Dans la lignée de leur gestion autoritaire de la pandémie de la Covid-19, mettant à mal le fonctionnement normal de nos institutions et l’équilibre des pouvoirs, au profit de l’exécutif avec un hyperprésidentialisme caricatural, les forces aux pouvoirs accélèrent un travail de sape de nos libertés fondamentales, avec deux nouveaux textes particulièrement dangereux.
La proposition de loi portée par la majorité gouvernementale dite de « sécurité globale » amplifie comme jamais une logique sécuritaire dans laquelle la surveillance généralisée de toute la population devient la norme, avec des polices toutes puissantes. L’usage des drones et de la reconnaissance faciale par les forces de l’ordre serait banalisé, comme le pouvoir de contrôle et de fouille de tout un chacun par les polices municipales. Avec de telles dispositions, nous sommes toutes et tous concernés. C’est la liberté d’aller et venir, de manifester, la protection de la vie privée qui sont ici menacées, avec un risque accru d’arbitraire et d’abus.
Avec l’article 24 du projet qui veut interdire la diffusion d’images de policiers qui pourraient porter atteinte à leur intégrité physique et psychique, c’est le travail des journalistes, les observations citoyennes des pratiques policières que la LDH a mis en place face aux abus constatés, les témoignages audiovisuels des témoins de tels actes qui seraient entravés. Face à la forte réaction des syndicats de journalistes et de la LDH, la protection du droit d’informer a été finalement ajoutée dans la version adoptée par l’Assemblée nationale, mais le problème reste entier, justifiant la poursuite des mobilisations pour réaffirmer que l’action de la police doit être assurée en totale transparence, les intentions malveillantes étant de surcroît déjà sanctionnées dans le droit actuel.
Ce texte, s’il était adopté, ouvre la porte à de graves tensions, sans que la sécurité de toutes et tous soit mieux assurée. Restreindre les libertés et amplifier les contrôles de la population vont à l’encontre de la paix sociale, de notre démocratie libérale et de la nécessaire confiance à avoir envers la puissance publique.
Ce risque de tensions et de divisions est accru avec le projet de loi « confortant les principes républicains », promis par le président Macron depuis plus d’un an pour lutter à l’époque contre les « séparatismes » et les terreaux du terrorisme.
Il part du constat de carences de la République qui ont laissé prospérer des pratiques et des actes contraires à ses valeurs et à ses lois. Elles sont en effet à combattre sans faillir. L’application stricte des textes multiples en vigueur permet déjà d’agir efficacement. Ainsi, sans attendre cette loi, en affichage médiatique d’une réaction ferme après les horribles attentats de Conflans et de Nice, le gouvernement a pu dissoudre des associations, fermer des lieux de culte et des établissements scolaires. On peut s’étonner qu’il ne l’ait pas fait plus tôt, révélant ici de graves défaillances de l’Etat. On aurait pu espérer des mesures positives pour y pallier, renforcer les contrôles des écoles privées, redéployer des services publics sur tous les territoires, lutter contre les discriminations et les injustices, renforcer les outils d’accompagnement social et pédagogique et soutenir les associations qui agissent au quotidien pour l’égalité des droits.
Hélas, au fil de cinquante-sept articles très techniques, le projet développe une approche exclusivement répressive, une lecture restrictive de la laïcité qui s’apparente plus à une philosophie concordataire qu’à celle de la loi de 1905, en pointant l’islam, soumis à des contraintes spécifiques en dépit de prévenances formelles. Il confirme une volonté du pouvoir en place d’imposer sa vision de la République avec, là encore, de nombreuses libertés fondamentales qui seraient atteintes : les libertés d’association, d’expression et de culte, notamment.
Ce projet d’ensemble est mortifère avec sa surenchère prévisible et incontrôlable lors de son examen parlementaire qui cherchera à aller encore plus loin dans l’interdit, le contrôle moral et social, attisant les passions et les divisions au sein d’une société française dont l’unité est déjà fragilisée.
Face au terrorisme et à ses ferments, l’autoritarisme est une impasse. Notre démocratie, notre Etat de droit, nos libertés, la promotion partout de l’égalité réelle entre toutes et tous, quelles que soient nos origines et nos convictions, sont justement les forces que les ennemis de la République veulent atteindre. Ne leur cédons rien.
Paris, le 27 novembre 2020
Malik Salemkour, président de la LDH