Sortie en salle le 2 février 2022
Le film de Laurent Cantet, Arthur Rambo, illustre admirablement ce thème d’éveil de la conscience : avec empathie pour ses personnages, mais sans concession. Il montre comment la mémoire des réseaux sociaux peut venir briser une success story en confrontant un homme à des écrits, à un personnage qu’il a créé mais qu’il croit oublié.
Face à la résurgence de ce double, c’est une interrogation béante sur l’identité : que pense-t-il vraiment, que pensait-il à cette époque, jusqu’à quel point son identité a-t-elle était forgée par la communauté réunie autour de ce personnage ? Qui est la personne authentique ? Ce « double » est-il fictif ? Surtout, n’a-t-il pas été suffisamment pris au sérieux pour alimenter des sentiments de haine, pour les légitimer ? Le film n’est pas moraliste, il montre et interroge bien plus qu’il ne juge, même s’il épingle au passage la versatilité des milieux artistiques et littéraires. D’où son intérêt : voilà bien une tragédie moderne, enlevée, aussi rapide, accélérée que la circulation de l’information aujourd’hui qui fait réellement écho à l’expérience des jeunes.
La Ligue des droits de l’Homme soutient ce film pour des raisons artistiques et parce que l’angle qui a été choisi pour traiter de ces questions est l’histoire des gens ; il ne s’agit en aucun cas d’une pesante démonstration. C’est pourquoi il constitue indéniablement un excellent support pour engager un travail éducatif sur la citoyenneté numérique, la lutte contre les discours de haine et la nécessaire préservation de la liberté d’expression. Il permet, à partir d’un exemple, aux usagers des réseaux sociaux et en particulier aux jeunes de développer une véritable citoyenneté numérique, de savoir trier les informations et analyser les messages, de se protéger des usages et de l’exploitation des informations que chaque « usager » produit sur lui-même. Arthur Rambo illustre en effet les constats du document publié dès 2017 par la LDH : « Jeunes et réseaux sociaux : des espaces de liberté sous multiples surveillance ». Ce document qui explique le fonctionnement des réseaux sociaux et la manière dont la démocratisation de la parole comporte
de nombreux revers, fait le constat suivant :
« L’adolescence est une période complexe où les « apparences », les perceptions que les autres ont de nous et que l’on a de soi-même, comptent beaucoup. Pour beaucoup de jeunes, les réseaux sociaux prennent une place centrale dans cette apparence et certains s’y consacrent de façon excessive. Cela peut se traduire par une exposition de leurs moindres faits et gestes, une recherche compulsive des « like » de leurs «amis» avec des photos ou des messages toujours plus racoleurs, une déformation de la vérité pour la rendre plus attractive et potentiellement une absence de prise en considération (et donc d’empathie) des conséquences de messages qui peuvent faire du mal à d’autres personnes, etc. Ce phénomène peut rester bénin et limité dans le temps, mais il comporte toutefois de sérieux dangers. D’un point de vue du développement de l’individu, cela peut l’enfermer dans une spirale de conformisme avec son image. « Les autres attendent que je sois cela, je dois ou ne peux pas faire ça (même si j’en ai envie ou pas) ».
Mots-clés : numérique, réseaux sociaux, haine en ligne
Production : Marie-Ange Luciani – Les films de Pierre.
Co-production : France 2 Cinéma, Memento Production.
Distribution : Memento Distribution.
1h27.