Sud Ouest 18 janvier 2011 08h46 | Par Christophe Massenot
En raison de sa situation administrative, le pédiatre ne peut exercer son métier.
Malgré le contrat de travail qui l’attend, le docteur El Nazer, à gauche, avec Catherine Courville, de la Ligue des droits de l’homme, et son avocat agenais Laurent Bruneau, pourrait quitter la France. Photo Émilie Drouinaud.
Dans un monde idéal, Houssam El Nazer exercerait son métier de pédiatre au centre hospitalier intercommunal de Marmande. Au lieu de ça, le Libanais de 35 ans, marié et père de deux fillettes nées en France, vit dans la crainte d’une expulsion du territoire national au début du mois de février. La faute à une situation administrative inextricable dans laquelle il se débat depuis le mois d’août.
« Je suis arrivé en France en novembre 2004 pour étudier. J’ai commencé par un stage dans un CHU parisien où j’ai pu faire des gardes, payées au noir. J’ai ensuite travaillé à l’hôpital d’Alençon avec le statut de « faisant fonction d’interne ». Un statut justifié par mes origines étrangères. J’ai ensuite candidaté lors de l’ouverture du poste de praticien attaché associé au sein du service de pédiatrie de l’hôpital de Marmande, où un contrat de travail, passé par la Drass (Direction régionale des affaires sanitaires et sociales), a été établi pour le 1er mars dernier. Ni l’employeur ni moi n’avons pensé à faire à ce moment-là une demande de renouvellement de mon autorisation de travail. Et quand nous l’avons fait, la direction du travail a refusé de me la donner. »
La mobilisation s’élargit
L’administration, s’appuyant sur la loi, a motivé sa position par l’impossibilité de Houssam El Nazer de produire des bulletins de paie pour la période où il travaillait au noir avant son poste à Alençon. Une attestation du chef de service pédiatrie n’a pas convaincu. Du coup, le médecin a cessé de travailler au mois d’août et n’a plus aucune ressource depuis. Il n’a plus de titre de séjour non plus. « Nous avons fait une demande de renouvellement auprès de la préfecture », commente l’avocat agenais Laurent Bruneau, qui a pris le dossier en main. « Le préfet a le pouvoir de régler cette situation. On l’espère », appuie Catherine Courville, la présidente de la Ligue des droits de l’homme.
Au-delà des cercles associatifs, le médecin libanais a trouvé un appui précieux auprès du député Michel Diefenbacher, de la direction de l’établissement de soins (qui a formulé un recours) et de ses collègues de travail, qui plaident à la fois les compétences de Houssam et la nécessité de pourvoir le poste. Avec une démographie médicale déjà claudicante, le Lot-et-Garonne ne saurait se dispenser de l’expérience du Libanais dans un service où le délai des consultations s’allonge inévitablement.
Le droit de travailler
« C’est à désespérer de l’avenir de la pédiatrie », écrivait dernièrement le chef de service à sa direction. Grandissante, la mobilisation n’a pas, pour l’heure, débouché sur un espoir de régularisation. « Après plus de six ans passés en France, il ne demande que le droit de travailler, pas celui de vivre avec les prestations sociales », s’agace encore Me Bruneau, tandis qu’un confrère du pédiatre, lui aussi d’origine étrangère, ajoute : « J’ai vécu cette période la plus sombre où l’on interdisait aux diplômés étrangers d’exercer… Cette situation est inacceptable et en totale opposition avec le Code de déontologie de la médecine, des droits de l’homme et de l’égalité aux soins. »
D’après la Ligue des droits de l’homme, il y aurait, selon les chiffres officiels, 6 000 médecins étrangers en France. « Un recensement odieusement en deçà de la réalité », pour Catherine Courville.