Le débat sur la délinquance et a fortiori sur la récidive est depuis de trop longues années très largement biaisé. Les tenants d’une approche sécuritaire ont réussi l’exploit d’imposer un discours simpliste fondé sur les seuls objectifs de fermeté et d’exemplarité : le délinquant doit être puni et la seule sanction efficace est l’incarcération.
Les partisans d’une politique mesurée, favorisant la réinsertion, sont accusés d’angélisme et qualifiés d’irresponsables, devenant de fait inaudibles. Profitant de ce déséquilibre, les lois sécuritaires se sont succédées sans qu’un projet alternatif ne soit présenté et défendu.
A cela s’ajoute la faiblesse des connaissances en la matière laissant le champ libre aux prétendus experts. Le gouvernement de François Fillon a comblé ce vide en créant en 2011 une section de criminologie au sein du Conseil national des universités (CNU) vouée à légitimer sa politique répressive. L’extrême droite, de son côté, promeut des écrits faussement scientifique afin de lier immigration et sécurité.
Enfin, les réformes, que le gouvernement soit de droite ou de gauche, ont tendance à émerger à la suite d’un fait divers. Celui-ci, aussi symptomatique soit-il, limite le débat au seul évènement intervenu, y mêle l’émotion ressenti et l’état supposé de l’opinion publique et oblige à la précipitation. Les lois s’amoncellent, se contredisent, sont illisibles, provoquant une très grande insécurité juridique.
Il était urgent de sortir de cette spirale mortifère.
La tentation, une fois l’alternance intervenue, aurait été de corriger les lois les plus injustes sans revoir les fondements mêmes de notre politique pénale construite sur le paradigme de la prison.
La Garde des Sceaux, a, à ce titre, eu l’idée de transposer une méthode habituellement utilisée en matière médicale : la conférence de consensus. L’objectif est d’identifier les questions incontournables et de cerner les points de controverse afin de les dépasser pour aboutir à la construction d’un socle de consensus susceptible de poser les bases d’une évolution de la politique publique.
Pour ce faire, un comité d’organisation élabore une synthèse des connaissances existantes aussi bien en France qu’à l’étranger et auditionne les organisations concernées (syndicats, associations, représentants institutionnels, élus). Puis, le comité choisi le jury (composé de spécialistes et de représentants de la société civile) et les experts qu’il entendra. Les auditions publiques ont alors lieu durant deux jours à la suite desquels le jury délibère dans un temps très court et rend son rapport.
La réussite d’un tel projet suppose du sérieux et de la transparence. La mise en place d’un site permettant d’accéder à l’ensemble des travaux témoigne d’un souci d’ouvrir le débat très largement. La qualité et la pluralité des intervenants ont permis d’éviter les critiques de parti pris.
En termes de débat démocratique, c’est un succès. Mais surtout, c’est la démonstration que l’innovation et le volontarisme politique permettent de lever des obstacles d’apparence insurmontable en dépassant les postures. C’est aussi l’occasion de mettre à plat un système à bout de souffle. La LDH agira pour que l’élan pris lors de cette conférence de consensus soit en mesure de provoquer un véritable changement.