Madame la Sénatrice, Monsieur le Sénateur,
Aujourd’hui, près de deux cents enfants français sont retenus prisonniers dans les camps de Roj et Al Hol au nord-est syrien. Dans leur grande majorité, ces enfants ont moins de six ans. Ils sont là depuis deux, voire trois ans, et connaissent des conditions de vie particulièrement inhumaines, ne bénéficiant d’aucun soin approprié, d’aucune scolarisation, d’aucune hygiène. Selon la saison, ils survivent dans le froid, la boue ou sous une chaleur accablante.
Les conditions sont telles qu’en 2019, plus de trois cents enfants sont décédés dans le seul camp d’Al Hol et, jour après jour, la situation à l’intérieur de ces camps où règnent la terreur et la violence ne cesse de se détériorer.
Les Nations unies, l’Unicef, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), le Centre d’analyse du terrorisme, le coordonnateur des juges d’instruction antiterroriste, la Défenseure des droits, de nombreuses Organisations non gouvernementales (ONG), appellent au rapatriement de ces enfants et de leurs mères pour des raisons humanitaires et même de sécurité car ces camps deviennent un terrain privilégié d’endoctrinement de Daech. Certaines associations de victimes du terrorisme, des victimes elles-mêmes, demandent aussi ce rapatriement.
La France se refuse toujours à agir autrement qu’au cas par cas. En deux ans, 35 enfants seulement ont été rapatriés. Aucun d’entre eux n’est revenu avec sa mère. Certains de ces enfants sont orphelins mais d’autres ont été arrachés à leurs mères et à leurs fratries restées sur place. Ils doivent vivre en France en les sachant en danger là- bas.
Les mères, quant à elles, ne peuvent être jugées qu’en France. Elles ont parfaitement conscience qu’elles seront incarcérées en arrivant sur le sol français et qu’elles resteront parfois des années en prison. Elles l’acceptent, comme elles acceptent que leurs enfants soient placés par l’Aide sociale à l’enfance (Ase) avant de retrouver leurs familles.
Nous nous adressons aujourd’hui à vous pour qu’en tant que parlementaire vous interveniez auprès de l’exécutif pour que celui-ci change de doctrine et qu’à l’instar de plusieurs pays européens (l’Allemagne, la Finlande, l’Italie, récemment la Belgique), la France décide de rapatrier l’ensemble des femmes et des enfants retenus dans ces camps.
Il est temps que notre pays sorte de cette inertie qui, chaque jour, met en danger la vie de ces enfants et de leurs mères. Le temps presse. A force d’avoir peur d’affronter l’opinion publique, notre pays accepte de laisser mourir des enfants qui ne sont coupables d’aucun crime. Cette obstination est indigne d’une démocratie comme la nôtre, du pays qui se revendique comme la patrie de la Déclaration des droits de l’Homme et qui fut l’un des premiers signataires de la Convention internationale des droits de l’enfant.
Dans ce contexte, vous comprendrez que ce courrier soit rendu public.
En vous remerciant de l’intérêt que vous porterez à cette sollicitation, nous vous prions d’agréer, monsieur le Sénateur, Madame la Sénatrice, de nos salutations distinguées.
Malik Salemkour,
Président de la LDH