Par deux décisions du 29 avril, le Conseil d’Etat vient de sanctionner très clairement la stratégie de censure politique du gouvernement sortant, en suspendant l’exécution des décrets de dissolution pris en Conseil des ministres en mars dernier contre deux associations pro-palestiniennes. La justice est venue rappeler que ces mesures portaient « une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’association et à la liberté d’expression ». Encore plus dans le contexte de campagne électorale, le ministre de l’Intérieur a multiplié l’usage de cette procédure exceptionnelle pour tenter d’imposer des points de vue idéologiques et faire taire des opinions contraires à sa vision partisane. Ainsi, toute contestation radicale de la politique d’Israël et du sionisme ou action systématique contre l’islamophobie seraient pour lui par nature coupables ou complices de provocation à des actes terroristes, à la discrimination, à la haine, à la violence ou d’antisémitisme. Le Conseil d’Etat met un coup d’arrêt salutaire à ces amalgames infondés en écartant de l’espace judiciaire ce qui relève du libre débat et des controverses politiques.
La LDH, comme tous les défenseurs de l’Etat de droit, dénonce régulièrement le principe de ces dissolutions administratives qui donnent à l’exécutif un pouvoir exorbitant de vie ou de mort sur des associations, sans réelle procédure contradictoire ni respect du droit de la défense. Les abus constatés confirment l’urgence à y mettre fin. Si des propos ou des actes illégaux sont reprochés à une organisation, la justice doit être saisie et trancher sur la base de faits probants et non sur la seule appréciation partiale de l’accusation.
L’élection présidentielle s’achève sur une forte division de la société française avec une profonde aspiration à refonder notre démocratie. Sortir des idéologies de la peur, du mépris d’une partie de la population en raison de ses lieux de vie, de son origine ou sa religion devient impérieux pour la paix sociale et l’unité nationale. Pour aider à y répondre, de nouveaux espaces de délibération collective apaisée, sur tous les territoires, associant tous les citoyennes et les citoyens dans la diversité de leurs points de vue sur tous les sujets qui les concernent sont à déployer. Les associations ont une place centrale dans ce dialogue civil à reconstruire. Elles sont par essence des lieux de rassemblement citoyen autour de projets communs utiles à l’intérêt général. La puissance publique, et en premier lieu l’Etat, ne peut continuer de se priver de ces paroles plurielles expertes. Le futur gouvernement et la future majorité qui sortiront des urnes à l’issue des prochaines législatives doivent rompre avec la défiance marquée sous le précédent quinquennat, traduite particulièrement avec la loi « séparatisme » d’août 2021 et le contrat d’engagement républicain (CER), imposé à toutes les associations sollicitant un soutien public. Les oppositions aux mesures de contrôle généralisées prévues et les alertes sur les risques d’arbitraire et de stigmatisation, notamment des personnes musulmanes, viennent de toute part. Au-delà des associations elles-mêmes et des défenseurs des droits, elles viennent aussi des entreprises liées à la commande publique ou des collectivités territoriales qui doivent mettre en œuvre le CER, alors que bien d’autres moyens sont disponibles pour agir efficacement contre les pratiques illégales. Ces appels au retour d’une confiance partagée doivent enfin être entendus. Cette loi et le CER sont à abroger.
Comme avec les dissolutions administratives, le gouvernement sort de son rôle lorsqu’il décrète une façon de penser et d’agir. La démocratie a besoin de libres débats. La liberté d’association et la liberté d’opinion sont à défendre plus que jamais.
Malik Salemkour, président de la LDH