Privation de liberté à la frontière franco-italienne : après Menton et Montgenèvre, Fréjus

Pour rappel, depuis le 13 novembre 2015, le gouvernement français a informé la Commission européenne du rétablissement des contrôles aux frontières intérieures en application des articles 23 et suivants du règlement n°562/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006 dont la dernière version est issue du règlement (UE) n°2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016.

Le rétablissement des contrôles aux frontières intérieures de la France a constamment été prolongé par la suite et jusqu’à ce jour, le dernier rétablissement en date ayant été notifié à la Commission européenne pour la période allant du 1er mai 2022 au 31 octobre 2022.

Le rétablissement de ces contrôles a mené la France à mettre en place des points de passage autorisés (PPA) pour réaliser les contrôles aux frontières intérieures. Dans le cadre de ce dispositif, les services de la police aux frontières opposent aux personnes étrangères qui ne disposent pas de documents de voyage des refus d’entrée sur le territoire en application des dispositions de l’article 32 du code des frontières Schengen et des articles L. 332-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (ci-après Ceseda). La frontière franco-italienne est très concernée. Plus de 50 000 décisions de refus d’entrée y ont été notifiées en 2017, plus de 32 000 en 2018, près de 30 000 en 2019 et près de 27 000 sur les 10 premiers mois de l’année 2020.

La LDH était antérieurement intervenue, avec sept autres associations, contre ces mêmes privations de liberté à Menton et à Mongenèvre.

La LDH, associée à ses sept autres partenaires associatifs est à nouveau intervenue volontairement à l’appui de la requête en référé-liberté déposée par l’Anafé devant le tribunal administratif de Grenoble pour exiger la fermeture immédiate des locaux privatifs de liberté situés au point de passage autorisé du tunnel de Fréjus et, à titre subsidiaire, la suspension de la décision du 1er septembre 2022 de la police aux frontières de Modane portant refus d’accès aux locaux situés au point de passage autorisé du tunnel de Fréjus.

Dans son ordonnance du 12 septembre 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a censuré le refus d’accès des associations humanitaires au motif que « l’Anafé est fondée à soutenir que le refus d’accès qui lui a été opposé la place dans une situation d’urgence et que le fait qu’elle ne puisse accéder à ce local où se trouvent des ressortissants étrangers en situation complexe porte une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté des associations d’aider autrui dans un but humanitaire, liberté qui comporte celle de s’assurer que les libertés fondamentales des personnes mises à l’abri soient respectées pendant leur séjour dans le local ».

Le tribunal administratif enjoint ainsi au préfet de la Savoie de « prendre une nouvelle décision autorisant l’accès ponctuel de l’association requérante aux locaux en litige, dans des conditions permettant la conciliation du droit des associations humanitaires avec l’impératif de bon fonctionnement de ce local, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la présente ordonnance ».

Il n’est en revanche pas fait droit à la demande de fermeture des locaux. Conformément à la décision du Conseil d’Etat d’avril 2021, il admet la licité de l’existence de ces locaux pourtant créés hors de tout cadre légal qui permettent d’assurer des « conditions d’attente plus sûres » aux personnes non admises.

Communiqués de la LDH

La LDH, le Gisti et la Fasti saisissent le tribunal administratif de Mayotte des refus opposés par le rectorat de Mayotte et la commune de Tsingoni de communiquer les documents ayant présidé au déploiement de classes itinérantes

Au mois d’avril 2021, le recteur de Mayotte annonçait à la presse mahoraise la création des classes dites itinérantes.

Sur un territoire où les écoles sont engorgées, environ 8 000 jeunes ne sont pas scolarisés, dixit le recteur Gilles Halbout. Des actions ont été menées par des assistants d’enseignement, parfois avec les moyens du bord. (…) Ils viennent une matinée par semaine, accueillis dans la salle de motricité de l’école Doujani, « il s’agit d’un dispositif d’intégration progressive pour des enfants qui n’ont pas pu avoir de place à l’école. Ils prennent l’habitude comme leurs camarades, de quitter leur famille le matin, d’écouter les consignes et de les suivre », explique le recteur Gilles Halbout, venu constater l’efficacité de la mesure.

Au mois d’octobre 2021, le tribunal de céans était saisi par onze familles, installées dans la commune de Tsingoni (Mayotte), afin de contester les décisions portant refus de scolarisation de leurs enfants, âgés de plus de 3 ans. Le Gisti, la LDH (Ligue des droits de l’Homme) et la Fasti intervenaient dans ces affaires en qualité de requérantes. Si certains enfants étaient privés de toute scolarisation, d’autres avaient été orientés en classes itinérantes à raison de 5 heures d’enseignement par semaine en lieu et place des 24 heures préconisés par le ministère de l’Education.

Par une lettre ouverte en date du 19 novembre 2021, les associations requérantes interpellaient le ministre de l’Education sur ces violations répétées du droit à l’éducation à Mayotte (production n°2). Par un courrier en date du 1er décembre 2021, ces mêmes associations interrogeaient M. le maire de Tsingoni ainsi que le rectorat afin d’obtenir plus d’informations quant au déploiement de ce dispositif extraordinaire

Il leur était ainsi expressément demandé de communiquer :

– tout document relatif au fonctionnement des douze écoles itinérantes dans le département (lieu, capacité d’accueil, nombre d’élèves inscrits, nombre d’enseignants dédiés, …) ;

– tout document relatif au déploiement des services publics connexes à l’éducation dans ces mêmes lieux (cantines, activités périscolaires…) ;

– tout document relatif aux dotations dédiées au déploiement de ce dispositif ;

 – tout document relatif aux critères qui président à l’orientation d’un enfant vers une école maternelle « classique » ou une école itinérante ;

– les délibérations du conseil municipal, prises sur le fondement de l’article L2121-30 du code général des collectivités territoriales, relatives au nombre de classes maternelles et élémentaires prévues pour les établissements de secteur ;

– tout document relatif aux locaux mis à disposition pour le déploiement des classes itinérantes dans la commune (lieu, capacité d’accueil, nombre d’élèves inscrits…) ;

– tout document transmis au préfet et au recteur portant sur le budget consacré par la commune à la création de classes et à la mise à disposition de moyens matériels pour le fonctionnement de l’établissement

Ces demandes n’ont connu aucune réponse, obligeant les associations à saisir la Commission d’accès aux documents administratifs (Cada) qui a rendu un avis favorable à la communication de ces documents le 23 juin 2022.

Ces deux avis étant là encore demeurés sans suite, les associations requérantes ont été contraintes de saisir le tribunal de Mayotte céans afin d’obtenir communication des documents sollicités.

Communiqués de la LDH

La LDH, l’ACAT-France, le Saf, le SM contre l’impossibilité d’identifier les agents des forces de l’ordre

Depuis plusieurs années, la France s’est engagée dans un processus de brutalisation du maintien de l’ordre, s’appuyant sur une conception autoritaire de la gestion de l’ordre public. Cet usage disproportionné de la force entraîne de graves violations des droits et libertés, d’autant plus qu’il s’accompagne d’une hausse des violences commises par les forces de l’ordre dans le cadre de manifestations.

Sous couvert d’une doctrine de maintien de l’ordre toujours plus sécuritaire, dans la plupart des cas – et surtout en contexte de maintien de l’ordre – les enquêtes ne peuvent aboutir faute de pouvoir identifier les agents. Cette impunité reste malheureusement la règle et participe grandement à la perpétuation de ces violences intolérables de la part de celles et ceux qui, bénéficiant de la force publique, sont censés en faire usage pour protéger les citoyennes et les citoyens.

Pourtant, depuis de trop nombreuses années, de multiples instances tant au niveau national, européen, qu’international, et ce de manière récurrente, rappellent l’exigence d’identification visible des forces de l’ordre afin de s’assurer que les agents concernés puissent rendre compte de leurs actes.

Si, en théorie, un référentiel des identités et de l’organisation (RIO) a été mis en place et si son port a été rendu obligatoire par un arrêté de 2013 pour permettre l’identification de chaque agent des forces de l’ordre, on constate qu’en pratique celle-ci est toujours difficile, voire impossible. Parce qu’il est trop petit et souvent couvert – ou totalement masqué – en raison de l’équipement, la bonne visibilité de ce matricule n’est pas assurée. De surcroît, l’obligation de port n’est souvent pas respectée, et des ordres sont parfois donnés par la hiérarchie de ne pas le porter.

L’invisibilisation du RIO, et ainsi l’impunité des violences policières, est organisée au mépris du principe simple et incontestable proclamé à l’article 15 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 selon lequel “La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration”.

Pour mettre fin à cette situation incompatible avec l’Etat de droit, qui nuit à la confiance essentielle entre la population et sa police, l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT-France), la LDH (Ligue des droits de l’Homme), le Syndicat des avocats de France (Saf), le Syndicat de la magistrature (SM) saisissent ont introduit un recours auprès du Conseil d’Etat pour exiger la mise en place d’un matricule visible en toutes circonstances, lisible à plusieurs mètres et plus facilement mémorisable. Ils demandent que des instructions soient données aux forces de l’ordre pour en imposer le port, sous peine de sanction disciplinaire effective.

Cette mesure aura des effets concrets bénéfiques pour toutes et tous : identification systématique et responsabilité en cas de comportements illégaux, amélioration de la confiance par l’identification, baisse de la violation des droits et libertés par les forces de l’ordre rendues comptables, protection des droits et libertés des citoyennes et citoyens, et notamment de la liberté de manifester.

 

Communiqués de la LDH

Guide pour l’accès à la scolarisation

La défense des droits de l’enfant et des jeunes occupe une place importante dans le travail de la LDH (Ligue des droits de l’Homme). Dans ce cadre, le groupe de travail « Jeunesse et droits de l’enfant » de la LDH interroge le droit à la scolarisation pour tous, en France métropolitaine et en Outre-mer. L’effectivité de ce droit est un sujet de préoccupation récurrent pour de nombreuses sections LDH.

Tous les enfants et les jeunes doivent pouvoir accéder au service public d’éducation. C’est loin d’être le cas, notamment pour :
• les enfants de migrants ;
• les enfants roms ;
• les mineurs non accompagnés ;
• les enfants de familles en situation de grande précarité ;
• certains enfants issus de populations autochtones ou résidant en territoires isolés en Outre-mer ;
• certains enfants en situation de handicap ;
• tous les enfants et adolescents susceptibles d’être victimes de pratiques discriminatoires.

Quels sont les freins à la scolarisation et comment agir ?

C’est un sujet qui n’est pas simple à aborder dans sa globalité, tant les situations sont diverses. Ce guide veut mettre en évidence les phénomènes de nonscolarisation et de déscolarisation, afin de clarifier les démarches à entreprendre et de faire cesser les pratiques discriminatoires.

Communiqués de la LDH

1er octobre 2022 – Tribune de Patrick Baudouin et André Paccou “Corse : une justice pour l’apaisement” publiée dans Le Monde

Tribune de Patrick Baudouin, président de la LDH et président d’honneur de la FIDH, et d’André Paccou, délégué régional de Corse de la LDH

Lire la tribune dans Le Monde

Condamnés pour complicité dans l’assassinat du préfet Claude Erignac, Pierre Alessandri et Alain Ferrandi sont emprisonnés depuis près de vingt-quatre ans. Ils sont éligibles à une libération conditionnelle depuis plus de cinq ans. Au printemps dernier, ils ont enfin été rapprochés à la prison de Borgo, près de Bastia. Ces rapprochements ne sont pas le fait de la simple application de la loi que les élus de toutes tendances confondues, en Corse et au niveau national n’ont eu de cesse de rappeler ces dernières années. Ils interviennent après plusieurs semaines d’émeutes à Ajaccio, Bastia, Corte et Porto-Vecchio suite à l’assassinat d’Yvan Colonna dans la prison d’Arles. Une fois de plus, l’histoire récente entre la République et la Corse ne semble pas servir à la compréhension du présent. Depuis les évènements d’Aléria en 1975, les relations entre les deux parties se sont inscrites dans des cycles de violence et de négociation au détriment d’un apaisement durable.

La situation des deux hommes semble à nouveau s’enliser. A ce jour, aucune perspective de libération conditionnelle ne se dessine. Peut-on un seul instant penser raisonnablement que leur rapprochement à la prison de Borgo puisse constituer la dernière étape de leur parcours judiciaire. Peut-on imaginer qu’ils finiront leur vie en prison avec pour seul sursis les visites de leurs proches au parloir ! Il est temps d’oser l’avenir pour Pierre Alessandri et Alain Ferrandi mais aussi pour la Corse. Le dialogue engagé entre la Corse et Paris ne pourra s’inscrire dans le temps que si et seulement si la justice cesse d’être confondue avec la loi du talion. Il suffit pour cela de respecter les règles pénitentiaires européennes auxquelles la France adhère, notamment celle qui « reconnaît que les détenus, condamnés ou non, retourneront un jour vivre dans la société libre et que la vie en prison doit être organisée de façon à tenir compte de ce fait. »

Nous n’oublions pas cette autre attente de justice à l’origine de la révolte de la jeunesse corse en ce début d’année : la vérité sur l’assassinat d’Yvan Colonna, toute la vérité, rien que la vérité. Un premier pas a été fait en ce sens avec la publication du rapport de l’inspection générale de la justice sur le fonctionnement à la maison centrale d’Arles et les responsabilités engagées suite à « l’agression » d’Yvan Colonna. De nombreuses questions demeurent toutefois en suspens, notamment sur l’importance donnée aux avis réservés et très réservés des autorités judiciaires antiterroristes relatifs à l’affectation et au transfert dans une autre prison, en quartier d’évaluation de la radicalisation (QER) de l’agresseur. En effet, selon les auteurs de ce rapport, ces avis sont allés outre la compétence de ces autorités, précisant qu’«une affectation en QER … aurait pourtant été utile dès 2019 » et donc antérieurement à l’agression.

Oui, il est temps d’en finir avec les malentendus qui depuis un demi-siècle alimentent des cycles de violence et de négociation non aboutie. Alors, le dialogue engagé se fondera sur une promesse première de la République, l’égalité devant la loi et en droits, permettant ainsi d’aborder dans des conditions apaisées la dimension politique de la question corse, et la place singulière de la Corse dans la République.

Communiqués de la LDH

1er octobre 2022 – Tribune de Patrick Baudouin et André Paccou “Corse : une justice pour l’apaisement” publiée sur Corse matin

Tribune de Patrick Baudouin, président de la LDH, président d’honneur de la FIDH, et d’André Paccou, délégué régional de Corse de la LDH

Condamnés pour complicité dans l’assassinat du préfet Claude Erignac, Pierre Alessandri et Alain Ferrandi sont emprisonnés depuis près de vingt-quatre ans. Ils sont éligibles à une libération conditionnelle depuis plus de cinq ans. Au printemps dernier, ils ont enfin été rapprochés à la prison de Borgo, près de Bastia. Ces rapprochements ne sont pas le fait de la simple application de la loi que les élus de toutes tendances confondues, en Corse et au niveau national n’ont eu de cesse de rappeler ces dernières années. Ils interviennent après plusieurs semaines d’émeutes à Ajaccio, Bastia, Corte et Porto-Vecchio suite à l’assassinat d’Yvan Colonna dans la prison d’Arles. Une fois de plus, l’histoire récente entre la République et la Corse ne semble pas servir à la compréhension du présent. Depuis les évènements d’Aléria en 1975, les relations entre les deux parties se sont inscrites dans des cycles de violence et de négociation au détriment d’un apaisement durable.

La situation des deux hommes semble à nouveau s’enliser. A ce jour, aucune perspective de libération conditionnelle ne se dessine. Peut-on un seul instant penser raisonnablement que leur rapprochement à la prison de Borgo puisse constituer la dernière étape de leur parcours judiciaire. Peut-on imaginer qu’ils finiront leur vie en prison avec pour seul sursis les visites de leurs proches au parloir ! Il est temps d’oser l’avenir pour Pierre Alessandri et Alain Ferrandi mais aussi pour la Corse. Le dialogue engagé entre la Corse et Paris ne pourra s’inscrire dans le temps que si et seulement si la justice cesse d’être confondue avec la loi du talion. Il suffit pour cela de respecter les règles pénitentiaires européennes auxquelles la France adhère, notamment celle qui « reconnaît que les détenus, condamnés ou non, retourneront un jour vivre dans la société libre et que la vie en prison doit être organisée de façon à tenir compte de ce fait. »

Nous n’oublions pas cette autre attente de justice à l’origine de la révolte de la jeunesse corse en ce début d’année : la vérité sur l’assassinat d’Yvan Colonna, toute la vérité, rien que la vérité. Un premier pas a été fait en ce sens avec la publication du rapport de l’inspection générale de la justice sur le fonctionnement à la maison centrale d’Arles et les responsabilités engagées suite à « l’agression » d’Yvan Colonna. De nombreuses questions demeurent toutefois en suspens, notamment sur l’importance donnée aux avis réservés et très réservés des autorités judiciaires antiterroristes relatifs à l’affectation et au transfert dans une autre prison, en quartier d’évaluation de la radicalisation (QER) de l’agresseur. En effet, selon les auteurs de ce rapport, ces avis sont allés outre la compétence de ces autorités, précisant qu’«une affectation en QER … aurait pourtant été utile dès 2019 » et donc antérieurement à l’agression.

Oui, il est temps d’en finir avec les malentendus qui depuis un demi-siècle alimentent des cycles de violence et de négociation non aboutie. Alors, le dialogue engagé se fondera sur une promesse première de la République, l’égalité devant la loi et en droits, permettant ainsi d’aborder dans des conditions apaisées la dimension politique de la question corse, et la place singulière de la Corse dans la République.

Communiqués de la LDH

Tramway de Jérusalem : des entreprises françaises contribuent à la colonisation israélienne du territoire palestinien occupé

Lettre ouverte à la ministre de l’Europe et des Affaires étrangères dont la LDH est signataire, avec Al-Haq, AFP, CFDT, CGT, FIDH, la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine et Solidaires

Madame Catherine Colonna

Ministre de l’Europe et des Affaires étrangères

37, Quai d’Orsay

75007 Paris

Paris, le 3 octobre 2022

Objet : le tramway de Jérusalem, des entreprises françaises impliquées.

Madame la Ministre,

Nous souhaitons par la présente attirer votre attention sur un développement inquiétant du réseau de tramway de Jérusalem, et sur le rôle que continuent à y jouer plusieurs entreprises françaises ou opérant en France.

Comme vous le savez, plusieurs entreprises françaises ont été impliquées dans le réseau de tramway qu’Israël construit à Jérusalem, reliant de manière illégale Jérusalem-Ouest aux colonies israéliennes implantées sur les terres palestiniennes de Jérusalem-Est[1]. Il s’agit pour Israël, à la fois d’effacer la « ligne verte » et de favoriser le développement de ces colonies illégales. Les entreprises concernées participent donc à cette entreprise de colonisation en contradiction avec le droit international, la politique affirmée de la France et leurs propres engagements en matière de respect des droits humains.

A la suite des interventions de votre Ministère et de la présidence de la Caisse des Dépôts et Consignations, Alstom et Egis Rail s’étaient retirés en 2019 des appels d’offre pour les lignes verte/rouge (réalisation et exploitation) et marron (étude approfondie) respectivement.

A l’occasion de la rencontre avec vos services de la sous-direction Égypte-Levant le 11 février   une délégation de l’Association France Palestine Solidarité a présenté un point sur l’avancement de ce  projet et sur le rôle qu’y jouent encore les deux entreprises françaises Alstom et Egis Rail – qui figurent toutes deux dans la base de données des entreprises impliquées dans des activités liées directement ou indirectement aux colonies israéliennes publiée par le Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations unies –  ainsi qu’un acteur économique au poids grandissant en France, CAF.

Alstom est encore lié à l’exploitation de la ligne rouge du tramway, fournisseur de matériel roulant pour la ligne A1Tel Aviv-Jérusalem qui traverse le territoire palestinien occupé, et est candidat présélectionné à la construction des lignes bleue et violette.

Egis Rail est toujours au centre de la conception du réseau intégré de transport en commun de Jérusalem, (comme assistant général à maîtrise d’ouvrage de “Jérusalem Transportation Masterplan Team”, JTMT, par des avenants annuels aux contrats antérieurs concernant les budgets et la nature des interventions sur l’ensemble des lignes de tram) y compris la future ligne marron du tramway 

CAF, qui a obtenu récemment la concession pour la réalisation et l’exploitation des lignes verte et rouge du tramway (son associé Saphir est aussi dans la base de données de l’ONU), est une entreprise espagnole mais elle a une usine au Pays basque français qu’elle développe avec le soutien financier de l’État français et de collectivités territoriales. Elle vient de racheter à Alstom son usine en Alsace destinée à servir de base pour un développement ambitieux en France et en Europe. 31 organisations de défense des droits de l’homme, réseaux et syndicats palestiniens et européens demandent que cette entreprise soit incluse dans la base de données de l’ONU.

Lors de la rencontre du 11 février, il a aussi été souligné que la future ligne marron, contrairement aux précédentes, suit les « quartiers palestiniens » de Jérusalem-Est, et qu’y sont déjà en développement trois gros projets de colonisation, ce qui nous parait être un élément très grave suggérant un risque d’expulsion massif des Palestiniens résidents de Jérusalem.

Ces éléments nouveaux, que nous détaillons dans les trois fiches déjà remises à vos services, sont suffisamment préoccupants pour que nous tenions à vous alerter directement.

Alors que votre prédécesseur Monsieur Le Drian a évoqué l’an dernier un « risque d’apartheid » en Israël. Les nouvelles implications de ces entreprises dans le tramway israélien doivent amener votre Ministère à des interventions fermes auprès de leurs directions pour qu’elles cessent leur participation à cette colonisation dont vous savez qu’elle est un des obstacles essentiels à la solution à deux États en faveur de laquelle la France déclare œuvrer. La France doit aussi user de son poids politique et de sa diplomatie pour amener l’État d’Israël à renoncer à tout projet de colonisation des quartiers palestiniens le long de la future ligne marron.

En plus de l’aggravation liée à ce projet de la « ligne marron » vient de s’ajouter très récemment la validation d’un téléphérique par la Cour suprême qui a ainsi rejeté quatre pétitions d’ONG israéliennes, d’habitants palestiniens de Silwan, de commerçants du quartier musulman de la Vieille Ville et de représentants religieux. Une fiche vous en précise les enjeux.

Par ailleurs, nous constatons que les « conseils aux entreprises » visibles sur le site du MEAE restent trop timides et peu mis en évidence. La Plateforme française des ONG pour la Palestine avait eu, en 2019, une série de contacts notamment avec le ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance, destinés à les renforcer et à leur donner une meilleure visibilité, Mais cela n’a jamais été finalisé (seul le site de Business France a mis les « conseils » en évidence sur son site). Cette demande a été réitérée lors de cette rencontre du 11 février, puis lors de la rencontre organisée au MEAE pour des représentants du Jérusalem Human Right Consortium le 10 mars dernier. Il serait particulièrement important que cette demande soit suivie d’effet.

Alors que la France participe, dans le cadre de l’Union européenne, aux nombreuses et légitimes sanctions prises contre la Russie pour s’opposer à son agression et sa tentative d’occupation et d’annexion d’une partie de l’Ukraine, nous considérons que la France doit être cohérente et intervenir sous des formes équivalentes auprès des entreprises françaises participant à l’aggravation de la situation d’occupation et de colonisation qu’Israël impose par la force en Palestine depuis des décennies.

Veuillez agréer, Madame la Ministre, l’expression de notre haute considération.

[1]https://www.france-palestine.org/Tramway-de-Jerusalem-des-entreprises-francaises-contribuent-a-la-colonisation

Communiqués de la LDH

Eric Dupond-Moretti, un ministre impossible

Communiqué LDH

Eric Dupond-Moretti, ministre de la Justice, a été renvoyé le 3 octobre devant la Cour de justice de la République (CJR) par les trois magistrats indépendants de la commission d’instruction de cette juridiction, seule habilitée à juger les ministres poursuivis pour des crimes ou des délits commis dans l’exercice de leurs fonctions.

Bien que la LDH (Ligue des droits de l’Homme) soit opposée à cette juridiction d’exception, c’est une situation tout à fait inédite qu’un ministre en exercice, qui plus est ministre de la Justice, soit renvoyé pour un procès devant la CJR et, a fortiori, reste en fonction dans ces conditions.

Eric Dupond-Moretti est soupçonné de prise illégale d’intérêts. Il lui est reproché d’avoir utilisé sa fonction de garde des Sceaux pour évincer, par des sanctions disciplinaires, des magistrats financiers dont il aurait dû, au contraire, garantir l’indépendance. Lors de la récente audience disciplinaire du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), aucune sanction n’a été demandée contre les deux magistrats du Parquet national financier (PNF) effectivement poursuivis.

Il voulait aussi faire sanctionner le juge d’instruction Edouard Levrault, qui avait mis en examen à Monaco l’un de ses clients, milliardaire russe, dans une affaire de corruption concernant l’AS Monaco. Ce juge vient d’être relaxé des poursuites disciplinaires par le CSM.

Depuis sa création en 1993, huit ministres et trois secrétaires d’Etat ont été renvoyés devant la CJR, mais aucun ne l’a été alors qu’il était encore en fonction. Eric Dupont-Moretti lui est toujours garde des Sceaux.

Une telle mansuétude à son égard renvoie l’image déplorable d’un monde de décideurs s’estimant au-dessus de la loi commune et faisant fi d’une justice égale pour toutes et tous.

Paris, le 3 octobre 2022

Télécharger le communiqué “Eric Dupond-Moretti, un ministre impossible” en format PDF

Communiqués de la LDH

Comme ailleurs dans le monde, rassemblons-nous à Paris le samedi 8 octobre pour la libération de Julian Assange

Communiqué commun dont la LDH est signataire, appel à rassemblement le samedi 8 octobre à 14h sous le pont Grenelle à Paris

 

« Nous ne pouvons lutter contre les injustices qu’à partir du moment où elles sont révélées ». – Julian Assange

Douze ans de persécution, douze ans de lawfare (instrumentalisation politique de la justice), douze ans de privation de liberté… Depuis 2010, le journaliste australien Julian Assange subit la vengeance de Washington. Qu’a-t-il fait ? WikiLeaks, l’entreprise de presse qu’il a fondée en 2006, a publié des documents accablants sur les Etats-Unis obtenus grâce à la lanceuse d’alerte issue de l’US Army Chelsea Manning : crimes de guerre en Irak et en Afghanistan, atteintes graves aux droits humains à Guantánamo, turpitudes de la diplomatie états-unienne, etc.

Ainsi, c’est pour avoir rempli sa mission de journaliste et révélé des informations d’intérêt public que Julian Assange est pourchassé, torturé, calomnié. Cela fait trois et demi qu’il croupit dans la prison de haute sécurité de Belmarsh au Royaume-Uni, avec une santé déclinante, attendant de savoir s’il sera livré par Londres aux Etats-Unis, où il risque jusqu’à 175 années de prison pour « espionnage ». Les voies juridiques pour éviter l’extradition s’amenuisent…

En plus de l’immense injustice faite à un homme et à ses proches, la persécution de Julian Assange est aussi une tentative de criminalisation du journalisme d’investigation. C’est le droit d’informer et d’être informé qui est attaqué. Il s’agit d’une volonté d’intimider à la fois la presse – en particulier les journalistes qui seraient tentés de s’inspirer du travail de WikiLeaks – et les lanceurs d’alerte potentiels. Si un journaliste australien qui a publié en Europe est traduit devant un tribunal états-unien et jugé en vertu des lois de ce pays, qui osera rendre publiques des informations qui pourraient déplaire au gouvernement US ? Seule une large mobilisation peut enrayer cet engrenage funeste.

En ce qui concerne la France, pays avec lequel Julian Assange a de nombreux liens, elle peut et doit lui offrir l’asile politique, comme l’a fait le Mexique par la voix du président Andrés Manuel López Obrador.

Le 8 octobre, une chaîne humaine entourera le Parlement britannique pour demander la libération de Julian Assange. Plus de 3 500 personnes se sont déjà inscrites pour y participer. Parallèlement à cette grande action, de nombreux rassemblements auront lieu dans le monde. En France, le Comité de soutien Assange et les trente-sept organisations et médias signataires de « L’Appel de Paris pour Julian Assange » proposent de se réunir à 14h à côté de la réplique de la statue de la Liberté – suivez notre regard… – qui se trouve sur l’île aux Cygnes, sous le pont de Grenelle, dans le 15e arrondissement (détails ci-dessous). Des journalistes, des responsables syndicaux et associatifs, des élus prendront la parole.

Pour la liberté de la presse. Pour les droits humains. Pour les idéaux démocratiques. Pour la justice et la vérité. Julian Assange doit être libéré, protégé et indemnisé.

Signataires : Acrimed ; Alertes.me ; Altermidi ; Alternatiba Montpellier ; Anticor ; ANV-COP21 Montpellier ; Assange, l’ultime combat ; Association nationale des communistes (ANC) ; Attac France ; Au poste ; Blast, le souffle de l’info ; Le Canard réfractaire ; CAPJPO-EuroPalestine ; Comité de soutien Assange ; Compagnie Erinna ; Convergence nationale des collectifs de défense et développement des services publics ; Delphi Initiative for the Defense of Democracy ; Demain Le Grand Soir ; Élucid média ; Fédération internationale des journalistes (FIJ) ; Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) ; Le Grand Soir ; Halte au contrôle numérique ; Institut homme total (IHT) ; Là-bas si j’y suis ; Librairie Résistances ; LDH (Ligue des droits de l’Homme) ; Maison des lanceurs d’alerte ; Les Mutins de Pangée ; Pourlecinema.com ; Rencontre annuelle des lanceurs d’alerte ; Robin des lois ; Syndicat national des journalistes (SNJ) ; Syndicat national des journalistes CGT (SNJ-CGT) ; Terre et Liberté pour Arauco ; Toute la France avec Assange – Unity4JFrance ; Vegan Corporation ; Le Vent Se Lève.

Précisions sur le lieu du rassemblement : pour rejoindre la réplique de la statue de la Liberté, il faut se rendre à l’extrémité de l’île aux Cygnes située sous le pont de Grenelle dans le 15e arrondissement. On peut y accéder en métro, par les lignes 10 (Charles Michels) et 6 (Bir-Hakeim), ou avec le RER C (Avenue du Président Kennedy-Maison de Radio France).

Paris, le 1er octobre 2022

Télécharger le communiqué “Comme ailleurs dans le monde, rassemblons-nous à Paris le samedi 8 octobre pour la libération de Julian Assange” en format PDF

 

 

Communiqués de la LDH

Après Bordeaux, menaces LGBTIphobes sur la Marche des fiertés de Toulon

Communiqué LDH

Ce samedi 24 septembre, alors qu’avait lieu la Marche des fiertés de Toulon, de nombreux messages LGBTIphobes ont été tagués le long de son parcours, ainsi que dans la commune voisine de La Seyne. Ces messages s’opposant à la tenue de cette marche ont été accompagnés de propos LGBTIphobes et en particulier à des propos transphobes. Ils expriment un rejet du droit des personnes LGBTI+ d’exister, d’être reconnues et d’être visibles. La LDH (Ligue des droits de l’Homme) dépose plainte et suivra attentivement les suites qui lui seront données.

A Bordeaux, lors de la marche des fiertés du 12 juin, neuf individus d’extrême droite avaient déployé une banderole LGBTIphobe déclarant « Stop folie LGBT ». La LDH a déposé plusieurs plaintes avec les autres associations de défense des droits des personnes LGBTI+ parties civiles.

Elle veillera, sur tout son territoire, à ce que de tels faits ne demeurent pas impunis. Nous appelons les autorités à se saisir avec sérieux de ces questions et à ne pas minimiser ces actes.

Les marches des fiertés permettent depuis plus de 40 ans de revendiquer et défendre les droits des personnes LGBTI+ à l’égalité, à la liberté, et à l’existence. La LDH les soutient.

Paris, le 30 septembre 2022

Télécharger le communiqué “Après Bordeaux, menaces LGBTIphobes sur la Marche des fiertés de Toulon” en format PDF

Communiqués de la LDH