Sortie en salle le 22 septembre 2021
« A titre personnel, Srebrenica occupe une place particulière, parce que j’ai survécu au siège de Sarajevo et qu’on aurait facilement pu finir comme Srebrenica. Je m’étais toujours dit qu’il faudrait faire un film à partir de ce qui s’était passé… ». « J’étais déterminée à réaliser un film qui permette au spectateur de bien comprendre, en 1h 40, ce qui s’est passé à l’époque, tout en restant fidèle aux émotions, aux personnages et aux faits. »
C’est par le biais d’une tragédie individuelle, celle d’Aïda, professeur d’anglais réquisitionnée comme interprète sur la base des Casques bleus de l’ONU, que la réalisatrice de ce film exceptionnel fait revivre de façon haletante et dans une tension extrême, à la manière d’un thriller, le siège de Srebrenica par l’armée serbe de Bosnie, entre le 11 et le 16 juillet 1995, qui se termina par le massacre de plus de 8000 hommes.
Des milliers d’habitantes et d’habitants de Srebrenica, terrorisés par l’arrivée imminente des troupes bosno-serbes commandées par le général Mladic dans la ville, viennent chercher refuge dans le camp des Casques bleus néerlandais, stationnés aux abords de la ville, et littéralement débordés par l’afflux des civils qu’ils ne peuvent plus accueillir à l’intérieur de leur base. C’est là, à l’intérieur, qu’Aïda traduit les consignes, les échanges entre les Casques bleus sur place et la direction de l’ONU, c’est sa voix qui est chargée de rassurer la foule paniquée.
Aïda a un mari et deux grands fils, qui sont toute sa vie, parmi la foule des civils qui attendent aux portes de la base, menacés par l’attaque imminente des troupes de Mladic. Elle croit encore que l’ONU a le pouvoir de les protéger, elle et sa famille. De par sa position d’interprète, privilégiée et par là même ambiguë, elle comprend avant les autres que les Casques bleus ne sont plus soutenus dans leurs efforts pour tenter de sauver la population, pire, qu’ils sont eux-mêmes impuissants et abandonnés ; dès lors, dans une angoisse absolue, son seul objectif est de tout faire pour mettre les siens hors de danger. Au milieu d’une foule terrorisée, dont elle préfère ignorer les vagues d’espoir ou de résignation, elle tente, dans une course folle entre eux et Karremans, de convaincre celui-ci de les inscrire sur la liste de ceux qui pourront quitter la base avec les Casques bleus, et dont elle-même fait partie.
Aïda survivra aux siens, et à tous ceux qui ont eu « moins de chance » qu’elle. Comment dès lors affronter la douleur et la culpabilité et échapper à la folie ? Brisée, Aïda tentera de se reconstruire. Sa tragédie personnelle et sa « trajectoire émotionnelle » sont en fait le véritable sujet du film, selon la réalisatrice, qui fait d’Aïda un symbole des victimes des guerres contemporaines dans un monde qui ne cesse pourtant de produire des textes destinés à protéger les droits des populations civiles et à faire jouer la solidarité internationale ; elle souhaiterait « que les spectateurs repartent de la projection avec les émotions et les questions que suscite le film », et a choisi pour incarner le personnage d’Aïda et sa trajectoire vers l’enfer de l’abandon une actrice magnifique, Jasna Duricic, entourée d’autres acteurs également formidables et tout aussi crédibles. C’est cela entre autres qui contribue à donner à « La voix d’Aïda » une résonance universelle, tout particulièrement dans le contexte actuel.
Mots-clés : droits humains, guerre, nettoyage ethnique, génocide, organisations internationales, Conseil de sécurité de l’ONU, conventions internationales, solidarité, réfugiés, reconstruction, travail de mémoire.
Un film écrit et réalisé par Jasmila Žbanic 2020
Couleur – 104 mn
Bosnie, Allemagne, France