Des éléments d’enquêtes détaillent d’une part comment Le Caire utilise les renseignements fournis par l’Etat français, sous couvert de lutte anti-terroriste, pour cibler des civils. Il s’agirait de petits trafiquants transfrontaliers avec la Libye, éliminés par bombardement et sans autre forme de procès : ces exécutions “informelles” se compteraient par dizaines. Cette situation perdure depuis le quinquennat Hollande jusqu’à nos jours, malgré les alertes des services français aux différents gouvernements, affirme Disclose.
Le second volet de révélations, paru mardi 23 novembre en partenariat avec Telerama, confirme qu’un large éventail d’entreprises françaises a bien vendu à l’Egypte des outils de surveillance individuelle, d’interception de masse ou de collecte des données. Il s’agit d’une information précédemment exposée dans le rapport “Une Répression made in France“, publié par la LDH et la FIDH en juillet 2018.
A la suite des initiatives du groupe d’action judiciaire de la FIDH, l’entreprise Nexa Technologies et quatre de ses cadres ont ainsi, durant l’été 2021, été mis en examen par le pôle spécialisé crimes contre l’Humanité, crimes et délits de guerre du Tribunal judiciaire de Paris.
Pour parfaire la palette répressive, on découvre désormais, sous réserve de confirmation, que Dassault Système aurait exporté Exalead, un moteur de recherche qui permet de croiser les différentes bases de données pour le compte du MID, le redoutable service de renseignement du régime égyptien. Sans l’aval du Service des biens à double usage (SBDU), autorité gouvernementale de contrôle dont la mission est de veiller à ce que des technologies vendues à des pays non européens ne soient pas détournées de leur usage afin de commettre des violations des droits humains, la vente de ces logiciels espions n’aurait pas été possible. En bout de chaîne : la persécution, l’enlèvement, la torture et peut-être même l’exécution de civils, dont les engagements ne conviennent pas au pouvoir égyptien.
La gravité des faits rapportés pourrait conduire la France à se voir accusée de porter assistance à un autre Etat dans la violation du droit international. Cela vient souligner la carence de contrôle parlementaire de l’action du gouvernement, comme le voudrait l’esprit de la Constitution. Ces informations rappellent l’importance de la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire pour clarifier l’éventuelle compromission des services français avec la dictature d’Al-Sissi, ayant possiblement conduit à des actes de torture et d’exécutions extra-judiciaires, demande formulée avec insistance par la FIDH et plusieurs ONG depuis 2018. Plus largement, la FIDH et la LDH réclament la création d’un organe parlementaire de contrôle permanent, a priori comme a postériori, des exportations de matériel militaire et de matériel de seconde destination, consenties par l’exécutif. Il s’agit de prévenir, conformément aux engagements de la France relatifs au Traité international sur le commerce des armes (TCA) de 2014, et de la position commune de l’Union européenne de 2008, le détournement de ce matériel en vue de violer les droits humains ou d’alimenter des conflits, comme c’est le cas notamment au Yémen.
La FIDH et ses organisations partenaires demandent enfin que le gouvernement français laisse la justice enquêter pleinement sur ces nouvelles révélations, sans que des entraves soient apportées aux juges et enquêteurs qui tentent de faire la lumière sur l’éventuelle complicité des entreprises françaises.
Paris, le 23 novembre 2021