un temps minimum ; elle doit résulter d’un consentement explicite de la personne concernée. La réforme en cours de la directive 95, incluant les fichiers de police et de justice, la réforme de la Convention 108 du Conseil de l’Europe, doivent avoir pour seul objectif la mise en place d’un cadre législatif efficace et protecteur basé sur ces principes. Les nécessités économiques et les impératifs sécuritaires ne sauraient justifier des atteintes à ces principes. L’application du principe de nécessité, s’il est invoqué, devra en tout état de cause être proportionné aux objectifs à atteindre et soumis au contrôle d’une autorité judiciaire.

L’AEDH ne peut que s’interroger sur la volonté réelle des institutions de l’Union européenne et de ses Etats membres, d’aboutir à un tel cadre protecteur. On pouvait déjà déplorer le choix de différencier dans deux textes législatifs (la protection des données dans le domaine commercial et leur protection dans les domaines de police et de justice), mais l’AEDH constate avec regrets que malgré les dernières inflexions et concessions des parlementaires européens, le Conseil ne semble pas plus empressé de finaliser et faire aboutir des textes pourtant essentiels pour la protection des droits fondamentaux des citoyens et résidents de l’Union européenne.

Une accélération du processus législatif et une réaction politique et législative vigoureuse auraient pourtant dû être la réponse au scandale du programme de surveillance électronique PRISM et aux révélations courageuses d’Edward Snowden. Les citoyens européens ont eu confirmation de l’espionnage de masse dont ils sont victimes, non seulement par la NSA, mais aussi par les services secrets de la plupart des Etats de l’UE. Il est regrettable que la réponse de l’Union européenne se soit limitée à la seule mise en place d’une enquête parlementaire et que l’adoption par le Parlement européen d’une Résolution sur la suspension des accords TFTP [1] n’ait été suivi à ce jour d’aucun effet.
Les éléments invoqués montrent une fois de plus la nécessité d’une autorité indépendante européenne en matière de données personnelles, ayant un vrai pouvoir d’investigation, de dénonciation et de poursuites judiciaires dans tous les domaines de la protection des données personnelles et de la vie privée. Le Contrôleur Européen pour la protection des données (CEPD), joue aujourd’hui partiellement ce rôle. Son indépendance n’est pas en cause, ses avis sont le plus souvent en accord avec les positions de l’AEDH. Il est inquiétant que dans le contexte tendu d’aujourd’hui son remplacement prenne du retard alors que son mandat a expiré.

L’AEDH ne peut donc que s’inquiéter :

- du blocage actuel de la réforme engagée de la directive 95, du flou et des imprécisions de nombreux articles maintenus, en discussion ou en négociation ;

- du peu d’attention portée aux mécanismes de contrôle indépendant au niveau national et européen, notamment en matière de fichiers de police et de justice ;

- des dérives dans l’interopérabilité, l’interconnexion des fichiers à des fins sécuritaires, notamment en ce qui concerne Eurodac et les demandeurs d’asile ;

- de la mise en place de systèmes de surveillance des frontières Eurosur et de frontières intelligentes, avec la transmission possible de données personnelles à des pays tiers, particulièrement s’agissant de demandeurs d’asile ;

- de l’usage non régulé de la biométrie, du non contrôle des fichiers d’ADN, de leur multiplication et de leur échange ;

- de la multiplication des systèmes de vidéosurveillance, des dérives provenant de drones munis de caméras ;

- droits des citoyens concernant la conservation et la consultation de leurs données de communications électroniques ;

- des atteintes à la neutralité du Net qui seraient la conséquence de l’adoption de la « Proposition de Règlement pour un marché unique des communications électroniques et ses implications pour la neutralité de l’internet et la protection des données personnelles ».

A la veille de ce 28 janvier 2014, l’AEDH appelle donc les citoyens, les organisations de la société civile et les parlementaires à être vigilants et à se mobiliser pour garantir les droits à la protection de nos données personnelles et à la vie privée, pour que nos libertés et la démocratie ne soient pas sacrifiées sur l’autel des intérêts économiques et sécuritaires.

Bruxelles, le 27 janvier 2014

Communiqués de la LDH

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