Les lois sécuritaires de la décennie écoulée ont mis l’accent d’une part, sur la sanction de la simple virtualité d’un comportement délictueux (la « dangerosité ») comme cela fut le cas avec l’instauration de la rétention de sûreté et d’autre part, sur une répression sans cesse renforcée (aggravation des peines en matière de réitération d’infractions, institution de peines-planchers en matière de récidive, par exemple).
L’échec flagrant (et prévisible) de cette politique pénale a conduit à s’interroger sur des mesures nouvelles pertinentes susceptibles de prévenir la récidive. Le jury de la Conférence de consensus a publié, le 20 février 2013, des recommandations pour une « nouvelle politique publique de prévention de la récidive ». Et la Commission nationale consultative des droits de l’Homme a émis un avis, le 21 février 2013, sur « la prévention de la récidive ». Il résulte de ces deux textes diverses propositions qui se démarquent fondamentalement de la politique pénale antérieure.
La rupture avec le passé consiste à préconiser en premier lieu, la fin de l’inflation législative qui répond à des émotions conjoncturelles, la « force de frappe » que constitue le droit pénal ne devant être utilisée qu’en dernier recours lorsque les autres sanctions, civiles ou administratives, s’avèrent insuffisantes ; et en second lieu, la réduction du nombre des incriminations passibles de peines d’emprisonnement. Est envisagée aussi la diminution du quantum des peines de prison encourues pour certaines infractions. Le déclassement (contraventionnalisation et transformation de crimes en délits) est, de manière complémentaire, suggéré. Une autre proposition tend à la remise en cause du caractère de peine de référence reconnu jusqu’ici à l’emprisonnement. En effet, la prison doit être conçue comme une peine parmi d’autres.
Certes, les peines de substitution (restrictives de liberté [comme le travail d’intérêt général], ou privatives ou restrictives de droits), appelées peines alternatives depuis le nouveau code pénal, existent déjà (bien que peu prononcées) mais l’idée est d’en faire désormais de véritables peines principales au même titre que l’emprisonnement.
Cette mutation conduirait, notamment, à la disparition progressive des courtes peines d’emprisonnement (inférieures à six mois) assez longues pour nuire au détenu (famille, emploi) mais trop brèves pour l’aider dans sa réinsertion et qu’il convient donc de d bannir. Enfin, le jury de consensus préconise l’adoption d’une nouvelle peine de probation indépendante et sans lien ni référence avec l’emprisonnement et dont la finalité serait tout à la fois la réinsertion de la personne condamnée et la protection de la société et des victimes.
Une autre évolution consiste à restituer au juge les pouvoirs de personnalisation de la sanction qu’on lui avait ôtés, et ainsi à abandonner les minimums obligatoires, c’est-à-dire les peines automatiques, qui ont abouti à une augmentation du quantum des peines.
La phase d’exécution de la peine est aussi l’objet de suggestions de réforme. D’une part, la réinsertion des récidivistes passe par l’assouplissement des conditions d’accès aux aménagements de peines et par une amélioration des modalités d’exécution de la peine privative de liberté : respect de la dignité (nécessitant, pour la CNCDH, l’adoption d’un système de numerus clausus pour éviter la surpopulation pénale), droits individuels et collectifs d’expression, adaptation du droit du travail au milieu carcéral et accès des détenus aux droits sociaux car la citoyenneté ne saurait s’arrêter à la porte des prisons, entrée des services de droit commun dans les établissements pénitentiaires.
D’autre part, la « sortie sèche » de prison, qui laisse le détenu sans aide et donc dommageable à bien des égards, doit être évitée. Par conséquent, il est envisagé de faire bénéficier d’office de la libération conditionnelle tous les détenus récidivistes ou non, mesure qui serait accompagnée non seulement d’un contrôle mais aussi d’une véritable assistance.
La rétention et la surveillance de sûreté qui conduisaient à des prolongations de peines pour une durée (pouvant être indéterminée), fonction d’un « diagnostic pronostic » d’experts, sont destinées à être abrogées.
Enfin, s’agissant des jeunes majeurs placés sous surveillance judiciaire âgés de 18 à 21 ans, le jury recommande leur prise en charge par l’Etat, par le biais de la Protection judiciaire de la Jeunesse, ainsi que l’extension à leur égard des mesures éducatives, comme le placement, réservées jusqu’ici aux mineurs afin d’éviter toute rupture de suivi.
Ces recommandations (l’avis de la CNCDH en contient d’autres), objets d’une nouvelle politique pénale de la récidive, serviront sans doute de fondement à une réforme du droit positif qui devient désormais urgente.