Les conclusions de la COP26, conférence internationale sur les changements climatiques, qui se tenait à Glasgow du 1er au 13 novembre 2021, étaient très attendues après la sortie en août dernier d’un sixième rapport du Giec (1), très alarmant. De façon très détaillée, il confirme une accélération du réchauffement global de la planète dont est responsable l’activité humaine, avec des phénomènes météorologiques extrêmes et des effets déjà irréversibles comme la fonte des glaces et une élévation du niveau de la mer. La nécessité de maintenir la hausse des températures en dessous de 1,5 °C à l’horizon 2100 est fortement réaffirmée par les experts, alors que la poursuite des tendances actuelles verrait ce niveau dépassé dès 2030, pour atteindre + 2,4 °C à la fin du siècle.
La déclaration finale de la COP26 est plus que décevante avec des gouvernements qui, par cyniques intérêts économiques de court terme ou sous l’influence de puissants lobbies conservateurs, ne sont pas à la hauteur des enjeux de l’urgence d’agir. Les engagements pris en 2015 par les cent-quatre-vingt-seize Etats signataires de l’accord de Paris ont certes été formellement confirmés, particulièrement l’appel à réduire de 45 % les gaz à effet de serre (GES) d’ici 2030, mais les conditions précises pour y parvenir restent dans l’incantation, sans mesures plus ambitieuses pour faire face à une trajectoire constatée en dessous des objectifs fixés. La maîtrise de la déforestation ou la sortie des énergies carbonées (charbon, gaz et pétrole) demeurent sans calendrier cohérent ni moyens concrets pour gérer cette nécessaire transition énergétique. La promesse des pays riches de verser cent-milliards de dollars par an pour l’adaptation des pays en développement à partir de 2020 n’a pas été respectée, et aucun rattrapage n’est programmé. Pourtant, les besoins financiers des pays les plus vulnérables sont dès aujourd’hui nécessaires car ils subissent déjà à plein les effets des dérèglements climatiques. Ces Etats sont volontaires aux changements mais ils ne peuvent seuls, sans risques économiques et sociaux majeurs, s’engager dans les efforts attendus sans une solidarité mondiale effective. Les gouvernements réunis à Glasgow prennent ainsi le risque de jouer dangereusement avec l’avenir de toute l’humanité.
Balayant les arguments des derniers climato-sceptiques, toutes les études scientifiques sérieuses démontrent la responsabilité directe de l’activité humaine sur les dérèglements climatiques constatés, avec des conséquences largement visibles. Avec la multiplication de phénomènes météorologiques extrêmes, plus fréquents et plus violents, dans tous les pays, cyclones, ouragans, tempêtes, inondations, sècheresses, grand froid ou canicules, avec des températures record, la prise de conscience mondiale est acquise. Poursuivre dans la même voie sans agir fortement pour redresser la barre serait irresponsable pour les générations futures comme dès maintenant pour de nombreuses populations déjà fragilisées. Ce sont cinq-cent-millions de personnes supplémentaires qui souffriraient d’une réduction importante des ressources en eau, si le climat se réchauffait de 2 ˚C. Cela conduirait à des famines, à de la malnutrition et à des problèmes graves de santé sur de nombreux territoires. Les risques de conflits et de tensions sociales seraient croissants, avec des déplacements de populations de grande ampleur et de nouveaux exilés climatiques. Cette perspective apocalyptique est loin d’être irrémédiable si tous les gouvernements honorent les engagements pris à Paris en 2015 et si les entreprises prennent pleinement leur part.
Il s’agit d’un combat qui nous concerne toutes et tous, en tant qu’individu, consommateur et surtout comme citoyen. Le 8 octobre 2021, le Conseil des droits de l’Homme des Nations unies a adopté deux résolutions majeures ; la première fait du droit à un environnement propre, sain et durable un droit internationalement reconnu, et fait pleinement entrer la protection de l’environnement dans le champ des droits fondamentaux ; la seconde crée un mandat de Rapporteur spécial (expert de l’ONU) sur la promotion et la protection des droits de l’Homme dans le contexte du changement climatique. Comme la LDH le considère avec de nombreuses ONG de défense des droits, protection de la planète et défense des droits fondamentaux de tous les êtres humains qui y vivent sont indissociablement liées. Le respect de l’une ne peut être effectif sans le respect de l’autre, dans une vision universelle et indivisible des droits.
La transition énergétique et la conversion économique et industrielle qu’elle oblige se doivent d’être partout socialement justes et de protéger les plus fragiles. Les mobilisations déjà fortes autour du climat, avec de très nombreux jeunes engagés, sont une base à élargir pour construire une société de demain, juste et durable. A nous encore et toujours de faire vivre ces droits, les rendre effectifs et concrets. Le destin du monde reste entre nos mains.
(1) Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat.
Malik Salemkour, président de la LDH