La dictature chinoise au cœur des bouleversements mondiaux
La plupart du temps, le respect des droits de l’Homme est une affaire intérieure des États : il faut savoir comment le pouvoir en place traite le citoyen et s’il lui laisse la liberté de parler et d’agir. Il n’en va plus de même lorsque les parties en présence sont des puissances mondiales qui peuvent renverser les équilibres économiques et militaires de la planète et qui détiennent des droits particuliers sur le fonctionnement des organisations internationales.
Les capacités de nuisance s’exercent alors en dehors des frontières et bien au-delà et les victimes bien souvent n’ont aucun rapport direct avec leurs oppresseurs. C’est le cas dans nombre de conflits armés, où les civils sont frappés autant que les militaires, où les ruptures d’approvisionnement provoquent des famines sur d’autres continents, où l’angoisse s’empare de populations qui ignorent tant la durée de la guerre que son issue.
2022 est une année d’anxiétés multiples. Les belligérants de la guerre d’Ukraine, combattants ou fournisseurs d’armes, ont des alliés sur les cinq continents, impliqués dans des disputes à portée mondiale comme la liberté de navigation en mer de Chine orientale et méridionale où transitent les plus gros flux du commerce mondial, comme l’appropriation de matières premières industrielles, comme la constitution d’un réseau d’alliances dans le Pacifique, sans parler de l’accès aux deux pôles ou des rivalités de la conquête spatiale. L’imbrication des conflits et des ambitions multiplie les risques d’affrontement entre des puissances qui affichent chacune – depuis longtemps ou depuis peu – des prétentions à détenir seule les clés de la modernité et qui occupent un siège permanent au Conseil dit « de SECURITE » des Nations unies, Conseil assez mal nommé puisqu’il ne sait empêcher les guerres.
Les tensions diplomatico-militaires se sont encore avivées à la fin de juin lors de la réunion de l’Otan à Madrid. L’alliance de l’Atlantique Nord a clairement désigné (Nato 2022 Strategic Concept 29 juin 2022) les deux pays du camp adverse : Russie et Chine, liés par un « partenariat stratégique approfondi ».
Le document distingue la Russie, menace « la plus importante et la plus directe », et la Chine. Celle-ci est relativement ménagée parce qu’elle ne mène pas de guerre pour l’instant et sans doute aussi parce qu’on redoute sa puissance. Mais le texte affirme néanmoins qu’elle « défie nos intérêts, notre sécurité et nos valeurs ». Le texte signé des trente chefs d’État et de gouvernement fait en quelque sorte écho au communiqué sino-russe du 4 février, publié à Beijing à l’ouverture des Jeux olympiques trois semaines avant l’entrée russe en Ukraine.
Les deux textes sont essentiels pour la compréhension des positions et des stratégies à long terme de part et d’autre. Pour la Chine, à quelques mois du Congrès du Parti qui décidera du pouvoir de Xi Jinping et de l’éventuelle poursuite de ses ambitions nationales et extérieures, les prétentions affichées dans la déclaration de février expliquent pour une large part la volonté de réprimer toutes les forces qui contestent le pouvoir absolu que s’octroie le chef du Parti. Depuis longtemps mais maintenant plus que jamais, il s’agit des défenseurs des droits de l’Homme (avocats et militants), des partisans d’un régime soumis à la Constitution et non au Parti, des fidèles du mouvement démocratique de 1989, de ceux qui luttent dans la masse ouvrière pour des syndicats libres, des opposants à l’extension continue de la surveillance des citoyens par le réseau d’intelligence artificielle et par le fichage informatique, des minorités luttant pour leur identité culturelle (Xinjiang, Mongolie, Tibet), des Hongkongais qui refusent leur assujettissement au pouvoir central.
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