Communiqué commun, dont le REMDH.
Nos organisations condamnent fermement les deux derniers incidents dont ont été victimes des militants du droit au travail hier en Algérie.
Le premier incident concerne dix jeunes membres d’associations de chômeurs du Maghreb, qui devaient participer à la première rencontre du Forum maghrébin pour la lutte contre le chômage et le travail précaire à Alger les 20-21 février 2013. Les jeunes militants dont 5 jeunes militants tunisiens1, 3 mauritaniens2 et 2 marocains3, s’étaient rendus à cet événement qui devait se dérouler à la Maison des syndicats de Bab Ezzouar (quartier d’Alger). Selon nos informations, le 20 février, les membres des trois délégations ont été arrêtés, puis emmenés à l’aéroport après avoir été retenus toute la journée au Commissariat de quartier. Si les jeunes mauritaniens et tunisiens ont déjà pu être rapatriés entre hier et ce matin, il semble que les membres de la délégation marocaine soient toujours retenus à l’aéroport, coupés de tout contact avec l’extérieur.
Nos organisations dénoncent cette tentative de réprimer une réunion pacifique portant sur le droit au travail et appellent les autorités algériennes à mettre un terme aux violations des libertés de réunion, d’association, d’expression ainsi qu’aux libertés syndicales dont sont victimes les défenseurs des droits de l’Homme en Algérie.
Nos organisations ajoutent que les chambres d’hôtel des 10 militants ont également été fouillées par la police. Mourad Thicko, membre du Syndicat National Autonome du Personnel de l’Administration Publique (SNAPAP), et Abdelkader Kherba, membre du Comité national pour la défense des droits des chômeurs (CNDDC), ont par ailleurs été arrêtés et retenus au Commissariat jusqu’au soir.
Dès le matin très tôt du 20 février, des agents de police ont également encerclé l’immeuble où se trouve la Maison des syndicats pour empêcher l’accès des autres participants. La Maison des syndicats, occupée de façon régulière par le Syndicat national autonome des personnels de l’administration publique (SNAPAP) depuis janvier 2013, est un local privé utilisé comme un lieu de rencontres, de formation et des débats pour les militants syndicaux et associatifs. Nos organisations soulignent que les organisateurs du Forum n’ont violé aucune disposition de la loi contrairement aux déclarations faites à El Watan par le directeur de la cellule de la communication de la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN) [4]. En effet, conformément à la loi 91-19 du 2 décembre 1991 relative aux réunions et manifestations publiques, toute réunion privée organisée sur la base d’invitations personnelles et nominatives est « dispensée[s] de la déclaration préalable » (art. 14).
Par ailleurs, suite à une manifestation organisée le même jour à Laghouat (Sud de l’Algérie) devant le bureau de main d’œuvre de la ville pour revendiquer le droit au travail, dix-sept autres jeunes activistes connus pour leur engagement, notamment MM. Mohamed Rag, Aissa Tadj, Mohamed Bendjillali, Mustapha Ternoukha et Ahmed Akouche, ont été arrêtés. Ils se trouvent actuellement devant le procureur du Tribunal de Laghouat.
Nos organisations demandent aux autorités algériennes de :
libérer de manière immédiate et inconditionnelle les 17 militants de Laghouat, en ce que leur détention ne semble viser qu’à sanctionner leurs activités de défense des droits de l’Homme ;
ne pas procéder à l’expulsion des militants maghrébins qui demeurent sur le territoire algérien et, pour l’avenir, garantir leur libre accès au territoire algérien ;
mettre un terme à toute forme de harcèlement à l’encontre de tous les défenseurs des droits de l’Homme conformément aux dispositions de la Déclaration des Nations unies sur les défenseurs des droits humains ;
garantir l’exercice des libertés de réunion, d’association et d’expression ainsi que des libertés syndicales, conformément à la Constitution algérienne et les dispositions du Pacte international pour les droits civils et politiques (PIDCP) et des Conventions de l’OIT, ratifiés par l’Algérie ;
garantir la sécurité et l’accès au local de la Maison des syndicats ainsi que le déroulement de toute activité légitiment organisée dans ce cadre
Alger, Genève, Paris, le 21 février 2013.
Organisations signataires :
Réseau euro-méditerranéen des droits de l’homme (REMDH), Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, programme conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), Collectif des familles des disparu(e)s en Algérie (CFDA), Ligue Algérienne pour la Défense des Droits de l’Homme (LADDH), Syndicat National Autonome du Personnel de l’Administration Publique (SNAPAP), Réseau d’Avocats pour la Défense des Droits de l’Homme (RADDH), Agir pour le Changement Démocratique en Algérie (ACDA), Comité International de Soutien au Syndicalisme Autonome Algérien (CISA).
Informations supplémentaires :
Forum maghrébin pour la lutte contre le chômage et le travail précaire
Les organisations conviées au premier Forum maghrébin pour la lutte contre le chômage et le travail précaire sont : le Comité national des contrats pré-emploi et filet social d’Algérie, l’Union des Diplômés Chômeurs (UDC) de Tunisie, l’Association Nationale des Diplômés Chômeurs (ANDCM) du Maroc, l’Association Mauritanienne des Diplômés Chômeurs (AMDC) de Mauritanie, le Comité national pour la défense des droits des chômeurs (Algérie), le Comité national des diplômés chômeurs (Algérie).
Maison des syndicats
Il faut rappeler que l’ancienne Maison des syndicats à Dar El Beida (Est Alger) avait été cambriolée dans la nuit du 3 mai 2012, suite à l’annonce de la constitution d’une confédération syndicale – la Confédération nationale autonome des travailleurs algériens (CNATA) -. Seuls les ordinateurs avaient été emportés, laissant penser à une intimidation qui porterait atteinte à l’exercice de la liberté syndicale. Par ailleurs, la plainte déposée par le SNAPAP suite au cambriolage du 8 mai 2011, ainsi que les anciens contentieux liés à la fermeture administrative de la Maison des associations (Oran 2002) et de la Maison des Syndicats (Alger 2010) n’ont à ce jour eu aucune suite.
Pour plus d’informations, voir le communiqué conjoint du Réseau euro-méditerranéen des droits de l’Homme (REMDH) et l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme, un programme conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) et de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), du 14 mai 2010.
[1] Il s’agit de : Benamor Salah, Idoudi Souheil, Boussaa Kamel, Affout Intissar et Benammour Noaman.
[2] Il s’agit de : Widdady Abdou, Haimedane Ahmed et Bayrouk Fatimetou.
[3] Il s’agit de : Louchacha Dhahbi et Kalou Imade.