Tribune de la coordination #StopLoiSécuritéGlobale, dont la LDH est membre
Depuis le 17 novembre 2020, l’opposition à la proposition de loi Sécurité globale ne cesse de se renforcer. Initiée par une coalition inédite de la société civile[1], elle a été rejointe et amplifiée par des centaines de milliers de manifestant·e·s, dans plus de 150 villes de France, qui ont bravé dans certains cas les violences policières et les arrestations arbitraires pour dénoncer dans la rue cette proposition de loi, et exiger notamment le retrait de ses articles 21, 22, et 24.
Ce projet porte des graves menaces à la liberté d’informer et d’être informé. Son article 24 vise à dissuader de filmer ou de photographier les interventions policières. L’importance de telles images est pourtant cruciale pour attester des cas de violences policières, comme l’actualité nous l’a rappelé ces dernières semaines :
- Le 31 décembre 2020, les forces de l’ordre expulsent violemment un campement de personnes migrantes à Calais. En plein hiver, leurs tentes sont lacérées, afin d’être rendues inutilisables : ce sont les photos de deux journalistes qui ont permis de faire connaître cette nouvelle violation des droits fondamentaux, alors que ces pratiques sont documentées de façon quasi quotidienne par les associations[2].
- Le 3 janvier 2021, une marche commémorait la mort de Cédric Chouviat, mort étouffé des suites d’un banal contrôle policier. Ce sont des vidéos amateur de témoins de l’interpellation, recueillies par les avocats de la famille suite à un appel sur les réseaux sociaux, qui ont permis de démontrer la violence et l’illégalité de l’interpellation[3].
- Le même 3 janvier, une enquête de Mediapart, basée sur l’analyse de dizaines de vidéos amateurs, démontre d’une part des charges et violences policières illégales lors de la manifestation du 12 décembre 2020 contre la loi Sécurité globale et la loi Séparatisme à Paris, d’autre part une communication gouvernementale mensongère sur les interpellations menées ce jour-là, dont la plupart se sont révélées infondées, voire totalement arbitraires[4].
- Le 8 janvier, le journaliste Taha Bouhafs a comparu pour outrage aux forces de l’ordre. Les vidéos de son interpellation, alors qu’il couvrait un piquet de grève, démontrent le contraire. Vidéos qu’il a pu récupérer après que son téléphone a été illégalement placé sous scellé pendant des mois.[5]
- A l’inverse, depuis le 6 octobre 2019, la famille d’Ibrahima Bah réclame les vidéos des trois caméras de surveillance qui ont filmé la mort de leur fils et frère, lors d’une intervention de police à Villiers-le-Bel. Mais la justice leur en refuse l’accès.
L’article 24 de la loi Sécurité globale ne vise pas à protéger les policiers, mais bien les violences policières. Et la surenchère sécuritaire du gouvernement ne s’arrête pas là. D’autres dispositions de la loi visent à permettre à l’État et à sa police d’accroître le contrôle sur la population (articles 21 et 22), à travers des outils de surveillance indiscriminés (drones et caméras-piétons), utilisables en manifestation ou lors de contrôles d’identité.
La loi dite « Séparatisme » intègre et élargit les dispositions de l’article 24 de la loi Sécurité globale. Et tandis que les propositions élargissant les mesures de surveillance de toute la population ont été votées à bas bruit par l’Assemblée nationale, le Conseil d’État vient quant à lui de légitimer les décrets d’extension du fichage de chacun·e sur la base de nos « opinions » supposées.
Confronté à une mobilisation sans précédent pour la défense des libertés, le gouvernement a opposé une fin de non-recevoir. Les enjeux sont pourtant majeurs. Ils touchent au respect même de l’État de droit, qui suppose le contrôle effectif des pratiques des personnes dépositaires de l’autorité publique par les citoyens, le parlement, la justice et la presse. Les mesures de surveillance de la population doivent quant à elles demeurer l’exception.
En France, la Défenseure des droits, la Commission Nationale Consultative des droits de l’homme, et à l’international, 5 rapporteurs spéciaux des nations unies, et la commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe ont tous vivement critiqué la proposition de loi Sécurité globale. Notre coordination a demandé à être reçue par le président de la République, censé veiller au respect des libertés constitutionnelles. Notre requête est à ce jour restée lettre morte.
Face à la stratégie de l’évitement et de déni, et jusqu’à ce que nos revendications soient entendues, nous nous mobiliserons de nouveau partout en France. Nous marcherons le 16 janvier, et tant qu’il le faudra : pour le droit à l’information, contre les violences policières, pour la liberté de manifester, pour le respect de notre vie privée.
Pour nos libertés.
Paris, le 14 janvier 2021
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